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COURS

DE

LITTÉRATURE

FRANCAISE.

11 Leçon.

SOMMAIRE.

Suite des considérations sur le théâtre d'Alfieri.

Sujets historiques romains. Sujets modernes. -Philippe II. - Influence morale des pièces d'Alfieri.-État de l'Italie à la fin du dix-huitième siècle. - Conquête française. - Ses résultats salutaires.

COURS

DE

LITTÉRATURE

FRANCAISE.

MESSIEURS,

Tandis que je vous entretiens d'Alfieri, un critique, homme de goût, me reproche de ne pas vous parler de Métastase. J'ai craint, je vous l'avoue, d'épisode en épisode, d'oublier tout-à-fait la France, et de me perdre dans une interminable revue de l'Italie. D'ailleurs, et c'est l'excuse de mon silence sur Métastase, l'étude de ses ouvrages ne me conduisait pas cet examen, encore plus moral que littéraire, de l'esprit italien dans ses rapports avec la

France.

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XIC LECON
PUBLIÉE.

Je voulais marquer cette révolution tout à la fois active et sourde qui fermentait en Italie, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle; je la liais dans ma pensée aux grands événemens qui firent que les opinions abstraites de la France devinrent, comme le disait Pitt, des opinions armées, et bouleversèrent tout à coup le monde qu'elles avaient occupé, ou amusé jusque là.

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Dans ce point de vue, Alfieri, avec sa philosophie altière et républicaine, son humeur in flexible, ses ouvrages tout remplis des mêmes passions que lui me paraissait un personnage caractéristique, et qui représentait une époque, sur laquelle il a puissamment agi. Mais au contraire, le doux, l'harmonieux Métastase n'est national, qu'autant que l'Italie n'est pas une nation.

Je n'ai point partagé l'autre jour la colère d'Alfieri dans les jardins de Schoenbrunn. Mais enfin, Métastase, poète césaréen, comme il s'appelait, poète lauréat de la cour de Vienne, presque toujours exilé de son heureuse patrie, dont il parle si bien la langue mélodieuse, pour amuser des maîtres étrangers, Métastase, avec ses opéras charmans, ses pièces si régulières

et si parfaitement invraisemblables, les mœurs factices de son théâtre, la mollesse contagieuse des sentimens qu'il exprime ne me fait voir dans l'Italie qu'une immense et ingénieuse académie, occupée du charme plutôt que du génie des arts, et livrée à ces distractions frivoles, à cette vie oiseuse, qui l'avaient fait descendre du haut rang où le seizième siècle l'avait élevée. Mais ce qui nous intéresse, ce que nous cherchons, c'est le travail de l'Italie pour sortir d'une telle langueur; et Métastase, à cet égard, n'a rien à nous apprendre.

On peut dire seulement que ce poète, imitateur de la France, imitateur de formes, et non d'idées, enlevant à Racine des graces de langage qu'il effémine, est souvent d'une exquise élégance; que son expression est pure, ingénieuse, délicate, admirable, si l'on veut, pourvu qu'on ne prétende pas que ce soit l'expression tragique. Voltaire semble d'un autre avis, je le sais. Par un souvenir de sa prédilection pour la mollesse de Quinault, peut-être par un retour intéressé sur lui-même, et dans la conscience que ses propres tragédies, si élégantes, n'ont pas la forte poésie de Racine, il a dit quelque part que Métastase donnait l'idée de la tragédie

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