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cède au jour avec uniformité, jusqu'à ce qu'il tombe enfin, épuisé, soldat ignoré, obscur, mais grand après tout, par le devoir accepté et rempli.

Ainsi était Catherine; et sa petite lampe me racontait son courage, sa résignation et ses luttes.

Un soir, on vint frapper brusquement à ma porte, — c'était Catherine, et la femme du tourneur; elles avaient toutes deux l'air soucieux des gens qui réclament un secours.

<< Monsieur, dit Catherine la première, mon enfant est malade, voulez-vous venir le voir? on m'a dit que vous étiez médecin. » — « C'est vrai, lui dis-je; du moins, si je ne le suis pas, je le serai dans quelques jours. Montons vite. » J'entrai pour la seconde fois dans la mansarde, mais je n'eus pas le temps de la regarder. Mes yeux tombèrent tout de suite sur le berceau où était couchée la petite fille; elle avait le visage pâle, mais teinté aux joues comme par un pinceau, les yeux grands ouverts et brillants. Ses petites mains, qu'elle me tendit, étaient brûlantes; elle les portait souvent à son cou et se plaignait d'avoir mal là. En réalité, elle avait un violent mal de gorge. J'indiquai à la mère les soins qu'elle devait prendre et, voyant ses yeux pleins de larmes, je la rassurai en lui promettant une guérison prochaine. Aux cris de son enfant qui lui tendait les bras, elle se mit à genoux au bord du berceau et embrassa avec égarement le pauvre petit être dont la tête, trop lourde et languissante, se reposa sur l'épaule de la mère. A ce moment, on entendit dans la nuit les cloches sonner lentement à coups sourds et graves. Nous étions en février; c'était le jour des Cendres. La mère serra avec plus de force son enfant contre sa poitrine et poussa un cri étouffé. Emus et comprenant sa pensée, nous restions debout, la femme du tourneur et moi, regardant à la lueur pâle et vacillante d'une bougie cette mère enveloppant dans ses bras son enfant malade, comme pour le défendre contre la mort. « Je sors chercher des remèdes, dis-je alors tout bas à celle qui était près de moi; pendant ce

tempa, descendez, je vous prie, chez moi : vous y trouverez de quoi faire du fea: il faut que cette chambre scit chaude. ■ Els me comprit et après quelques mots d'encouragements à Catherine me suivit sur le palier. Est-ce grave.me dit-elle aussitôt ? » — « Non répondis-je, ce n'est rien: danshuit jours. il n'y aura plus aucun danger. Il ne faut que des soins et du feu»-« On en aura, dit la brave femme en hochant la tête; onen aura, quand je devrais casser toutes mes chaises pour lui donner du bois. Pauvre femme! Monsieur R..., je me dépêche; vous trouverez tout prêt quand vous reviendrez. »

Quand je revins, en effet. tout était prêt. On avait eu quelque peine à faire accepter le bois à Catherine; mais, en lui montrant son enfant et en lui disant qu'il fallait de la chaleur pour la guérir, on l'avait fait bien vite céder.

Après avoir soigné l'enfant et donné quelques instructions à la mère, je me retirai en promettant de revenir le lendemain. Le lendemain, en effet, je montai. Catherine était sur le palier; elle préparait son déjeuner. Par une délicatesse que j'appréciai vivement, elle se servait d'un réchaud avec du charbon acheté par elle, de façon à ne pas employer à son usage le bois que nous lui avions donné pour son enfant. La petite malade allait déjà mieux; un joli sourire éclaira sa figure quand elle me vit; et, en me tendant les bras, elle sembla me dire « Je suis contente de te voir. Bonjour, monsieur. »

Ce jour-là, je rentrais chez moi et je tournais le coin de ma petite rue, quand on me frappa sur l'épaule. En me retournant brusquement, j'aperçus la figure de mon ami N..., avocat au barreau de P., et qui riait en regardant ma mine effarée. Une cordiale poignée de main échangée, nous nous dirigeâmes, tout en causant, du côté de ma maison.

Je connaissais N... depuis longtemps; c'était un ami de cœur ; je l'aimais, faut-il l'avouer, parce qu'il était original..., mais original de la bonne manière : je veux

dire seulement qu'il ne ressemblait pas à tout le monde. Esprit lucide, intelligence toujours active et présente, il avait le don ou le talent d'exprimer les moindres choses. d'une manière vive et piquante. Comme presque tous ceux qui ont conscience de leur valeur intellectuelle, sans être infatués de leurs talents, il était aimable et point envieux. Autrefois, il riait sans fausse pudeur des folies qu'on lui racontait, mais il n'y prenait pas part. C'était un travailleur sérieux et désintéressé. Au Palais, on l'appréciait, tout en le trouvant un peu réveur, parce qu'il poussait le désintéressement jusqu'à l'oubli de soi. Il riait de ce reproche et se contentait de répondre à ceux qui se moquaient de lui : « Si l'on vous accuse jamais de ce défaut-là, je me charge de vous rendre blancs comme neige aux yeux de tous. >>

Une fois installé dans ma chambre, je me mis à lui parler de ses affaires, des causes qu'il soutenait et des nouvelles du Palais. «Hier, me dit-il, j'ai été désigné pour défendre un pauvre diable accusé d'avoir assassiné un vieillard qui demeurait sur son palier; l'histoire est assez triste. Mon client, que j'ai vu hier pour la première fois, m'a assuré de son innocence; son arrestation ne peut être, dit-il, que le résultat d'une méprise. Il laisse chez lui une femme et deux enfants. Le pauvre homme pleurait en songeant à la misère qui doit les accabler. Le connaîtrais-tu ?» me dit mon ami, en voyant l'intérêt avec lequel je paraissais l'écouter. « Je crois que oui ! lui dis-je. N'est-ce pas un homme grand, à l'air un peu sombre, qui se dit Lorrain et a été arrêté au mois de janvier?»- « Précisément. «Eh bien ! alors, oui, je le connais. Voici l'histoire. » Je me mis alors à lui raconter tout ce que je savais les souffrances de la mère, son courage, sa résignation, la maladie de l'enfant, etc., etc... Quel singulier hasard! ajouta N..., j'avais oublié l'endroit du crime, et je ne me doutais guère que tout

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s'était passé dans ta maison. Eh bien! puisque tu connais Catherine, montons ensemble la voir; je pourrai lui faire quelques questions qui seront utiles pour ma défense.»

Nous montâmes. Après quelques soins donnés à l'enfant, je désignai à Catherine mon ami comme le défenseur de son mari, et je lui assurai qu'elle pouvait lui parler en toute confiance. Son émotion fut grande, mais elle se remit promptement et demanda des nouvelles de son mari. Encouragée enfin par l'intérêt que nous paraissions lui témoigner, elle nous raconta d'une voix souvent tremblante son histoire dont je ne donnerai ici que le résumé.

HENRI D...

(A suivre).

2 NOVEMBRE.

COMMEMORATION DE TOUS LES FIDÈLES DÉFUNTS.

PROSE DE LA MESSE DES MORTS.

« PROSE..... Terme d'Église. Hymne latine rimée, que l'on chante » à la messe immédiatement avant l'Évangile, dans les grandes solen»> nités, ainsi dite parce qu'on y observe seulement le nombre des syl> labes, sans avoir égard à la quantité prosodique. La prose des morts.»> (É. LITTRÉ. Dictionnaire de la Langue française.)

La plus belle prose de l'Église, le Dies iræ, qui devrait être l'objet » de l'émulation de tous les grands musiciens. »

(MARMONTEL. OEuvres, tome Iv, page 197.)

« DIES IRE, prose magnifique qui se lit à la messe des morts, et qui >> est remarquable surtout par la majesté, la sublimité et la vigueur des » pensées unies à des formes très-simples, très-concises, à des images » vives et à un véritable mouvement lyrique.

» Quant à l'auteur du Dies ira, c'est, selon l'opinion la plus généra>>lement admise, Thomas de Célano, frère Mineur, qui vivait dans la » seconde moitié du XIVe siècle. »

(L'abbé J.-B. GLAIRE. Dictionnaire des Sciences ecclésiastiques.)

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