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« que dans notre système métrique; car, ici, ce n'est point l'unité linéaire qui forme directement les autres unités; mais le décamètre carré «< donne l'unité agraire, le décimètre cube l'unité de volume, le centi<«<mètre cube d'eau l'unité de poids, et cinq fois ce poids d'argent l'unité « monétaire.» (P. 28.) Ces conclusions, posées il y a plus de ving-cinq ans, M. Queipo les confirme pleinement : «Il est évident, dit-il, tant " par les textes que nous avons cités, << avons fait mention, qu'il existait en Égypte deux systèmes métriques que par les monuments dont nous << entièrement semblables dans leurs bases ainsi que dans leurs ramifi«cations et d'une admirable simplicité. Chacun de ces systèmes avait « pour unité linéaire le pied ou la coudée. Leurs mesures de capacité, << tant pour les liquides que pour les grains, étaient égales aux cubes de «< ces unités. Finalement, le talent était égal au poids de l'eau contenue « dans le cube du pied auquel il se rapportait. Par conséquent, ces systèmes étaient encore plus réguliers et plus parfaits que celui qui a «< été nouvellement établi en France, et dont les unités de capacité et de poids ne sont pas formées du cube de l'unité linéaire, mais bien du cube de son dixième et de son centième. » (T. I, p. 261.)

Quand on a établi ce nouveau système, la confusion des mesures était telle, qu'une réforme pressait, surtout une réforme qui, offrant un type acceptable à toutes les nations, les acheminât à l'uniformité si désirable et si utile. L'idée de prendre une portion définie de la circonférence du globe terrestre pour unité linéaire était une idée grandiose et complétement en harmonie avec les merveilleux progrès de l'astronomie, et avec l'espérance, trop hâtive cependant, de déterminer précisément le pourtour de notre planète. D'ailleurs l'esprit d'alors était étranger à toute tradition, et l'on ne connaissait les métrologies antérieures que comme un amas incohérent, sans base naturelle et sans dérivation géométrique. Mais, si on avait eu connaissance du vrai système de cette métrologie, quelque érudit aurait pu proposer de reprendre, dans la coudée bien mesurée, un étalon linéaire, de construire sur cet étalon les mesures, les poids et les monnaies, d'y appliquer le système décimal, et de rattacher ainsi le présent au passé.

Les cabinets ne renferment, en fait de monuments métriques du temps des Pharaons, que des coudées. Les poids et les vases étalonnés y manquent complétement. M. Queipo, qui signale cette circonstance, a pensé, par une voie indirecte, il est vrai, pouvoir y suppléer et faire, pour ces hauts temps, quelques déterminations. En soumettant à une discussion approfondie les monnaies, les poids et les mesures de capacité sous les Lagides, tant dans les monuments que dans les textes, il

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est arrivé à cette conclusion que l'Égypte pharaonique, à côté de la coudée royale de 525 millimètres, avait fait usage d'une autre de 462 millimètres, mais avec cette condition tout à fait digne d'attention que cette autre coudée était, comme la royale, divisée en doigts; comme la royale aussi, partagée en deux parties, dont l'une, les deux tiers, formait un pied, lequel pied, élevé au cube, devenait, pour les deux systèmes, l'unité de poids. Cette coudée de 462 millimètres, que M. Queipo attribue à l'Égypte pharaonique, porte le nom d'olympique, parce qu'elle est bien connue d'ailleurs comme appartenant au système

grec.

Les Arabes ont une coudée que l'on nomme haschémique, et qui est de 640 millimètres. M. Queipo a rencontré un texte d'un auteur arabe qui dit que la coudée haschémique s'appelait aussi royale, parce qu'elle tirait son origine des anciens rois de Perse. Sur ces données, il a essayé de la retrouver dans l'Assyrie et dans la Chaldée. Le poids de la darique d'argent, qui est de 58,444, l'a conduit à une mine de 544 grammes, puis à un talent de 32*,666, qui donne pour côté du cube 320 millimètres, c'est-à-dire la moitié de la coudée haschémique. Là aussi la coudée est divisée en doigts, et c'est avec une de ses parties que l'on construit le cube qui donne ensuite les poids et les monnaies; système homologue aux deux précédents.

Ainsi, comme on voit, M. Queipo trouve trois coudées distinctes: la royale, l'olympique et l'haschémique, qui, malgré la différence de longueur, se subdivisent de la même manière et fournissent trois systèmes parfaitement homologues et fondés sur les mêmes procédés arithmétiques et géométriques. Deux de ces coudées, c'est toujours M. Queipo qui parle, la royale et l'olympique, appartiennent à l'Egypte. On n'y trouve pas de trace de l'haschémique; au contraire, à Babylone et à Ninive, on trouve l'emploi de la royale et de l'olympique, car c'est à cette dernière que M. Queipo rapporte le cube qui a fourni une série très-remarquable de poids rapportés des ruines de Ninive.

Du moment qu'il est établi qu'il y a eu en Égypte et en Assyrie une coudée de 462 millimètres, le système grec s'y rattache sans difficulté; car lui aussi a une coudée de 462, et un pied de 308, qui est aussi le côté du cube, origine des poids ninivites dont il a été parlé plus haut.

Le système romain a pour unité linéaire un pied de 296TMTM,30; ce qui donne une coudée de 445 millimètres, c'est-à-dire la coudée naturelle Égyptienne, qui est de 450. M. Queipo rejette cette assimilation, et il aime mieux voir dans le pied romain le pied olympique, qui est

et

de 308, ce qui fait une différence d'environ 12 millimètres, bien grande pour que l'on accepte sans difficulté l'opinion de M. Queipo. J'élèverai en passant la même objection contre l'assimilation qu'il fait du pied drusique avec le pied assyrien; le pied drusique est évalué à 332 millimètres, le pied assyrien à 320; la différence est encore de 12, et trop grande pour que l'assimilation aille de soi. Quoi qu'il en soit, de quelque manière qu'on prenne la chose, le pied romain est une dérivation de quelqu'un des systèmes antérieurs, et les Romains, fidèles imitateurs des règles posées par les anciens, ont un cube de leur pied, d'où provient le quadrantal, de la contenance de 80 de leurs livres (25,92); la livre romaine était de 325 grammes; il y avait une mine grecque toute semblable, et que M. Queipo rapporte à la centième partie du talent babylonien (32,500). Ces simples chiffres prouvent simultanément que les Romains empruntèrent leurs poids et leurs mesures; et que, dans cet emprunt, la liaison géométrique qui y était s'est perdue; de sorte, que pour la retrouver, il faut remonter aux origines. Ce qui est singulièrement confirmatif et paraît bien établi par M. Queipo, c'est que le culeus, qui vaut 20 quadrantals, est le double de la mesure faite en cubant la coudée assyrienne, d'où il résulte que le quadrantal, qui est ou paraît être le cube du pied romain, est effectivement aussi le dixième de cette mesure qui, fournie par le cube de la coudée assyrienne, a été usitée dans les contrées orientales.

Quant aux Arabes, je n'insisterai pas pour montrer que leur métrologie est faite de morceaux des métrologies antécédentes, et s'est compliquée, dans le cours du temps, de différentes réformes; je n'entrerai pas non plus dans la discussion très-laborieuse et très-importante par laquelle M. Queipo s'est efforcé de porter la lumière dans le chaos des poids et mesures arabes, en en suivant les transformations et les filiations; mais je dirai un mot de son explication du système indien. Les Arabes n'ont aucune prétention à une haute antiquité; ils sont notoirement récents dans la civilisation du monde. Il n'en est pas de même des Indiens; ceux-ci sont certainement très-anciens; le bouddhisme est antérieur de six siècles à l'ère chrétienne; le brahmanisme est antérieur au bouddhisme, et les Védas atteignent les temps où, pour la race indienne, du moins, l'histoire commençait à peine. Il est donc curieux de voir si cette civilisation reculée, qui a su trouver tant de choses, su aussi trouver par elle-même une métrologie, ou si elle a reçu ses poids et mesures de peuples encore plus vieux qu'elle. La coudée indienne, hasta, est composée de deux empans (vitasti), et chaque empan de 12. doigts (angula); c'est la division égyptienne. La hasta est évaluée à

a

18 pouces anglais ou 457 millimètres; c'est la coudée naturelle d'Égypte qui est de 450, ou, si l'on veut, la coudée olympique qui est de 462. Maintenant, comment les Indiens formeront-ils leurs mesures de capacité? Cuberont-ils une partie de cette hasta qu'ils ont faite leur? Non, ils ont une cumbha qui est de 164 litres, et qui répond au cube de la coudée haschémique ou assyrienne; c'est, du moins, ce que M. Queipo détermine par des calculs judicieusement conduits. Si l'on se tourne d'un autre côté, et que l'on recherche l'unité de poids chez les Indiens, on trouve le tank-sala, qui est de 3,50, c'est-à-dire la drachme des Lagides, qui est elle-même un poids d'origine égyptienne.

Les recherches de M. Saigey et de M. Queipo établissent, d'une manière péremptoire, que, sous les grands empires d'Égypte et d'Assyrie, civilisés avant la Grèce, il y eut un système métrologique d'une élégante simplicité, qui, partant de la coudée comme unité linéaire, en tirait les mesures de capacité et de poids. Ces deux auteurs concourent également en ceci que toute l'antiquité indienne, grecque, romaine, y a puisé les éléments des systèmes secondaires qui se sont formés. Ce double résultat est d'une très-haute importance, car, d'une part, il témoigne que les grands empires dont il est ici question, à côté du génie qui éleva leurs vastes et splendides monuments, eurent aussi le génie inventif qui sait satisfaire scientifiquement aux pressantes nécessités d'une civilisation déjà très-considérable, et tirèrent de leur arithmétique et de leur géométrie un service qui s'est prolongé pendant des milliers d'années parmi les peuples les plus divers et les plus lointains. D'autre part, il témoigne que la race aryenne représentée par les Indiens, les Grecs et les Latins, au moment où elle vint en contact avec une civilisation supérieure à la sienne, n'avait pas de mesures ni de poids, ou, du moins, aucun système qui pût tenir contre celui qui venait des contrées égyptiennes, phéniciennes, assyriennes. Il faut donc, dans l'ensemble de l'histoire à nous connue, constater une priorité non pas seulement attestée par la chronologie, du moins en ce qui concerne l'Égypte, mais attestée aussi par des monuments de l'esprit, par des inventions à la fois scientifiques et sociales, qui sont restées comme des degrés et des assises des grandes choses faites ultérieurement. Ce n'était pas sans raison, ou, pour mieux dire, c'était par un juste souvenir de l'antique supériorité que les sages de la Grèce, alors même que la Grèce avait, en tous les genres, surpassé l'Égypte, tournaient les regards avec une sorte de respect superstitieux vers ce vieil empire, et étaient toujours tentés de lui demander des secrets qu'il n'avait plus. Sa haute et incontestable sagesse appartenait à de plus lointaines époques; il avait jadis beaucoup donné, mais

depuis longtemps sa fécondité s'était épuisée, et la source du génie littéraire et scientifique coulait alors à pleins bords chez ceux qui, autrefois, avaient emprunté, souvent en le mutilant, le beau système métrologique trouvé sur les rives de l'Égypte et de l'Euphrate.

M. Saigey, conduit par des aperçus qui, d'ailleurs, l'avaient si bien dirigé, construisit, là où soit les monuments effectifs, soit les textes. faisaient défaut, toutes les mesures anciennes dans cette hypothèse qu'elle dérivaient de la coudée égyptienne, soit royale, soit naturelle. M. Queipo, venu après, inspiré par les conceptions de son devancier, mais déterminé à tout ramener aux monuments et aux textes, n'a confirmé ni les déductions partielles, ni, par conséquent, la déduction générale. Tous ses efforts ont abouti non à une mesure linéaire unique, mais à trois, qui sont l'origine de trois systèmes différents, ce sont la coudée royale égyptienne de 525 millimètres, la coudée olympique de 462, et la coudée assyrienne de 640. Mais, en même temps qu'il trouvait ces trois unités irréductibles l'une à l'autre, ce qui combattait le point de vue de M, Saigey, il trouvait, ce qui le confirmait en un certain sens, que ces trois unités se comportaient d'une façon absolument homologue, c'est-à-dire que ces trois coudées se divisaient respectivement en doigts et palmes; qu'elles fournissaient une unité secondaire qui était le pied, équivalent des deux tiers de la coudée royale, des deux tiers de la coudée olympique et de la moitié de la coudée assyrienne, et finalement qu'elles produisaient aussi simplement qu'ingénieusement les mesures de capacité et les poids. De sorte qu'à vrai dire, s'il y avait trois unités fondamentales, il n'y avait pourtant qu'un même système pour en tirer les subdivisions, les côtés des cubes et les valeurs des poids. M. Queipo est d'avis, sans être aucunement affirmatif, que la coudée olympique est d'origine, soit phénicienne, soit égyptienne, que la coudée royale est égyptienne et due à quelque réforme introduite par les Pharaons, ce que semble indiquer l'épithète qu'elle porte, et que la coudée assyrienne est originaire de l'Assyrie ou de la Perse.

Admettons qu'en effet les trois unités déterminées par M. Queipo soient, de toute façon, irréductibles l'une à l'autre, et que l'invention de l'unité linéaire ait trois siéges distincts, trois auteurs différents, de sorte qu'il ne soit pas possible de les rapporter à quelque chose de naturel, qui se conçoive et s'enchaîne sans peine dans l'esprit humain. Toujours est-il que ce qu'il y a de difficile, de simple, d'ingénieux et de scientifique, est une découverte unique et appartenant à un seul inventeur, car, si Fon peut soutenir sans aucune difficulté que trois peuples ont déterminé, chacun de son côté, une certaine unité pour

ვი.

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