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la citadelle d'Athènes, où elles se sont cantonnées contre les hommes, et cet Ambassadeur lacédémonien qui vient dire que tout Sparte,. et n'en peut plus, et qu'il faut

absolument faire la paix. Mais je trouve tout le combat des vieillards et des femmes assez froid.work

En général, Aristophane est plaisant, et a de fort bonnes choses. La plupart de ses pièces sont sans art; elles n'ont ni nœud ni dénouement. La comédie étoit alors bien imparfaite. Il ne connoissoit point ce que nous appellons intrigue, et. ce que les Espagnols entendent si bien. Ee théâtre étoit fort simple chez les Grecs. Enfin on voit bien que les pièces d'Aristophane ne sont encore que la naissance de la comédie: mais on voit bien en même temps qu'elle prenoit naissance chez un peuple spirituel. Vous ne trouverez jamais dans Aristophane de ces jeux de théâtre fins et agréables, comme les confidences d'Horace à Arnolphe. Vous n'y trouverez encore: presque pas de carac→ tères, hormis ceux de Socrate, de Cléon et de Philocléon. Je crois pourtant que ce n'est pas sa faute; car il semble qu'en ce temps là lès comédies devoient avoir rapport au gouvernement et aux affaires públiques et cela ne donne pas lieu de faire paroître tant de caractères différens. Mais nous, nous ne prétendons peindre dans nos comédies que la vie civile sans aucun rapport au gouvernement, et toutes les conditions s'offrent pour être jouées. 187

C'est ainsi, à proportion, qu'il faut penser d'Euripide. Il ne connoît point du tout l'intrigue, et les jeux de théâtre sont rares dans ses pièces. Le théâtre grec est fort simple. Euri-pide ne traite presque ses sujets qu'historiquement; il met -peu du sien dans la disposition de sa fable. Il cherche le naturel, et souvent il y réussit en perfection; quelquefois aussi, pour vouloir être trop naturel, il tombe dans des détails tout-à-fait bas. Il mêle souvent des lieux communs

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dans des discours qui ne devroient être que de passion; et ces morceaux, qui seroient beaux ailleurs, deviennent froids. Les Grecs ne finissoient pas tout court comme nous, quand l'action étoit finie; il se trouve dans beaucoup de leurs pièces bien du discours après l'action terminée. Témoin l'Hécube, où, après que Polimestor a les yeux crevés ce qui est la vraie fin de la pièce, Hécube et Polimestor font, devant Agamemnon, deux plaidoyers inutiles; l'un pour se plaindre de ce qu'on lui a crevé les yeux; l'autre pour prouver qu'elle a eu raison de le faire. Le prologue de cette pièce est sans aucun art, comme tous les autres. La scène d'Hécube, qui prie Ulysse pour Polixène, est efort belle. Polixène prend la chose d'un air digne du théâtre de Corneille. Véritablement cela est bas, quand elle dit qu'elle ne peut plus vivre qu'esclave pour faire du pain ou de la toile à son maître, et balayer sa maison. Elle se -plaint de mourir fille: mais depuis la fille de Jephté, toutes . les filles des vieux temps l'ont fait, Antigone, Électre, &c. C'étoit la coutume, et on étoit alors plus naïf. La narration de la mort de Polixène me plaît fort. Je m'étonne seulement qu'Euripide n'ait donné aucun sentiment de pitié à l'armée grecqué qui voit immoler cette jeune princesse. Le soin qu'elle eut de tomber décemment, est peut-être un peu petit pour entrer dans cette narration. Hécube conjure Agamemnon par les nuits que lui donne Cassandre, de venger Polidore; cela est encore bien du vieux temps. Polimestor, en feignant d'avoir pitié d'Hécube, dit assez - plaisamment que les dieux renversent. toutes les fortunes et brouillent tout, afin qu'on les adore toujours par l'ignorance où l'on est de l'avenir. L'action d'Hécube est manifestement double. La mort de Polixène et la vengeance....

Le reste manque.

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1. IL arrive quelquefois que des pièces irrégulières, telles

que le Cid, ne laissent pas de plaire extrêmement : aussi-tôt on se met à mépriser les règles; c'est, dit-on, une pédan→ terie gênante et inutile, et il y a un certain art de plaire qui est au-dessus de tout. Mais qu'est-ce que cet art de plaire? Il ne se définit point: on l'attrape par hasard; on n'est pas sûr de le rencontrer deux fois; enfin, c'est une espèce de magie tout-à-fait inconnue. Peut-être tout cela n'est-il pas vrai. Il y a beaucoup d'apparence que quand les pièces irrégulières plaisent, ce n'est pas par les endroits irréguliers; et il est certain qu'il n'y a pièce sur le théâtre qui soit, à de certains égards, si régulière que le Cid. Mais itse pourroit bien faire que tout ce qu'il y a d'important pour le théâtre, ne fût point réduit en règles, ou du moins ne für pas fort connu. Ces règles qui ne sont pas encore faites, ou que tout le monde ne sait pas, voilà apparemment l'art de plaire, voilà en quoi consiste la magie.

I/II,

H. Pour trouver les règles du théâtre, il faudroit remonter jusqu'aux premières sources du beau, découvrir quelles sont les choses dont la vue peut plaire aux hommes, c'est-à-dire, leur occuper l'esprit, ou I leur remuer le cœur agréablement ; et cela est déja d'une vaste étendue et d'une fine discussion. Après avoir découvert quelles sont les actions®

qui, de leur nature, sont propres à plaire, il faudroit examiner quels changemens y apporte la forme du théâtre, ou par nécessité, ou pour le seul agrément; et ces recherches étant faites avec toute l'exactitude et toute la justesse nécessaires, alors on n'auroit pas seulement trouvé les règles du théâtre, mais on seroit sûr de les avoir trouvées toutes; et si, en descendant dans le détail, il en étoit échappé quelqu'une, on la ramèneroit sans peine aux principes qui auroient été établis.

III. Avoir trouvé toutes les règles du théâtre, ce ne seroit pas encore toute la poétique; il faudroit comparer ensemble ces différentes règles, et juger de leur différente importance. Telle est presque toujours la nature des sujets qu'ils n'admettent pas toutes sortes de beautés : il faut faire un choix, et sacrifier les uns aux autres. Ainsi, il seroit fort utile d'avoir une balance où l'on pût, pour ainsi dire, peser les règles. On verroit qu'elles ne méritent pas toutes une égale autorité. Il y en a qu'il faut observer à la rigueur, d'autres qu'on peut éluder ; et, si on peut le dire, les unes demandent une soumission sincère, les autres se contentent d'une soumission apparente. Si l'on avoit trouvé les différentes sources qui les produisent, il ne seroit pas difficile de donner à chacune sa véritable valeur.

IV. Ce plan d'une poétique, tel que je l'imagine, est presque immense, et demanderoit une justesse d'esprit infinie. Je n'ai garde de m'engager dans une pareille entreprise. Je veux seulement faire voir que ce plan n'est pas si chimérique qu'il pourra le paroître d'abord à de certaines personnes; j'en veux donner une légère ébauche, et animer, si je puis, quelqu'un à l'exécuter. Ce sera bien assez pour moi, si de ce nombre prodigieux de vues qu'il faudroit avoir,

jen attrape quelques-uns; et si de ce grand tout que je ne saurois embrasser, j'en puis saisir quelque partie.

V. L'esprit aime à voir ou à agir, ce qui est la même chose pour lui: mais il veut voir et agir sans peine ; et ce qui est à remarquer, tant qu'on le tient dans les bornes de ce qu'il peut faire sans effort, plus on lui demande d'action, plus on lui fait de plaisir. Il est actif jusqu'à un certain point, au-delà très-paresseux. D'un autre côté, il aime à changer d'objet et d'action. Ainsi, il faut en même temps exciter sa curiosité, ménager sa paresse, prévenir son in

constance.

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VI. Ce qui est important, nouveau, singulier, rare en són espèce, d'un événement incertain, pique la curiosité de l'esprit ; ce qui est un et simple accommode sa paresse ; ce qui est diversifié convient à son inconstance. D'où il est aisé de conclure qu'il faut que l'objet qu'on lui présente ait toutes ces qualités ensemble pour lui plaire parfaitement.

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VII. L'importance de l'action de la tragédie se tire de ladignité des personnes et de la grandeur de leurs intérêts. Quand les actions sont de telle nature, que, sans e sans rien dre de leur beauté, 'elles pourroient se passer entre des personnes peu co nsidérables, les noms de princes et de rois ne sont qu'une parure étrangère que l'on donne aux sujets ; mais cette parure, toute étrangère qu'elle e est, est nécessaire. Si Ariane n'étoit qu'une bourgeoise trahie par son amant er par sa sœur, la pièce qui porté son nom, ne laisseroit pas de subsister toute entière: mais cette pièce si agréable y perdroit un grand ornement; il faut qu'Ariane soit prinblouis se, tant nous sommes destinés à être toujours eb par les titres. Les Horaces et les Curiaces ne sont que des

cesse,

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