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de longues heures, ou à retoucher ses ouvrages avec ardeur, ou à traduire avec passion les meilleurs classiques grecs et latins, ou à les apprendre par cœur. «De même, dit-il, que j'avais autrefois inondé ma mémoire de vers du Dante, du Tasse, de l'Arioste, ainsi maintenant je la remplissais des accens d'Homère, de Sophocle, d'Euripide, de Pindare. » Cette frénésie d'étude était à peine interrompue par quelques courses à cheval dans Florence. Jusqu'à présent je ne vous ai pas assez parlé de sa passion pour les chevaux. Elle subsistait tou jours à côté de ses fureurs poétiques, à côté de ses égaremens passagers, à côté de sa haine contre les Français. Les trois passions les plus vives qui remplirent son cœur, n'affaiblirent jamais cette passion effrénée qui lui fit une fois traverser les monts, entreprendre un long voyage, aller en Angleterre acheter quinze beaux chevaux, les ramener, en leur faisant franchir les Alpes à travers mille difficultés, et en se comparant à Annibal pour la hardiesse et le bonheur du passage.

Enfin, après avoir fatigué son amę, son esprit, sa mémoire, par tant d'études, par tant d'émotions, par tant d'impatiences et d'espé

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rances, après s'être énivré de plaisir, de travail, de gloire, Alfieri arriva haletant au terme prématuré de sa carrière. Il écrivit lui-même son épitaphe, et celle de la personne à laquelle il avait dévoué sa vie.

Il mourut; et dans le cercueil où son corps fut exposé, au milieu d'une des églises principales de Florence, les traits de son visage conservaient encore une empreinte singulière de noblesse et de fierté. C'est là que l'auteur du Génie du Christianisme, voyageant alors, vit pour la première fois Alfieri. C'est ainsi, Messieurs, qu'à certaines époques de l'histoire des lettres, quand un génie disparaît, un autre plus éclatant s'élève, et que la providence semble avoir soin de ne pas laisser d'interrègne dans la gloire. (Applaudissemens).

PARIS.

DE L'IMPRIMERIE DE RIGNOUX,
8.

RUE DES FRANCS-BOURGEOIS S.-MICHEL,

COURS

DE

LITTÉRATURE

FRANÇAISE.

10° Leçon.

SOMMAIRE.

Examen du système théâtral d'Alfieri. Ce système calqué sur le nôtre. —Sujets mythologiques, romains et modernes.-Agamemnon d'Alfieri,- comparé avec la pièce d'Eschyle, et avec celle d'un poëte français de nos jours. - Mérope.-Virginie.

COURS

DE

LITTÉRATURE

FRANÇAISE.

MESSIEURS,

J'ai rapidement esquissé la vie et l'ame d'Alfieri; j'ai conté ses courses lointaines, ses immenses études, son infatigable et capricieuse ardeur. Maintenant restent ses ouvrages, son génie, son système, ce qui fait sa gloire enfin. Vous ne vous étonnerez pas qu'au milieu de cette revue d'auteurs italiens du second ordre, rencontrant un homme de génie, nous nous arrêtions avec plus de complaisance et de loisir à l'étudier, à le bien connaître.

Alfieri, formé

par les exemples de la France,

X LEÇON
PUBLIÉE.

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