Page images
PDF
EPUB

la mer orientale. Mais, s'il ne put en personne achever cette entreprise immense, il ouvrit la voie, et, à dater de cette époque, l'Inde est en rapports suivis avec l'Occident, soit, pour la politique, par les Séleucides et les rois gréco-indiens, soit, pour le commerce, avec l'Égypte et par les Lagides. L'ambassade de Mégasthène, envoyé par Séleucus auprès de Tchandragoupta, est assez connue, bien que la date n'en soit pas trèsprécise (de 310 à 290 av. J. C.), et elle nous en a beaucoup appris sur l'état de l'Inde à cette époque. Il est constaté que la puissance de Tchandragoupta s'étendait sur la plus grande partie de la presqu'île, puisque, résidant à Patalipouttra (Palibothra), sur le Gange, il avait soumis à son pouvoir et les peuples des bords de l'Indus et ceux du Guzarate. Aucun monarque avant lui n'avait exercé une si vaste domination, et il possédait, si ce n'est l'Inde entière, comme le dit Plutarque1, du moins tout le territoire des Âryas, l'Aryâvarta. Ce fut ainsi qu'il prépara le glorieux règne de son petit-fils Açoka, qui tient une place si décisive dans l'histoire du bouddhisme 2. Açoka n'a point d'égal parmi les monarques de ces temps anciens, et, durant trente-six ans (de 263 à 227 avant J. C.), il ne cessa de répandre sur ses peuples tous les bienfaits d'une administration aussi pieuse que vigilante et énergique. Ses inscriptions nous l'ont fait connaître3, et elles resteront comme un des monuments les plus précieux et les plus authentiques de l'histoire indienne. M. Chr. Lassen s'est longuement occupé de ces inscriptions si importantes, et il a tracé de la vie d'Açoka un tableau qui est certainement le plus complet et le plus intéressant qu'on doive à la philologie contemporaine.

2

On ne lira pas avec moins d'utilité tout ce qu'il a recueilli sur les rois grecs de la Bactriane et du nord-ouest de l'Inde, et sur les rois indo-scythes, dont les monnaies concordent d'une façon remarquable avec quelques données de la chronologie du Kachemire 4.

Avant de passer à la seconde période, celle qui s'étend de Vikramâditya à la dynastie des seconds Gouptas, M. Chr. Lassen veut clore la première par un résumé de la situation intellectuelle et morale de

1 Plutarque, Vie d'Alexandre, ch. LXII, p. 834, édition de Firmin Didot. Tchandragoupta mourut en 291, après un règne de vingt-quatre ans; son fils Vindousâra, qui n'est guère connu que de nom, régna vingt-huit ans, sans accroître, à ce qu'il semble, l'héritage paternel. Le fils de Vindousâra, le grand Açoka, se rendit maître du trône en égorgeant la plupart de ses frères, et ne se convertit au bouddhisme que dix ans plus tard. Il a couvert la péninsule des monuments de sa piété fastueuse et de sa puissance; c'est lui qui a converti Ceylan, et il fit tout ce qu'il put pour que la religion du Bouddha remplaçât le brahmanisme. - ' Voir le Journal des Savants, cahier d'octobre 1854, p. 650.-M. Chr. Lassen, Indische Alterthumskunde, t. II, p. 277, 398, 414.

3

Made i touchent un grand acmore te questions que nons ne pouvons qu'indiquer ei. C'est d'arte developement du honddhisme pa tent spores ant dancraticos, et que bentur 113 life wa pria. L'auteur (cope sute de leat au bretmani ime in 1et apparent alors des cattes de Krstna of extol de Cura des propres de la grammaire, dont les plus dinstres papresentanta sons Penina. Lilyana et Patanjali 2. des langues pu scut peresa dona la prespate, de la poese spires de la poesie dramatique. den pritaigaien enotes de phûcoophie, des sciences et des arts, et erán ta commerce. Pour achever cette esquisse et la compieter. M. Chr. Lasen a true filluare de la connaissance scoressive que les Grees ont worse de l'Inde depuía Seglar Jasqua Strabon et Arrien. Ce n'est pas santa dous faire double emploi: mais os detalls auraient pu se reunir à cox de l'expedition &'Alexandre, bien quis répondent à une date un pea plus recente. Du reste fanteur, apres avoir montre l'influence des Greca vor finde, n'a pas manqué d'étudier ausá l'influence réciproque que l'Inde a exercée sur les mythes. la poésie et la science géographique de la Croces

Sifon avait pu douter un seul instant de finsurmontable difficulté d'écrire l'histoire de l'Inde, on n'aurait qu'à lire dans M. Chr. Lassen tout ce qui concerne la seconde période, qui comprend environ quatre sibeles, de 100 ans environ avant lere chrétienne à 300 ans après. Il semble, au premier coup d'œil, que, pour éclaircir cette époque, les monuments sont assez abondants. On a des monnaies d'un bon nombre de ces rois, soit étrangers, soit indigènes, qui ont occupé la scène du monde indien dans cet intervalle, et régi le pays avec plus ou moins de bonheur et de puissance; on a des inscriptions assez multipliées et assez longues; on possede, en outre, des documents écrits, dépôt de traditions

En exposant les dogmes fondamentaux du bouddhisme primitif, M. Chr. Lassen adopte, pour le Nirvana, l'interprétation qu'en a donnée Eug. Burnouf; pour lui le Nirvana est la destruction de l'être pensant, en d'autres termes le néant, ainsi que je le soutiens. (Voir Indische Alterthumskunde, t. II, p. 462.) Il est possible que, plus tard, le bouddhisme ait modifié cette croyance déplorable, mais, dans la pensée du Bouddha, le Nirvana a eu ce sens et ne pouvait en avoir un autre. Pour la date de Pånini, qui est si importante pour le classement des monuments littéraires, M. Chr. Lassen a adopté l'opinion généralement reque, que Panini a vécu dans le iv' siècle avant notre ère. (Voir Indische Alterthumskunde, t. II, p. 475.)- Indische Alterthumskunde, .p./ t. II. p. 519. Ibid. p. 729 et suiv. C'est dans cette époque qu'on a imaginé, en Grèce, l'expédition de Bacchus et d'Hercule aux Indes; et il se forma plus tard une sorte de légende de l'expédition d'Alexandre, qui produisit des espèces de romans dans le genre de celui du Pseudo-Callisthène. ·

4

locales et patriotiques. Mais tous ces secours, qui paraissent devoir être féconds, quand on les regarde de loin, perdent presque toute leur valeur et s'évanouissent, quand on essaye de les étudier d'un peu plus près. Ces monnaies ne nous apprennent que les noms de ces souverains, qui se suivent à peu près aussi obscurs les uns que les autres; mais on ignore les faits de leur règne et l'étendue exacte de leur domination. Ces inscriptions, qui devraient consacrer la mémoire des événements les plus importants, ne fournissent le plus souvent que des témoignages insignifiants d'orgueil mal justifié. Quant aux documents écrits, ils sont très-postérieurs à ce qu'ils racontent, et leurs récits ne renferment presque jamais rien de vraisemblable, ni surtout de positif. La date même de Vikramaditya1, malgré l'ère qu'il a fondée, ne présente pas une certitude entière; et le renom qu'on lui a fait de protecteur des lettres est plus éclatant qu'authentique 2. On présume que le prince qui tient une telle place dans les souvenirs d'une partie de l'Inde l'avait délivrée du joug des hordes touraniennes venues du nord, et qu'il a reconquis l'indépendance de sa nation. Mais, outre le Mâlava, le Kachemire et le Sourâshtra, on ne sait pas même quelles contrées lui étaient soumises. On connaît tout aussi peu l'histoire et le royaume de Çâlivâhana, fondateur d'une autre ère 3. Ce qui manque le plus dans toutes ces informations confuses, c'est toujours la chronologie; et ce n'est que par des hypothèses et des supputations plus ou moins plausibles qu'on parvient à l'établir.

Cette obscurité, qui vient en partie de la multitude des États entre lesquels l'Inde est divisée, ne cesse pas, même quand il s'agit d'un royaume dont les limites naturelles sont aussi bien marquées que celles du Kachemire. Ce pays a eu, dans les premiers siècles de notre ère, des rois assez célèbres, qui l'ont affranchi du joug des étrangers et qui ont étendu leur puissance sur l'Aryâvarta presque tout entier. On cite les noms d'Abhimanyou (de 45 à 65 après J. C.), qui fut le libérateur de la contrée; de Méghavâhana (144 après J. C.), qui poussa ses conquêtes

1

1 M. Chr. Lassen a rassemblé tout ce que l'on sait sur Vikramâditya. Ce ne sont guère que des légendes aussi invraisemblables que les légendes le sont toujours. L'ère qui porte le nom de ce prince (57 avant J. C.) acquerrait de l'importance, si en effet elle devait consacrer l'indépendance nationale, ne fût-ce même que d'une partie de la presqu'île au nord-ouest; mais ce fait même est bien loin d'être constaté. (Indische Alterthumskunde, t. II, p. 800-811.) Les renseignements sur Vikramâditya sont tirés, pour la plupart, d'un ouvrage télougou, écrit bien postérieurement, sans qu'on sache au juste à quelle époque. - Indische Alterthumskunde, t. II, p. 805. — ' Les légendes relatives à Çâlivâhana sont encore plus fabuleuses et plus ridicules, s'il est possible, que celles de Vikramâditya.

3

2

à l'est et au midi, peut-être jusqu'à Ceylan, et qui fut le protecteur déclaré du bouddhisme 1; de Pravaraséna, qui régna de 241 à 266; on en cite encore quelques autres. Mais, bien que l'histoire du Kachemire soitun peu plus claire que celle des pays voisins, elle n'est guère moins incomplète; et ce n'est pas la mythologie du Râdjataranguinî qui peut, malgré la prétention de son titre, renouer la chaîne du temps. Ce qu'on peut dire du Kachemire est encore plus vrai des petites souverainetés de l'intérieur et du sud, dont on a cependant recucilli quelques monnaies assez curieuses 2. On ne peut pas même faire d'exception pour la monarchie des premiers Gouptas, qui dominèrent, non sans quelque gloire, au centre de l'Inde pendant plus d'un siècle (de 171 à 300 après J. C.), et dont il nous reste des inscriptions et des monnaies 3. Le règne de ces premiers Gouptas présente de l'intérêt, surtout à cause des relations qu'ils entretinrent avec la monarchie des Sassanides récemment fondée (226 après J. C.), et aussi à cause de la protection ouverte qu'ils assurèrent au brahmanisme, sans, d'ailleurs, opprimer leurs sujets bouddhistes".

A côté des faits politiques qui appartiennent à la seconde époque, M. Chr. Lassen trace aussi, comme il l'a fait pour la précédente, un résumé des faits religieux et littéraires, qui ne laissent pas que d'être assez importants, tout indécis qu'ils sont historiquement. Le bouddhisme, sortant des contrées où il est né, se propage par le nord-ouest de l'Inde dans la Bactriane, par le nord dans le Tibet, et par le nord-est en Chine; il modifie ses dogmes primitifs en admettant un Âdi Bouddha, ou une sorte de divinité qui, jusque-là, lui était restée complétement étrangère. Il se divise en sectes nombreuses, et c'est probablement alors que commence la doctrine du grand Véhicule ou Mâhayâna 5. De son côté, le brahmanisme redouble ses superstitions; le culte de Vishnou se

2

3

1 M. Chr. Lassen, Indische Alterthumskunde, t. II, page 891. Il reste une inscription de Méghavahana, et elle se trouve sur des rochers, dans l'Orissa, près d'Hastikoumbha. — Ibid. page 918. C'est James Prinsep qui le premier a déchiffré les exergues de ces médailles, qui sont imitées de celles des rois Indo-Scythes. (Ibid. page 938.) — Après l'histoire des premiers Gouptas, M. Chr. Lassen s'oc cupe de l'Inde méridionale, dans laquelle il comprend Ceylan et les royaumes de Pândya et de Tchola. Il s'occupe ensuite de l'Inde transgangétique, particulièrement du Birman et de l'île de Java, qui a d'abord été civilisée par des tribus brahmaniques, avant de l'être par des bouddhistes dans le 5 siècle de notre ère. Il suit l'influence indienne jusque dans l'île de Bali, et il recherche les origines de l'écriture javanaise et celles de la langue Kavie. La conjecture que j'exprime ici sur le commencement du Grand Véhicule m'est entièrement personnelle, et je ne prétends pas en attribuer la responsabilité à M. Chr. Lassen. (Voir mon article sur L'ouvrage de M. Wassilieff, Journal des Savants, cahier de février 1861, page 73.)

5

développe dans les parties orientales de la presqu'île, tandis que le culte de Çiva l'emporte dans l'ouest, en attendant que celui de Krishna les efface l'un et l'autre, et en attendant aussi le système des Avataras, ou incarnations divines. C'est à cette époque que l'Inde a ses premiers et très-obscurs rapports avec le christianisme, dont quelques missionnaires essayent de pénétrer dans la péninsule. Enfin M. Chr. Lassen termine cette esquisse par des considérations sur l'histoire de l'astronomie', que représente alors Aryabhatta 2; sur l'histoire de la langue, dont Amarasinha fait le premier dictionnaire régulier; sur les mœurs, dont la peinture fidèle se retrouve dans les drames de Kâlidâsa, que l'auteur ne place que dans la dernière moitié du second siècle 3; sur la philosophie et sur l'architecture. Mais les faits de la science, de l'art, du goût et de l'esprit, ne manquent pas moins de précision dans l'Inde que ceux de la politique, et c'est partout une égale incertitude et un égal embarras. BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

(La suite à un prochain cahier.)

PRÉCIS DE L'HISTOIRE DE L'ASTRONOMIE CHINOISE.

CINQUIÈME ARTICLE.

Les rites astronomiques.

Les cérémonies attachées, chez les Chinois, à certaines époques de l'année luni-solaire, sont décrites avec détail dans le livre canonique inti

M. Chr. Lassen pense que l'invention du zodiaque appartient aux Chaldéens, qui la communiquèrent à la Grèce et à l'Inde; et, selon lui, ce n'est que beaucoup plus tard, dans le quatrième siècle de notre ère que la science astronomique des Grecs pénétra chez les Indiens. (Indische Alterthumskunde, t. II, p. 1122 et suiv.) 2 Ibid. 1136. D'après M. Chr. Lassen, Aryabhatta aurait vécu au commenpage cement du vi° siècle. (Voir les articles de M. Biot sur l'astronomie indienne, Journal des Savants, cahier d'octobre 1860, page 611.) - Indische Alterthumskunde, t. II, p. 1159.-Voir, pour le premier article, le Journal des Savants, cahier de mai 1861, pour le deuxième, celui de juin, pour le troisième, celui de juillet, pour le quatrième, celui d'août.

3

« PreviousContinue »