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« dolle, de ce que je raconte que vous ne l'êtes vous-même, car vous << publiez ce qu'ont vu vos yeux seuls, et moi je prends la moyenne << entre plusieurs témoignages. » Ce mot peint le procédé philosophique de son esprit, d'un esprit d'aveugle.

Le mot suivant peint la bonté de son cœur : «Une chose que je n'ai « jamais pu apprendre, disait-il, c'est à désaimer. »

Il mourut le 22 décembre 1831, âgé de quatre-vingt-un ans.

Des travaux récents sur les abeilles.

Nous avons vu que la reine abeille ne s'accouple jamais dans la ruche, mais seulement au dehors et à une grande hauteur dans les airs. La découverte de ce fait a été l'une des plus belles de notre aveugle si perspicace.

Cependant une reine vierge, privée du libre usage de ses ailes dès le berceau, soit par mutilation, soit par vice de naissance, une reine vierge, en un mot, qui ne peut voler, peut être féconde. C'est ce qu'a vu M. Dzierzon, pasteur à Carlsmark, en Silésie; c'est ce qu'ont revu, après lui, plusieurs autres observateurs.

Comment cela se peut-il faire ?

M. Dzierzon l'explique par la différence des œufs que pond une reine. Elle en pond de deux sortes de mâles et de femelles. Or, selon M. Dzierzon, les œufs femelles sont ceux qui ont reçu le contact de la liqueur fécondante, et les œufs mâles, ceux qui ne l'ont pas reçu. Une reine qui n'a pas été fécondée ne pond que des œufs mâles.

On se rappelle que les ouvrières qui pondent ne donnent aussi que des œufs mâles.

Mais ce n'est pas tout. Selon M. Dzierzón, la reine abeille peut, à volonté, produire des œufs mâles ou des œufs femelles; et l'un des plus habiles physiologistes d'Allemagne, M. Siebold, a trouvé qu'en effet l'oviducte de la reine abeille est pourvu de muscles volontaires, lesquels, agissant ou non, opèrent ou n'opèrent pas la compression du réservoir qui, dans les insectes femelles, reçoit et retient la liqueur du mâle. La compression de ce réservoir fait que les œufs ne peuvent passer sans être fécondés; la non-compression les laisse passer sans qu'ils le soient.

Enfin, il y a plusieurs variétés, plusieurs races d'abeilles. Une des plus caractérisées est l'abeille ligurienne, l'apis ligurica1, dont parle

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Virgile, et qu'il recommande comme la meilleure de toutes. Sa couleur rousse la distingue nettement des abeilles allemandes, qui sont comparativement noires. Ces deux races d'abeilles se mêlent et donnent des métis, mais avec cette circonstance très-singulière, que, lorsqu'une reine italienne s'unit à un mâle allemand, tous les mâles sont uniquement de la race italienne pure, et que lorsque, au contraire, une reine allemande s'unit à un mâle italien, tous les mâles sont uniquement de la race allemande.

Sur quoi M. Dzierzon triomphe. Le père ne fournit donc rien, dit-il, à la progéniture mâle, ou plutôt, et à parler comme M. Dzierzon : <«la progéniture mâle n'a pas de père, et provient uniquement de la

‹‹ mère 1. »

Mais cela est-il décidément prouvé? Rien n'est décidément prouvé que lorsqu'on est arrivé au bout. Si Bonnet se fût arrêté à la sixième, ou septième ou huitième génération des pucerons, il aurait cru que les pucerons produisaient sans fécondation. Si Huber se fût arrêté aux mesures incomplètes de Schirach pour s'assurer de la virginité de la reine, il aurait cru, comme l'avait cru Schirach, que l'abeille produit sans fécondation. Toujours est-il qu'un fait inattendu se présente ici, et qui, s'il était prouvé, serait de la plus haute importance: une pondaison spontanée produirait des êtres doués de puissance fécondatrice, des mâles, sans avoir été précédée elle-même de fécondation. Avec le travail de M. Dzierzon, un nouveau champ s'ouvre; et, avant qu'il soit clos, il s'en sera ouvert d'autres : « Les différentes vues de l'esprit hu« main sont presque infinies, a dit Fontenelle, et la nature l'est vérita<< blement. >>

1

FLOURENS.

Voyez, dans les Annales des Sciences naturelles, l'analyse du Mémoire de M. Siebold: Recherches sur la parthénogénèse, année 1856, p. 194.

Essai sur les SYSTÈMES MÉtriques et monétaires des anciens peuples, depuis les premiers temps HISTORIQUES JUSQU'À LA FIN DU KHALIFAT D'ORIENT, par Don Vazquez Queipo. 3 vol. in-8°, Paris 1859, chez Dalmont et Dunot, quai des Augustins n° 49.

L'ouvrage de M. Queipo est digne d'une très-sérieuse attention. L'objet qu'il embrasse est considérable; l'auteur examine successivement le système métrique des Égyptiens, auquel tiennent les poids et les mesures des Hébreux et de l'empire des Lagides, puis celui des Assyriens, des Syro-Chaldéens et des Perses. Des régions orientales et de cette haute antiquité, il arrive à l'antiquité moindre des Grecs et des Romains; enfin il terminé par les Arabes, intermédiaires, de toute façon, entre la civilisation gréco-romaine et notre propre moyen âge; un appendice est consacré aux Indiens. Les recherches ont été longues et laborieuses; M. Queipo a visité les musées et les monuments, pesant et mesurant sans cesse; un volume tout entier, le troisième, est rempli par des tables qui offrent les poids des monnaies anciennes conservées dans les collections et rangées suivant le plan de l'ouvrage. La méthode est irréprochable; M. Queipo met constamment en regard les textes des auteurs et les monuments (coudées, pieds, poids, vases, etc.) qui sont parvenus jusqu'à nous; il s'efforce d'interpréter les uns par les autres, et considère rigoureusement chaque système particulier en soi; puis, quand il pense l'avoir établi sur des documents qui soient propres à ce système, il le compare aux autres, pour qu'il leur donne de la lumière et en reçoive. De la sorte s'élève peu à peu, comme un vaste édifice, le corps de la métrologie ancienne, qui embrasse tous les peuples examinés dans l'ouvrage de M. Queipo, va au delà saisir les Chinois, atteint le moyen âge et les temps modernes, et ne commence à s'effacer que par le conflit avec le système métrique français; celui-ci étant devenu nécessaire par la dissolution croissante d'un système qui, comme on le verra, singulièrement élégant et judicieux, avait fini, en changeant trop souvent de mains, par perdre sa connexion intrinsèque.

Parmi les éléments subsidiaires de l'histoire, la métrologie tient un rang fort important. Pour une foule d'objets, les renseignements qu'elle fournit sont indispensables. Si l'on veut suivre Xénophon, il est bon de savoir ce qu'est une parasange; la distribution de la propriété exige la connaissance des mesures agraires; les questions de commerce et de

finance réclament des notions précises sur les poids et les monnaies. Par un autre côté, la métrologie excite vivement la curiosité historique. Quel fut le moyen employé par les anciens hommes pour établir leurs mesures et leurs poids? Où ont-ils pris leurs étalons? Quelle condition naturelle leur en a fourni l'idée? Les mesures linéaires, les poids et les monnaies proviennent-ils d'origines distinctes qui les auraient fournis respectivement, ou sont-ils enchaînés l'un à l'autre par des connexions géométriques? Y a-t-il autant de systèmes qu'il y a de peuples et de gouvernements, chaque peuple, chaque gouvernement ayant imaginé le sien d'après des conditions locales? Ou bien y a-t-il une source unique, un principe vraiment théorique, une invention première qui s'est propagée partout, chaque peuple, chaque gouvernement n'ayant pas eu d'autre influence que de modifier, suivant ses besoins, cette invention, et souvent de l'altérer. Le caractère mathématique de la métrologie permet de discuter, sans se perdre, ces questions, et de suivre, par ce côté très-précis, une transmission régulière de la civilisation dans la haute antiquité.

M. Queipo dit quelque part dans son livre que le temps est le plus, grand des archéologues. C'est le temps, en effet, qui a fait découvrir, depuis un certain nombre d'années, plusieurs monuments importants, et, entre autres, le plus important de tous, la coudée égyptienne. En 1834, profitant de ces trouvailles, un habile géomètre, M. Saigey, publia un ouvrage sur la métrologie ancienne, qui présenta les choses sous un nouveau jour. Dès ce moment, on peut le dire, surtout après les travaux de M. Queipo, la théorie générale en fut trouvée. Cette théorie repose sur deux faits fondamentaux, à savoir que toutes les mesures, tous les poids et toutes les monnaies, sont reliés par des relations mathématiques dans le système primordial, qui a son siége dans l'Égypte, l'Assyrie, la Phénicie, et que les systèmes de la Grèce, de l'Italie, de l'Arabie, de l'Inde, de la Chine, en sont des dérivés.

A ceci, qui est la théorie, M. Saigey a joint une remarque tout empirique; c'est qu'en réalité il n'existe, jusqu'à présent du moins, dans le monde connu, aucun système de poids et mesures qui se trouve en dehors des données de cet établissement primitif. Et, dans le fait, les recherches de M. Queipo, si longtemps poursuivies, si approfondies, si souvent combattant et réformant M. Saigey, n'ont fourni rien qui vînt contredire la proposition. M. Saigey ajoute que, si on apportait quelques mesures et poids authentiques des anciens empires du Mexique ou du Pérou, il serait possible, avec ce seul petit débris, de trancher la question tant controversée de l'origine autochthone ou asiatique de leur

civilisation, et que, si poids et mesures rentraient dans le système égyptien, cela témoignerait d'anciennes communications; témoignant, au contraire, si poids et mesures n'y rentraient pas, d'une création propre et indépendante. Diodore raconte que Mercure, premier ministre d'Osiris et inventeur des mesures, sortit d'Égypte avec une nombreuse armée et porta partout avec lui sa récente et utile invention. Expédition ou non, le fait demeure incontestable; toutes les nations de l'antiquité, et, par elles, toutes les nations modernes, ont eu un système de poids et mesures dont l'origine est commune. On peut penser, non pas que les hommes ne surent, jusque-là, ni peser ni mesurer, mais qu'ils n'avaient que des poids et des mesures non connexes et, sinon arbitraires, du moins fortuites; si bien qu'un système bien lié, leur ayant été apporté, fit évanouir sans retour les premiers rudiments de la métrologie.

La clef de la métrologie universelle de l'antiquité est la coudée. On a plusieurs échantillons de la coudée égyptienne, dont l'un est antérieur à la sortie des Hébreux hors de l'Égypte; ces coudées sont de 28 doigts avec une division pour 24 doigts. La longueur, mesurée soigneusement et prise en moyenne, est 525 millimètres pour les 28 doigts, et 450 pour les 24 doigts. Les 28 doigts sont la coudée royale; les 24 doigts sont la coudée naturelle, et, en effet, les recherches de M. Saigey l'ont amené à admettre que la coudée naturelle des Égyptiens est celle d'un homme bien conformé, dont la taille serait de 1,74, la mesure étant prise avec l'avant-bras mis en équerre sur le bras, le coude appuyé contre une arête perpendiculaire, et la longueur mesurée de cette arête à l'extrémité du grand doigt. La coudée royale est une coudée artificielle, formée de la coudée naturelle plus un palme ou quatre doigts.

Cette unité linéaire étant trouvée, on en fit des multiples et on obtint les mesures d'arpentage. Pour passer aux poids, on en prit une partie aliquote, que l'on cuba; et ce cube, rempli d'eau, donna l'unité pondérale connue parmi les Grecs sous le nom de talent; les divisions de cette unité formèrent les sous-multiples dont on avait besoin. Enfin, pour avoir la monnaie, invention, comme on sait, relativement récente, on choisit un de ces sous-multiples, qui devint l'unité monétaire. Ainsi, en sens inverse, de l'unité monétaire on passe au poids, du poids au cube d'une partie de la coudée, et de cette partie à la coudée. « On « ne peut, dit M. Saigey, rien imaginer de plus simple et de plus élégant le système primitif des mesures égyptiennes... On peut dire que «la liaison des diverses unités de leur système était encore plus simple

"( que

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