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purement graphique. Pour cela prenez deux règles minces, de bois ou de métal, que j'appellerai A et B. Marquez sur A une suite de parties d'égale longueur, qui représenteront les intervalles des tchong-ki linéaires successifs. Le premier point de division figurera votre tchong-ki solsticial. Tracez de même sur B une autre suite de parties égales, mais d'une longueur un peu moindre, étant, relativement aux précédentes, dans le rapport d'un mois synodique à d'année solaire, ou comme 228 est à 235. Cela fait, mettez vos deux règles en contact par leurs côtés longs, de manière que la première division lunaire précède la première division solaire, proportionnellement à l'âge de la lune, au moment du solstice pris pour point de départ. Alors toute la série des lunaisons se trouvera placée, vis-à-vis des tchong-ki solaires, dans les conditions de correspondance que leur succession devra présenter; et l'on connaîtra, par la seule inspection, celles qui seront ordinaires, ou intercalaires, en voyant si elles contiennent un tchong-ki dans leur cours, ou si elles tombent entre deux tchong-ki. Gaubil dit que, sous la dynastie des Tcheou, on avait des instruments qui donnaient ainsi les places des lunes intercalaires par un procédé mécanique. Il ne pouvait y en avoir de plus simple que celui dont je viens de donner la description.

D'après les conditions précédentes, il y aura toujours 12 lunes ordinaires dans chaque année solaire de 365, comme il y a 12 tchongki; et les quatre phases cardinales de cette même année, qui répondent approximativement aux équinoxes et aux solstices, auront chacune leurs lunes propres, numériquement équidistantes entre elles, puisque toute lune occasionnellement intercalaire ne se compte point.

Quel que fût le tchong-ki choisi pour origine de l'année lunaire, il a pu quelquefois arriver, et il est arrivé, en effet, que la lunaison qui le contenait l'a dépassé de très-peu, en sorte que la lunaison qui lui succédait, et qui était la première de la nouvelle année, n'atteignait pas le tchong-ki linéaire suivant. Donc, cette première lune aurait dû être intercalaire, selon la règle. Néanmoins, on la comptait comme ordinaire par exception; et l'on prenait, comme intercalaire, la lune suivante, qui aurait dû être ordinaire. Le motif était de pouvoir accomplir certaines cérémonies attachées, de tout temps, à la première lune de l'année civile, ce qui n'aurait pas été possible, si elle eût perdu son rang comme intercalaire: il fallait donc nécessairement la faire ordinaire pour ne pas violer les rites établis.

Les conventions précédentes étant admises, il ne restait plus qu'à savoir quelles lunaisons il convenait de faire longues ou brèves, pour évi

ter les fractions de jour, en s'écartant le moins possible de l'évaluation moyenne 29 fournie par le tchang de dix-neuf ans. Le choix se décidait par la condition que l'erreur commise fût toujours moindre que jour; et les plus simples opérations de l'arithmétique suffisaient pour l'indiquer. Par exemple, faisons commencer ce petit calcul à la première lunaison qui ouvre le tchang.

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Le numérateur de la fraction surpasse 470, moitié de 940, on devra donc donner 30 jours à cette première lune. Alors l'erreur résultante qu'il faudra retrancher de la lunaison qui suit sera...

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et, comme cette deuxième lunaison a pour durée propre 29 il lui restera, après la soustraction faite....

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58

29j5

58 940

On devra donc lui donner 29 jours, et reporter l'excédant sur la lune qui suit. En continuant à procéder ainsi, de lune en lune, on trouvera successivement toutes celles qu'il faudra faire longues ou brèves, dans le cours des années qui suivront 1.

Le lecteur a maintenant sous les yeux tous les éléments du calendrier chinois, et je dirais volontiers, tout ce qui constitue proprement l'astronomie chinoise. Pour construire chaque année l'almanach impérial, il fallait seulement connaître le jour du solstice d'hiver. Le reste était un travail de bureau, dont la direction était confiée au Ta-sse, le grand annaliste, ayant sous ses ordres le Fong-siang-chi, et le Pao-tchang-chi, l'astronome et l'astrologue officiels. (Tcheou-li, livre xxvi, fol. 4, 15, 18.) En supposant que l'année solaire contînt précisément 365+, comme les Chinois l'admirent pendant beaucoup de siècles, une seule observation exacte du solstice d'hiver suffisait pour toutes les années suivantes, puisqu'il devait s'y maintenir à une même date du jour. Mais les observations de ce phénomène annuellement réitérées, et comparées entre elles à de longs intervalles, faisaient nécessairement apercevoir que cette constance n'a pas lieu rigoureusement; et, lorsque l'écart était devenu trop sensible, on le corrigeait en renouvelant l'observation du solstice qui servait de point de départ. C'est précisément ce qui est arrivé à nous autres Européens, lorsqu'un long usage du calendrier de Jules César eut amené dans les phases solaires l'avance de dix jours qui nécessita la réforme grégorienne. Chez les anciens Chinois, les incertitudes

1

J'ai expliqué ce petit calcul, d'une manière plus générale, dans mes premiers mémoires du Journal des Savants de 1840, p. 83 et 84.

que comportait la détermination de l'instant du solstice d'hiver, à l'aide du gnomon, devaient rendre la nécessité de ces rectifications beaucoup plus fréquente. Mais l'avance ou le retard occasionnels d'un ou deux jours, dans l'origine de l'année officielle, n'avaient d'intérêt que pour les astronomes chargés de préparer le calendrier impérial. La masse du peuple ne s'en apercevait pas.

Le calendrier lunisolaire des Chinois, tel que je viens de le décrire, fut exclusivement employé par eux, depuis la plus haute antiquité, jusqu'au xvir' siècle de notre ère. Même après que leurs astronomes eurent reconnu la variabilité des mouvements du soleil et de la lune, on continua de régler le calendrier civil sur les mouvements moyens. Ce fut seulement lorsque les jésuites furent chargés de sa confection, que cet antique usage fut abandonné. En lui conservant sa forme primitive, ils substituèrent partout les lieux vrais aux lieux moyens, ce qui rendit désormais la science européenne indispensable pour le calculer. Alors les tchong-ki ne furent plus des intervalles égaux de temps, comprenant de 365, ou 30. On identifia chacun d'eux à la dodécatémorie écliptique correspondante à son rang à partir du solstice d'hiver vrai, de sorte que leurs durées, désormais inégales, eurent pour mesure les intervalles de temps pendant lesquels le soleil parcourt en réalité chacune de ces dodécatémories; par suite de quoi les équinoxes et les solstices furent reportés à leurs places vraies, non plus à leurs places moyennes et équidistantes. Les instants des nouvelles lunes furent aussi calculés d'après les mouvements vrais, et on leur appliqua la règle d'intercalation des Tcheou, en comptant, comme intercalaires, les lunaisons qui se trouvaient tout entières comprises entre les limites, initiale et finale, d'un même mois solaire. Ces innovations scientifiques eurent pour effet de remplacer des computations extrêmement simples par des calculs compliqués, sans que le gouvernement ni les populations en recueillissent aucun avantage réel.

Il est curieux de remarquer que le calendrier chinois, ainsi modifié, se trouve être tout à fait pareil au calendrier civil actuel des Hindous, tel que Prinsep le décrit1; mais l'emploi des méthodes grecques donne

1

Prinsep, Useful tables, 2° partie, p. 19 et 23. Chaque mois (solaire) contient autant de jours et de fractions de jours que le soleil en emploie à parcourir chaque signe (écliptique), le mois civil différant seulement de l'astronomique par le rejet des fractions de jours. Chaque mois lunaire porte le nom du mois solaire dans lequel la conjonction a lieu; et, quand deux nouvelles lunes tombent dans un même mois solaire (par exemple au 1" et au 30° jour), le nom du mois lunaire correspondant est répété, l'année devenant alors intercalaire, c'est-à-dire contenant treize

à celui-ci un caractère relativement moderne, tandis que l'originalité de l'ancien calendrier des Chinois n'a rien de douteux.

L'invariable persistance de cette institution, sous toutes les dynasties qui ont successivement occupé le trône de la Chine depuis tant de siècles, n'a pas eu seulement pour cause l'invincible attachement des Chinois aux usages établis par leurs ancêtres; elle a été constamment soutenue et assurée par un système de cérémonies publiques, affectées, comme rites religieux, à chacune des douze phases mensuelles de l'année civile, et dont une, qui consacre la règle de l'intercalation, a été inscrite, sous des formes symboliques, dans la langue même. Mais, comme cette longue chaîne d'usages, immuablement observés, est un élément caractéristique de l'astronomie chinoise, qui explique en même temps qu'il atteste son antiquité, j'en remets l'exposition détaillée à un article spécial, auquel je joindrai, à titre de particularité tout à fait analogue, la description des cérémonies, également officielles, qui ont été constamment pratiquées, à la Chine, avec la même invariabilité de formes, à l'occasion des éclipses de lune ou de soleil, depuis les plus anciens temps. historiques jusqu'à nos jours; sans que les idées superstitieuses qui les avaient fait instituer aient été modifiées en rien par la connaissance maintenant acquise des causes purement physiques par lesquelles ces phénomènes sont produits. Quand ces exemples, réunis à tant d'autres que nous avons déjà recueillis, nous auront montré, dans toute sa force, l'invariable fixité de l'esprit chinois, nous reconnaîtrons avec évidence les mêmes institutions déjà inscrites et appliquées sous les mêmes formes dans des textes anciens, où le sentiment de la continuité pouvait seul nous conduire à les voir distinctement.

J. B. BIOT.

(La suite à un prochain cahier.)

mois lunaires. Les deux mois de même dénomination se distinguent entre eux par les épithètes nija, propre ou ordinaire, et adhika, ajouté. On voit que la règle d'intercalation des Tcheou est exactement reproduite dans cet énoncé, sauf qu'on l'y applique aux mouvements vrais, et à des mois solaires d'inégale durée.

Drames liturgiques du moyen âGE (texte et musique) par M. E. de Coussemaker. Rennes, H. Vatar, 1860, 1 volume in-4° de v-1x et 1-350 pages.

TROISIÈME ARTICLE 1.

Noël et son octave.

Après les fêtes établies par la primitive Église pour solenniser la résurrection du Sauveur et sanctifier les joies de la quinzaine pascale, un autre cycle de commémorations joyeuses s'ouvrit presque aussitôt en mémoire des naïves et touchantes merveilles qui annoncèrent, environnèrent et suivirent la naissance de Jésus-Christ. Ce fut vers l'an 137 de notre ère, sous le pontificat de saint Télesphore, que fut instituée cette solennité nouvelle. Accompagnée de veillées et d'agapes, comme les fêtes de Pâques et les natalitia des martyrs, elle ne consista longtemps qu'en des hymnes et en des cantiques que renouvelait, chaque année, la fervente allégresse des fidèles, et que couronnaient les danses symboliques alors en usage. Nous avons exposé précédemment2 l'origine et la nature de ces danses, ou plutôt de ces mouvements cadencés de la tête et des pieds qui, dans les premiers siècles, marquaient la fin de l'oraison, et exigeaient que les prières se fissent debout3; nous en trouverons encore ici d'autres exemples. Pendant plus de deux siècles, la fête de Noël eut lieu le 6 janvier, conjointement avec l'Épiphanie, ou plutôt avec les Épiphanies, comme on disait alors, Tà ÉTIQávia, et quelquefois à OeoCávia; et cet emploi du pluriel était parfaitement légitime, car on solennisait à la fois, dans ce seul jour, les principaux actes par lesquels

Voyez, pour les deux premiers articles, le Journal des Savants, cahiers de mai et septembre 1860. Dans le cahier de septembre 1860, p. 522 et suiv. 3 Les danses qui terminaient les prières, attestées par beaucoup d'écrivains du 111o, du iv et du v° siècle, ne sont indiquées ni dans les anciens rituels, ni dans les rubriques des liturgies en action. Cependant de nombreux conciles, tenus pendant les treize premiers siècles de notre ère, indiquent les fêtes et notent les endroits des offices où il était ordonné de prier debout. Un auteur anonyme du dernier siècle (Le Lorrain), a recueilli ces curieux témoignages en deux volumes in-12, intitulés, De l'ancienne coutume de prier debout; mais il n'a point rattaché aux danses religieuses cet usage qui n'est pourtant explicable que par elles. a Dies « Epiphaniorum Christi,» dans saint Jérôme, lib. I, in Ezechiel, cap. 1. — ' La XXXVIII' homélie de saint Grégoire de Nazianze est intitulée Eis Tà DeoĢávia.

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