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SOMMAIRE.

Suite de l'examen de la littérature italienne à la fin du

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santes et terribles réalités. Mais ce point de vue, je l'écarte; et, m'attachant à la seule question d'influence littéraire, il me semble que ce n'est pas dans cette imitation textuelle, dans cette adoption servile de l'indépendance française, que l'on peut trouver la gloire de la pensée italienne; car nulle originalité ne s'y mêle. Ces Beccaria, ces Genovesi, ces Veri, ces Filangieri sont des Italiens francisés, ingénieux zélateurs d'idées étrangères, novateurs et pourtant copistes, reproduisant ce qu'ils n'ont pas euxmêmes pensé, et l'exprimant avec la vivacité naturelle à leur langue et à leur pays. Mais, pour trouver la pensée italienne elle-même, pour la trouver originale, c'est-à-dire nationale, il faut quitter la belle Italie, il faut nous arrêter dans ses faubourgs, et étudier un homme doublement singulier par son caractère et par son talent, Alfieri.

Ce n'est pas qu'il ait échappé à cette puissante, à cette inévitable influence de l'esprit français au dix-huitième siècle; mais du moins il s'est débattu contre elle, il l'a reniée, il l'a repoussée, autant qu'il a pu :

Bacchatur vates magnum si pectore possit
Excussisse Deum....

L'empreinte est sur lui; mais il la maudit, il n'en veut pas. Certes, ce n'est pas un des spectacles les moins intéressans de l'histoire littéraire au dix-huitième siècle que l'existence, les progrès, les ouvrages de ce républicain Alfieri, né dans la petite ville d'Astie, sous la domination despotiquement paternelle du roi de Piémont.

A l'occasion d'Alfieri, Messieurs, je ne prétends pas faire un tableau moral, politique et littéraire du Piémont; cependant il m'est impossible de ne pas réfléchir un moment sur un fait qu'Alfieri a si bien caractérisé lui-même, en appelant le Piémont un pays amphibie, pour peindre ce peuple mélangé, français et italien. tout ensemble, français par le gouvernement, par la cour, italien par la superstition et les

mœurs.

Il y avait long-temps que l'influence française avait commencé dans le Piémont ouvrez le plus frivole des livres, dont je ne vous ai pas parlé, les Mémoires d'Hamilton; vous y voyez une copie, une contrefaçon de l'élégance et du luxe de la cour de France à Turin; c'est la même langue, le même goût des plaisirs et les mêmes faiblesses. Je ne redirai pas les expressions trop. peu graves, dont se sert le médisant et spirituel

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historien, en parlant de la princesse qui régissait le Piémont, et qui était une fille de Henri IV *.

Plus tard la gloire vint relever cette frivolité de la cour de Piémont; un prince anima de son énergie ce petit état. Vous savez quel fut Victor-Amédée; il eût plus d'une fois l'honneur d'être battu par Catinat, après une vive et habile défense. Il aimait la guerre, et la savait: politique vraiment italien, il changeait trop rapidement d'alliance; ainsi il se trouva généralissime des armées de l'empire, et deux mois après généralissime des armées de la France; mais cette mobilité de politique était subordonnée en lui à un instinct d'agrandissement et d'usurpation, très bien calculé, et digne d'un roi plus puissant. Après beaucoup de guerres, de pillages, après avoir vu ses états envahis, sa capitale assiégée, Victor-Amédée, tantôt fugitif, tantôt vainqueur, finit par augmenter un peu ses états, et conquérir l'île de Sardaigne alors il s'appela le roi de Sardaigne, au lieu de s'appeler le duc de Savoie.

:

Du reste, malgré les historiens et ces éloges vulgaires qu'ils donnent à la sagesse de ce prince, à ses vertus, à la justice de son admi

* Christine, duchesse régente de Savoie, morte en 1663.

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