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De Malpighi.

Fontenelle, dans ce beau tableau du xvi° siècle où il nous peint Descartes enseignant aux géomètres des routes inconnues, Néper inventant les logarithmes, Harvey découvrant la circulation du sang, Pecquet, le cours du chyle, Thomas Bartholin, les vaisseaux lymphatiques, caractérise ainsi Malpighi: «Marcel Malpighi, célèbre par tant « de découvertes anatomiques, qui, quelque importantes qu'elles soient, <«<lui feront encore moins d'honneur que l'heureuse idée qu'il a eue, le << premier, d'étendre l'anatomie jusqu'aux plantes. >>

C'est dans le beau livre de Malpighi sur l'anatomie des plantes qu'il faut étudier les rapports des galles avec les insectes: «Toutes mes ob<< servations prouvent, dit Malpighi, que les galles ne sont qu'une espèce « de nid pour l'œuf ou le ver, lequel vient toujours d'un parent animal, "jamais d'une plante: a parente animali, nequaquam vero a planta1. »

Malpighi s'attache à nous faire voir qu'il n'est aucune partie des plantes sur laquelle des galles ne puissent croître sur les feuilles, sur leurs pédicules, sur les tiges, sur les branches, sur les jeunes rejetons, sur les racines, sur les bourgeons, sur les fleurs, sur les fruits; et c'est toujours à un insecte, à un insecte de l'espèce de celui qui a crû dans son intérieur, que la galle doit sa naissance.

Voici comment il raconte la bonne fortune, qui lui arriva un jour, de prendre sur le fait une mouche pondant des œufs et les introduisant à mesure dans l'intérieur d'un bouton de chêne qui venait à peine de

s'ouvrir.

« Pour appuyer ce que j'avance, savoir que ce sont les insectes qui <«<font naître les galles, qu'il me soit permis d'en appeler au témoignage « des sens. Une seule fois, vers la fin du mois de juin, j'ai vu une mouche, « semblable à celle que j'ai décrite plus haut (un cynips), posée sur une «branche de chêne dont les bourgeons commençaient à se former. Elle «s'était attachée à la petite feuille qui sortait à peine de l'enveloppe « solide du bourgeon à demi entr'ouvert. Elle tenait son corps ramassé « sur lui-même en forme d'arc; elle avait dégaîné sa tarière, et en frap"pait à coups redoublés la petite feuille. Puis, enflant son ventre, elle « faisait sortir d'intervalle à intervalle de l'extrémité de sa tarière un œuf, « qu'elle déposait. Je détachai la mouche, et je trouvai sur la feuille «des œufs, de tout point semblables à ceux que je découvris dans

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«l'ovaire de la mouche. Il ne m'a pas été donné de contempler une « seule fois de plus ce spectacle, quoique j'aie conservé longtemps en« fermées dans des vases de verre des mouches que j'entourais de bour«geons naissants et de jeunes branches 1. » «Je sais mieux que "personne, dit à cette occasion Réaumur, combien l'observation de «M. Malpighi a été heureuse; malgré toute l'envie que j'ai eue d'en « faire une pareille, je n'ai pu y parvenir 2. »

De Vallisneri.

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Voulant combattre une fois encore le préjugé absurde et toujours subsistant des générations spontanées, Vallisneri a eu l'heureuse idée de placer le débat entre Pline et Malpighi, dans un Dialogue des morts à la manière de Lucien.

PLINE. « J'ai fait plus d'une fois, mon cher Malpighi, un cruel péché contre « vous; c'est de vous souhaiter ardemment ici, pour apprendre de vous s'il est vrai que les modernes aient fait toutes les merveilleuses découvertes dont ils se vantent. MALPIGHI.Eh! mon Dieu, vénérable Pline, il y a beaucoup de vrai dans

cela.

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PLINE. De grâce, contez-moi donc quelqu'une de ces merveilles.
MALPIGHI. -«

Entre tant d'autres, je vous parlerai d'abord de celles que nous « a révélées Redi, dans son admirable ouvrage sur la Génération des insectes, ouvrage «qui a fait tomber le masque de bien des fables, données jusque-là pour des histoires, et où, à ne vous rien cacher, il n'épargne pas trop quelques-unes des

a vôtres.

PLINE. -Et quelles sont ces fables de moi que n'épargne point votre Redi? MALPIGHI. Par exemple, celle où vous prétendez que les guêpes naissent du « corps du cheval.

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PLINE. Ah! permettez, Malpighi; je n'ai pas dit que les guêpes naissent du corps du cheval, en ce sens que la chair du cheval se changerait en guêpes, mais en ce sens que le corps du cheval contient des vers qui, avec le temps, se transformeront en chrysalides, et, un peu plus tard, de chrysalides en guêpes. MALPIGHI.

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C'est grand dommage que vous n'ayez pas écrit alors comme vous parlez aujourd'hui. Vous auriez épargné bien des bévues à vos successeurs, mais enfin décrivez-moi vos guêpes. »

C'est ce que fait aussitôt Pline et avec un détail infini : les morts ont tout le temps qu'ils veulent pour leurs causeries. Enfin, la description finie: «Je vois, lui dit Malpighi, que vos guêpes étaient des mouches.

1'Anatome plantarum, p. 130.

t. III, p. 476.

2

· Mémoires pour servir à l'histoire des insectes,

« J'avoue, lui répond Pline, que je n'y avais pas trop regardé. Mais « convenez aussi que, lorsqu'on veut écrire sur tout, il faut bien prendre << son parti d'aller un peu vite et de ne pas trop s'arrêter à chaque chose. » « Oui, reprend Malpighi; mais c'est aussi un peu pour cela que les <«< anciens n'ont pas fait les découvertes que font les modernes1.»

De Réaumur.

Ce que les Redi, les Swammerdam, les Malpighi, les Vallisneri avaient découvert, Réaumur devait le vulgariser. Au moment où il écrivait, tout le monde était convaincu que les insectes ne naissent pas de corruption et que les métamorphoses apparentes de ces animaux ne sont que des dépouillements. Je dis tout le monde : il faut pourtant que j'excepte les Journalistes de Trévoux, qui prirent, contre Réaumur, la défense des pères Kircher et Buonanni, singuliers naturalistes dont l'un, le père Kircher, nous donne des recettes sûres pour produire des scorpions2 et des vers de terre3, et dont l'autre, le père Buonanni, nous affirme que, « en se pourrissant dans la mer, certains bois produisent « des vers d'où sort un papillon qui, à force de rester sur l'eau, finit «par se transformer en oiseau 4, »

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Mais que demandent enfin, s'écrie Réaumur, les Journalistes de Tré«voux, pour regarder comme un système tombé le système qui fait <«< naître les insectes de corruption?» ---- Et, en effet, à ce moment-là même de la querelle que lui font les Journalistes de Trévoux, tous les faits allégués à l'appui de ce système venaient d'être éclaircis, c'est-à-dire réfutés.

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On a vu, dit Réaumur, des vers croître sur la viande, et on en «a conclu que cette viande se transformait en vers: Redi s'est donné la << peine de faire un grand nombre d'expériences, par lesquelles il a très« bien prouvé que les vers ne paraissent sur la viande que lorsque des

Della curiosa origine degli sviluppi, e de' costumi ammirabili di molti insetti: Dialogo primo, p. 3 et suiv. (édition de 1733). Prenez, dit le P. Kircher, des cadavres de scorpions, broyez-les, mettez-les dans un vase de verre, arrosez-les d'une eau dans laquelle des feuilles de basilic aient été macérées; pendant un jour d'été, exposez le tout au soleil. Si vous observez ce mélange avec une loupe, vous verrez qu'il s'est converti en une innombrable quantité de scorpions... » Réaumur ajoute : Ce qui embarrasse le P. Kircher dans ce fait n'est pourtant pas la naissance de tant de scorpions, c'est la sympathie que la plante appelée basilic peut avoir avec le scorpion. (Réaumur, t. II, p. xxXVII.) Je fais grâce de la recette, également sûre, pour la production des vers. - Vallisneri, Dialogo primo, p. 26.

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« mouches y ont déposé leurs œufs.—On a vu des morceaux de fromage « se peupler d'un million de mites, on en a conclu qu'elles naissaient « du fromage: Leuwenhoeck a fait voir que, parmi les mites, il y a « des mâles et des femelles, et que les femelles font un grand nombre « d'œufs. Il se forme sur les feuilles, sur les tiges des arbres, des tu<< meurs qu'on appelle galles; ces galles renferment des vers qui se trans« forment en mouches; quelques savants ont cru que ces vers pouvaient << devoir leur naissance au suc même de l'arbre: Malpighi a prouvé que << des mouches, semblables à celles qui viennent des galles, ont donné « naissance à ces galles, etc. etc.1 »

De Geer.

Nous venons de voir que les chenilles peuvent s'introduire partout: dans les feuilles, dans les fruits, dans les galles des arbres, et que c'est de ces fruits, de ces feuilles, de ces galles, qu'elles se nourrissent; mais, à leur tour, d'autres vers, une infinité d'autres vers, s'introduisent dans les chenilles, et c'est aussi pour s'en nourrir.

Réaumur a décrit, avec un grand soin, tout le petit manége de la mouche qui introduit ses œufs dans la grande chenille du chou. La chenille n'en meurt pas loin de périr, elle continue de croître; quelquefois même elle se transforme en chrysalide. Par un instinct singulier, le ver intérieur, le ver qui se nourrit de la chenille et la ronge, le ver mangeur de chenille, comme l'appelle Réaumur, n'attaque aucun des organes principaux, dont la lésion pourrait compromettre une vie à la prolongation de laquelle tient la sienne. Il ne se nourrit que du corps graisseux qui entoure le canal digestif, sans toucher jamais au canal digestif lui-même. Réaumur a vu sortir d'une seule de ces chenilles plus de quatre-vingts vers. « Ce sont ces vers, nous dit-il, que Goëdaert, « et beaucoup d'autres avant lui, ont regardé comme les vrais enfants << des chenilles 2. >>

De Geer, le continuateur de Réaumur, le Réaumur suédois, comme on l'a nommé, beau titre qu'il doit à la sagacité tout à la fois et à la candeur de son esprit, nous décrit une espèce très-petite d'ichneumon, qui loge ses œufs dans les œufs d'un autre insecte, dans les œufs, par exemple, d'un papillon de grandeur commune : un œuf d'ichneumon dans chaque œuf de papillon.

'Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, t. II, p. xxvi et xxvII. ———Réaumur, t. II, P. 415.

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Le ver qui sort de l'oeuf de l'ichneumon est si petit, qu'il trouve sous la coque de l'autre œuf tout ce qu'il lui faut d'aliments pour parvenir à un accroissement parfait. Là, il se métamorphose en nymphe, et puis en mouche, laquelle perce la coque, la coque de l'œuf qui vient de lui servir de logement, et qui ne serait plus pour elle qu'une prison. Le naturaliste, étonné, voit sortir de petites mouches des œufs d'où il s'attendait à voir naître des chenilles 1.

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<«<Au mois de juillet, dit De Geer, on m'apporta une feuille d'osier chargée d'œufs qu'on ne pouvait méconnaître pour être ceux d'un pa<«<pillon; il y en avait plus de soixante, et ils étaient appliqués contre la « surface inférieure de la feuille... Je gardai cette feuille, et j'eus lieu << de m'en savoir bon gré, car, le 17 du même mois, il sortit de chaque « œuf, sans en excepter un seul, un petit ichneumon 2. »

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Je quitte à regret tant et de si curieuses recherches de tant d'habiles observateurs des deux derniers siècles, et je viens à des travaux plus récents, à des travaux de notre époque.

De M. Van Beneden et des transmigrations des vers parasites.

Dès la fin du xvn siècle, Redi avait fait voir, dans son livre sur les animaux vivants qui se trouvent dans d'autres animaux vivants3, que ces vers intérieurs, ces vers intestinaux, ces vers parasites, dont on ne manquait pas alors d'attribuer l'origine à la génération spontanée, étaient pourvus d'organes distincts pour les deux sexes; qu'il y avait donc des mâles et des femelles; qu'ils s'accouplaient; qu'ils produisaient des œufs, et beaucoup d'œufs.

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Redi n'avait guère pu étudier encore qu'une partie de ces vers, ceux dont l'organisation est la mieux marquée, les lombrics, les ascarides, les strongles, etc. M. Van Beneden a étudié tous les vers intérieurs, tous les vers intestinaux, jusqu'à ceux dont la structure paraît la plus simple; il a trouvé dans tous des organes génitaux, et même, chose assez remarquable, des organes génitaux très-compliqués.

Mais ce n'est pas pour des faits de ce genre, pour des faits auxquels on pouvait plus ou moins s'attendre, que je cite ici M. Van Beneden. II y a quelques années à peine, on ne connaissait rien de la transmigration et des métamorphoses des vers parasites. Personne ne se doutait

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1 Voyez Réaumur, t. VI, p. 295. De Geer: Mémoires pour servir à l'histoire Osservazioni intorno agli animali viventi che si trovano Osservazioni, etc. p. 34 et suivantes.

des insectes, t. I, p. 593.

negli animali viventi, 1684.

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