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pris dans les attributions du quatrième ministère, appelé le ministère de l'été, ou du pouvoir exécutif. L'officier qui en est chargé, et qui a sous ses ordres un personnel d'employés nombreux, a le titre de Kie-houchi, et son emploi est héréditaire, comme le sont tous ceux qui exigeaient une instruction particulière et traditionnelle. C'est lui qui fait construire les horloges d'eau et les règle. Il s'en sert pour mesurer les durées du jour et de la nuit aux époques des équinoxes et des solstices1. Quand des armées sont en marche, il les accompagne, fait percer dans chaque étape des puits dont il signale l'emplacement aux soldats en y érigeant le vase à eau ou le vase horaire comme on l'appelle; et, par les indications de cet instrument, observées tant de nuit que de jour, il règle les durées des factions ainsi que les nombres des coups que les sentinelles doivent frapper aux diverses heures. D'autres officiers de rang inférieur appelés Khi-jin, littéralement officiers-coqs, liv. XVII, fol. 5, XX, fol. 10, et XXVII, fol. 19, sont attachés au service de nuit du palais impérial, y font l'office de veilleurs, annoncent l'aurore, les heures du lever, et celles du départ 2. On retrouve ces mêmes offices avec des fonctions pareilles ou analogues sous toutes les dynasties suivantes, les Souï, les Thang, et l'horloge qui mesure silencieusement les heures par l'eau qui s'écoule, a aussi sa place dans les chants des poëtes3. En rassemblant les traits épars dans ces textes, on voit que l'appareil employé par les Chinois a été, dès son origine, et est demeuré depuis, sinon dans les détails de sa construction, au moins dans son principe, le plus simple que l'on puisse imaginer. Il se composait essentiellement de deux vases A, B, disposés l'un au-dessus de l'autre. Le supérieur A est rempli, en tout ou en partie, d'eau, qu'il laisse tomber goutte à goutte dans l'inférieur B, au fond duquel s'élève verticalement une tige métallique divisée en parties égales appelées khe, que l'eau déversée vient progressivement recouvrir. Supposant alors que le vase A, qui la fournit, est maintenu constamment plein, ou entretenu à un même niveau, le nombre des divisions immergées indique le nombre pareil d'intervalles de temps égaux,

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1 Annales des Soui, commentaire du Tcheou-li communiqué, par M. Stanislas Julien. Ils sont aussi chargés de produire et de présenter les coqs qui doivent servir aux sacrifices. 3 Poésies de l'époque des Thang, traduites par M. le M d'Hervey de Saint-Denys, pages 57, 242, 244, 277. Paris, 1861.On obtiendrait des résultats pareils avec une tige flottante dont les divisions s'élèveraient progressivement au-dessus d'une ligne de niveau fixe marquée sur le contour du vase B. Mais, comine les commentateurs du Tcheou-li, XXX, fol. 2829, tome II, p. 201 et 202 de la traduction, s'accordent à dire que l'on mesure le temps par le nombre des divisions immergées, cette expression ne peut s'appliquer qu'à une tige fixe, du moins pour ce temps-là.

qui se sont succédé depuis qu'on a commencé à les observer, du moins si la température du liquide n'a pas varié. La constance du niveau supérieur est la condition rigoureuse de l'appareil, et l'on ne peut douter qu'on ne s'y astreignît avec beaucoup de soin, dans les applications à l'astronomie, sans quoi les intervalles de temps mesurés n'auraient pas été comparables entre eux. Or, qu'on les employât comme tels, cela se voit par l'usage qu'on en faisait. A l'époque de Tcheou-kong1, la durée du jour solaire, comprise entre deux retours consécutifs du soleil au méridien, était représentée par 100 khe, que l'on commençait à compter en partant de minuit; et la valeur du khe, ainsi définie, était l'unité de temps à laquelle on rapportait toutes les fractions du jour. Par exemple2, dans des mémoires sur l'astronomie annexés aux annales des Soui, M. Stanislas Julien a découvert un passage relatif aux fonctions de l'officier des horloges qui, dans le Tcheou-li, a le titre de Kie-hou-chi; et, en mentionnant les opérations qu'il est chargé de faire aux quatre phases cardinales de l'année solaire, on en rapporte les résultats suivants :

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On voit que, dans ces énoncés, le khe a une valeur fixe qui est du jour solaire, ou 14" 24' de notre division sexagésimale. Les durées respectives du jour et de la nuit s'échangent mutuellement aux deux solstices, comme cela doit être quand on n'a égard qu'au moyen mouvement du soleil et que l'on néglige les réfractions. Si l'on admet que ces résultats sont effectivement applicables à l'époque du Tcheou-li, la

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1 Gaubil, Hist. de l'astron. chin. p. 239-240.- Cette unité de temps est restée, depuis, la même sous toutes les dynasties, mais le nombre des divisions qui la représentaient a subi des variations. Je ne rapporte pas le détail de ces changements, parce que le mode de division adopté par Tcheou-kong, et qui a subsisté jusqu'à la dynastie des Han orientaux, est le seul qui nous intéresse par son antiquité.

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même que celle de Tcheou-kong', ils supposent, d'après les calculs de Laplace, l'obliquité de l'écliptique égale à 23° 51'. 58". Or, en effet, pour cette valeur de l'obliquité, on trouve qu'ils conviennent à une latitude boréale de 34°. 55'.57′′; ce qui diffère bien peu de 34°.47′.11", assignée par les observations du gnomon de Tcheou-kong à la latitude du lieu où il observait, et qui était la ville appelée Lo-yang.

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Dans le recueil de Souciet, partie III, passim, Gaubil a rapporté plusieurs déterminations de ce genre, parmi lesquelles il y en a qui descendent jusqu'au temps de Ko-cheou-king, au XIII° siècle de notre ère. Mais, comme il ne dit pas si elles ont été observées avec les clepsydres, ou si elles sont évaluées théoriquement, d'après les valeurs calculées de l'arc semi-diurne, j'ai jugé inutile d'en faire usage, dans la crainte de mêler le moderne avec l'ancien.

Pour obtenir ces évaluations expérimentalement, au moyen des clepsydres, il suffisait que le style indicateur de l'appareil fût divisé en parties égales, n'importe de quelle grandeur. Le nombre de celles qui s'immergeaient, pendant la durée d'un jour solaire, faisait connaître leur valeur en khe. C'est ainsi que, dans nos laboratoires, nous employons fréquemment des thermomètres à échelle arbitraire, que nous rapportons par l'expérience au thermomètre centigrade, comme type généralement adopté.

Il est fort possible que les horloges d'eau employées aux usages particuliers ne fussent pas astreintes à la condition d'un niveau constant, avec autant de rigueur que les horloges astronomiques, et qu'on se bornât, par exemple, à rendre de l'eau au vase supérieur quand elle commençait à baisser. On avait même très-probablement des appareils dans lesquels la provision d'eau était fixe, et qui servaient seulement à mesurer un certain intervalle de temps défini, comme les sabliers employés autrefois dans la marine pour mesurer le loch, et qui servent encore aujourd'hui à certaines opérations culinaires. C'est vraisembla

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1 Cette application est confirmée par un commentaire de l'époque des Thang, qui rapporte précisément ces mêmes nombres comme appartenant aux Tcheou. (Communiqué par M. d'Hervey.) — Dans les horloges d'eau à provision fixe, des quantités égales d'eau écoulées ne répondent pas à des intervalles de temps égaux. Conséquemment, pour qu'elles marquent de tels intervalles, il faut que les divisions tracées sur leurs tiges aient d'inégales grandeurs. Mais on peut aisément évaluer ces inégalités, pour chaque appareil de ce genre, en y adaptant, pour épreuve provisoire, une tige divisée en parties égales de grandeur arbitraire, et comparant la marche de leur immersion progressive avec celle d'une horloge à niveau constant. Car alors on n'aura plus qu'à remplacer cette tige d'épreuve par une autre à divisions inégales, dont les grandeurs varieront proportionnel

blement à un appareil de ce genre que fait allusion la pièce de poésie rapportée par M. d'Hervey, à la page 278 de son recueil.

Par la difficulté que la nature de la langue chinoise oppose à des définitions précises d'objets matériels, composés de plusieurs pièces distinctes, la clepsydre n'avait pas, chez les Chinois, un nom qui lui fût spécialement propre. D'après toutes les recherches que M. Stanislas Julien a pu faire, on l'appelait le plus généralement khe-leou, nom composé du mot khe, lequel signifie proprement une entaille, et du mot leou, qui signifie écouler goutte à goutte, deux particularités qui, prises ensemble, expriment les deux caractères essentiels de sa construction. Souvent même, le mot leou est seul employé, sans qu'on y adjoigne le mot khe; et c'est ce qui a lieu, par exemple, dans l'ancien livre le Tcheou-pey.

Gaubil, dans son Histoire de l'astronomie chinoise, p. 239-240, rapporte une foule d'applications des horloges d'eau, ou clepsydres, qu'il a extraites d'un recueil de documents anciens, composé sous l'empereur Khang-hi, et intitulé Ji-tchi-lou. Mais, malgré la confiance que cet ouvrage lui a paru mériter, j'ai pensé qu'il ne serait pas inutile de confirmer les indications qu'il en a tirées, en les appuyant sur des textes originaux, surtout pour ce qui concerne les applications à l'as

tronomie.

Il me resterait encore à discuter ici les indications que Gaubil rapporte sur l'emploi que les Chinois ont fait du gnomon dans leur astronomie. Mais, comme ce sujet me semble avoir beaucoup plus d'importance qu'il ne lui en a donné, je remets à en parler dans l'article suivant, pour ne pas étendre celui-ci plus qu'il ne conviendrait à nos lecteurs.

(La suite à un prochain cahier.)

J. B. BIOT.

lement aux rapports obtenus. On pouvait construire ainsi des horloges à provision fixe, qui mesuraient exactement des portions déterminées de la nuit ou du jour; et, quand on considère l'emploi multiplié que les Chinois faisaient de cet appareil, on ne peut guère douter qu'ils n'en aient fabriqué de tels, au moins pour l'usage des particuliers.

LE DUC ET CONNÉTABLE DE LUYNES.

DEUXIÈME ARTICLE1.

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Les espérances de paix et de bonne intelligence que le traité d'Angoulême avait fait naître ne se prolongèrent point au delà de l'année 1619. Luynes, comme nous l'avons vu, s'était efforcé d'apaiser l'orgueil de Marie de Médicis par des condescendances infinies. Il avait pris soin de ses intérêts en lui faisant donner le gouvernement d'une grande province, l'Anjou, trois places fortes, le château d'Angers, le Pont-de-Cé et Chinon 2, des troupes qui lui appartenaient et n'obéissaient qu'à elle, avec la même pension dont elle jouissait naguère à Paris 3. Il lui avait rendu le plus capable de ses conseillers, l'ancien collègue de Mangot et de Barbin, ce même évêque de Luçon qu'en 1617 il avait couvert de sa protection contre l'inimitié de tout le ministère, et à qui on avait accordé la permission de suivre la reine à Blois, sur la promesse de s'employer à calmer les ressentiments de la vindicative exilée. L'expérience n'avait pas fort bien réussi, et des soupçons bien ou mal fondés avaient fait éloigner Richelieu de Blois. Cette fois, l'adroit et ambitieux évêque avait encore mieux senti la nécessité de gagner la confiance de Luynes, et il y était parvenu en se montrant conciliant et modéré dans les négociations qui précédèrent le traité d'Angoulême. D'autre part, comme il avait souffert pour la reine, il était très-bien avec elle, et peu à peu il acquit sur cette âme ardente et faible l'ascendant que lui donnait un

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Voir, pour le premier article, le Journal des Savants, cahier de mai 1861. - La reine, outre ces trois places de sûreté, avait demandé la ville et le château d'Amboise ou bien la ville et le château de Nantes; on eut de la peine à lui faire abandonner cette demande. Bentivoglio, dépêche du 6 mai 1619: «La regina è condiscesa ad accettar il governo d'Angio e di lasciar il governo di Normandia, mà perche ha giudicato che non sia sicuro quel passo della riviera della Loira e del ponte di Sey, per esser quel ponte di legno, ha fatto ricercar il rè con grande «istanza a volerle dar di più la città e castello d'Ambuosa o la città e castello di Nantes in Bertagna, che hanno buoni ponti di pietra sulla stessa riviera, ed a questo effetto è venuto il padre Berul. Sopra questa domanda si sono fatte lunghe consulte in San Germano, et in somma è stato concluso che la regina si debba <contentar della prima offerta. — * Bentivoglio, ibid.: «Oltre al vincia d'Angio e delle piazze di Angiers, del ponte di Sey e di Scinon, le saranno governo della propagati 400 fanti per la guarnigione necessaria di questi luogi, le saranno trattenute due compagnie di cavalli, l'una di gente d'armi e l'altra di cavalli leggieri e le sue guardie ordinarie, godrà la sua grossa pensione di prima, etc. ■

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