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un banc de pierre Bisellia pour enfourcher leur monture.

servant aux muletiers

Tous les Sarrasins ne vinrent pas demander au travail une juste rémunération. Beaucoup conservèrent leur culte et leur vie vagabonde, tout en restant inoffensifs la rude leçon infligée à leurs pères, avait porté ses fruits. Ils allaient de foire en foire, faisaient le trafic des chevaux. Les uns étaient étameurs ambulants; les autres, joueurs de cornemuse. Ils introduisirent les orgues de Barbarie, les tambours de Basque.

Les femmes, à la taille dégagée, les cheveux flottants, dansaient la Moresque sur les places publiques. Les plus savantes vendaient des herbes médicinales et disaient la bonneaventure en lisant dans les lignes de la main.

Les Sarrasins ont laissé, dans la basse Provence, des traces de leur langue. Quand les chevriers veulent arrêter leur troupeau, ils lui crient: Akistar, expression arabe exactement traduite en provençal par Aqui istar, arrêtez-vous là.

Autant peut-on en dire des physionomies si fortement accentuées dans certaines localités montagneuses le teint basané, les yeux noirs, la parole haute, le geste impérieux, les mœurs turbulentes de ces vaillants chevaliers du moyenâge dont un des plus illustres, Raymond des Baux, figure dans les vieilles annales de la Provence, et possédait, du chef de sa femme, la princesse Stéphanette, les Terres Baussenques, et près de quatre-vingt châteaux, assis sur le sol fertile de cette immense contrée. Bertrand des Baux devint seigneur de Cuges, au commencement du treizième siècle; il fut, comme ses prédécesseurs et ses descendants, un homme de guerre toujours en action.

Les collines méridionales de Cuges étaient déjà habitées à une époque assez éloignée. Il y avait, dit-on, des vestiges de vieilles bâtisses sur les bords du lac. Ce qui est plus certain, ce sont des médailles romaines, des tombeaux en ruine, des

poteries brisées appartenant à diverses époques, toutes choses trouvées en cet endroit solitaire et désert.

Plusieurs peuples ont passé par là !

Les premiers furent, vraisemblablement, les Liguriens ; cette nation vivait, dit-on, de cervoise et de fromage, mieux vaudrait dire caillebottes- broussos si renommées, jadis, à Cuges, par leur bonté et leur exceptionnelle grosseur. Si les Liguriens sont réellement les inventeurs de ce mets succulent, ils ont, pour sûr, bien mérité des gourmets proven

çaux.

Après, vinrent les Romains qui ont mis les pieds un peu partout. Ils traversèrent cette contrée, puis vinrent à Ceyreste, où Jules César qui a donné son nom à la ville Cœsarista, station de César fit reposer une partie de son armée. Le reste passa par le bois de Pichaury, le chemin de Garbier, et arriva ainsi directement au boulevard des Dames, où eurent lieu les premiers travaux du siége.

Le canton de Cuges fut donc la dernière étape choisie par le conquérant des Gaules qui, parti de Rome, vint planter sa tente sur les hauteurs de la profonde vallée vallis altissima qui le séparait encore des murs de notre

vieille cité.

Quartier Saint-Louis.

MEYNIER.

LES CLOCHES.

(Suite.)

LEURS USAGES RELIGIEUX.

Pour traiter méthodiquement ce sujet qui comporte de nombreux détails, il convient de le diviser en deux parties, se rapportant l'une, à l'ordre religieux, l'autre, à l'ordre civil, de parler, dans la première, des cloches des églises, dans la seconde, des cloches des communes.

Commençons par quelques généralités. Les premières cloches furent de petite dimension; mais leur poids s'accrut, avec le temps, selon la libéralité des rois, des cardinaux, des évêques qui en faisaient don aux églises qu'ils affectionnaient.

Les cloches les plus pesantes sont en Russie. Il faut citer, notamment, le Kremlin et le Trotskoï. Ces cloches ne sont jamais mises en branle; le battant, seul, est mobile.

Parmi celles des églises de France, la grosse cloche de Notre-Dame de Paris a un poids de 17,170 kil., et le beffroi d'Amiens 41,000 kil. - On ne doit pas oublier la fameuse cloche donnée par Eudes Rigault, archevêque de Rouen, à sa cathédrale, et pour laquelle on était obligé de donner amplement à boire à ceux qui la sonnaient, à cause des grands efforts qu'ils étaient obligés de faire. De cette circonstance est née la locution: Boire à tire la Rigault, c'est-à-dire boire beaucoup, comme si on avait tiré la cloche Rigault. On a attribué d'autres origines à cette expression; mais celle que nous venons de citer nous paraît la plus vraisemblable, d'autant plus qu'on a prouvé, par plusieurs exemples, qu'on disait autrefois : Boire en tire la Rigault, ce qui signi

fiait exactement: boire en homme qui tire la Rigault, en vrai tire la Rigault (4).

Une autre locution proverbiale qui trouve sa place ici, est la suivante: Faire sonner la grosse cloche, c'est-à-dire faire intervenir dans une affaire celui qui a le plus de pouvoir.

L'art de couler de grosses cloches est antérieur de plusieurs siècles à celui de la fonte des grosses pièces d'artillerie. Il est fort probable que les premiers canons furent l'ouvrage des fondeurs de cloches.

Cet art a été particulièrement cultivé en Russie, et les cloches y ont été multipliées dans une proportion considérable. La seule ville de Moscou en possédait autrefois plus de mille.

Le métal dont sont généralement composées les cloches est un alliage de 10 à 12 kilogrammes d'étain sur 50 de cuivre.

Au moyen-âge, on s'est servi de cloches de fer; et certains voyageurs affirment qu'il y a des cloches d'or au Japon. On a prétendu que le son argentin de certaines cloches provenait de l'argent jeté dans le métal en fusion par les parrains et marraines. Cette circonstance donnait lieu à une fraude de la part de certains fondeurs. Les pièces d'argent étaient jetées dans un trou ouvert sur le haut du fourneau et par lequel était également introduit le combustible; mais, contrairement à ce qui était indiqué, ce trou n'avait pas de communication avec le bain du métal en fusion. Après l'opération, le fondeur retirait l'argent au fond du cendrier et se l'appropriait.

La fonte des cloches a donné lieu à deux locutions proverbiales: 4° Fondre la cloche, pour dire prendre un parti, en venir au fait, à l'exécution; 2° Etre penaud comme un fondeur de cloches. L'opération de jeter la cloche en moule réussit presque toujours; de là vient la locution que nous

(1) Petites ignorances de la Conversation, par Charles Rozan, Paris, 1830.

venons de citer et qui signifie être surpris de voir manquer une chose sur laquelle on comptait (1).

De tout temps, les cloches furent revêtues d'ornements et d'inscriptions; les ornements ont un caractère religieux; les inscriptions sont parfois des sentences, mais elles indiquent, en outre, les noms des parrains et marraines, le nom patronal de la cloche et la date de sa fonte.

On peut consulter, à cet égard, un livre très-curieux, fruit de longues et intelligentes recherches. Ce livre a pour titre : Les Cloches du pays de Bray (2). L'auteur, M. D. Dergny, a relevé les inscriptions qui existent sur les cloches de toutes les communes situées dans cette partie de la France appelée, jadis, le pays de Bray, et dont Neufchâtel et Gournay sont les principales villes (3). On y trouve les noms des plus anciennes familles de la monarchie, familles dont M. Dergny résume la généalogie, en y ajoutant leurs armoiries.

Quoique nous écrivions à un point de vue général, le titre de cette Revue et la classe des lecteurs auxquels elle s'adresse particulièrement, nous déterminent à faire une exception et à entrer dans divers détails en ce qui concerne le bourdon de Notre-Dame de la Garde à Marseille.

Ce bourdon a été fondu à Lyon. Son poids est de 10,000 kilogrammes; son diamètre, de 2 mètres 40 centimètres. Le battant pèse 387 kilogrammes.

Cette cloche fut bénie sur la place Saint-Michel, le 5 octobre 1845, par Mgr de Mazenod, évêque de Marseille, assisté de Mgr Dufêtre, êvêque de Nevers. Le parrain fut M. Reynard, maire, la marraine, M Wulfran-Puget.

La cloche reçut les noms de Marie-Joséphine. Elle porte

(1) Dictionnaire des proverbes, par Quitard, Paris, 1812.

(2) Les Cloches du pays de Bray, par M. D. Dergny. - Paris, 1853. (3) Les anciens dictionnaires géographiques portent : « Bray, pays de

◄ France, dans la haute Normandie, entre le pays de Caux, le Vexin et la ‹ Picardie. >

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