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COURS

DE

LITTÉRATURE

FRANCAISE.

7e Leçon.

SOMMAIRE.

Influence de la littérature française sur la littérature italienne au milieu du dix-huitième siècle. État social et gouvernement de l'Italie à cette époque.—Milan', Naples, Rome. Voltaire et Bettinelli. - Protection singulière accordée aux sciences politiques. Beccaria, Filangieri,

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Genovesi, Pagano. — Réflexions générales sur les publi

cistes italiens.

COURS

DE

LITTÉRATURE

FRANÇAISE.

MESSIEURS,

Nous l'avons dit, la littérature française était la grande tribune de l'Europe au dix-huitième siècle; elle se faisait entendre des rois et des peuples; elle prédominait de beaucoup la tribune libre et légale du parlement d'Angleterre. C'est un fait historique et mémorable qu'il importe de rappeler. C'est en même temps l'excuse, ou plutôt c'est le motif des digressions qui nous conduisent dans divers pays de l'Europe, pour y chercher

VIIC LEÇON
PUBLIÉE.

la trace vivante du génie et des opinions françaises. Oui, cette littérature, par la voix de quelques grands hommes et même de leurs plus faibles imitateurs, avait partout une influence incalculable, plus active que l'exemple même des libres discussions du parlement britannique. Ces discussions encore peu connues au dehors étaient en quelque sorte l'affaire publique, mais privée du pays; renfermées dans l'enceinte de l'Angleterre et des pays soumis à ses lois, elles net semblaient pas applicables aux intérêts et aux besoins des autres peuples.

Au contraire, les discussions purement abstraites et spéculatives de la littérature française, les raisonnemens de ses écrivains, de ses philosophes, agissaient partout: ces hommes, en effet, paraissaient se proposer non quelques améliorations dans les lois de leur pays, mais une sorte de réforme sociale, hardie, universelle.

De plus, Messieurs, les résistances locales, les intérêts privés retardent sans cesse les changemens amenés par un débat parlementaire; mais dans ce champ illimité des espérances et de l'utopie, rien n'arrête l'écrivain. Un exemple vous le fera sentir.

Il y a plusieurs siècles que la législation an

glaise est souillée de dispositions barbares, impitoyables, étrangères aux moeurs et à la civilisation modernes. Elles y subsistent encore, modifiées par la pratique et l'usage, mais inscrites dans la loi. Il y a deux ans tout au plus qu'un ministre célèbre les a corrigées, effacées dans quelques parties.

Mais cette réforme abstraite et intellectuelle que tente la pensée dans un livre, ne rencontre pas l'obstacle des faits et de la nécessité. Promulguée par le talent, accueillie par l'enthousiasme des lecteurs, elle se répand, s'accrédite, passe d'une littérature dans l'autre, et agit sur les esprits et les mœurs bien des années avant d'être introduite dans les lois.

Ainsi, tandis que dans la législation criminelle d'importantes réformes étaient si lentes à s'établir en Angleterre, où l'institution politique était toujours prête pour les réclamer et les autoriser, le principe de ces réformes salutaires passait rapidement des ouvrages de Montesquieu dans ceux d'un Italien, d'un publiciste de Milan ou de Naples. Sous la conquête et sous le pouvoir absolu, l'imagination philosophique, la science travaillant dans la solitude, rêvaient, méditaient, coordonnaient ce que la pratique et

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