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LA BOITE DE PANDORE

COMÉDIE MYTHOLOGIQUE EN UN ACTE ET EN VERS

PERSONNAGES:

PANDORE, jeune fille grecque.

EPIMETHEE, jeune Grec.

PARLINA, personnage allégorique.

L'ESPÉRANCE.

LES OMBRES.

La scène se passe en Grèce, à l'époque mythologique.)

SCÈNE 1.

La scène représente un appartement antique. Parlina, fantasquement habillée, un masquc noir à la main, est assise au fond de la scène sur un coffret richement orné.

Une porte ouverte sur la campagne.

PARLINA (seule, faisant signe à Pandore, qui passe
devant la porte).

Pandore! où courez-vous ? venez ici, mignonne.

PANDORE (du dehors).

Pourquoi? Je les vois tous là-bas; ici, personne.

PARLINA.

Comment! ici, personne? Et moi n'y suis-je pas?
Oui; l'on me laisse seule et je m'ennuie, hélas!

PANDORE.

Mais qui t'empêcherait de venir à la fête?

Je ne puis.

PARLINA.

PANDORE.

Eh bien! donc, je te rejoins.

PARLINA (seule).

On sait mal résister à la tentation,

Follette.

Quand on a dix-huit ans. Va; suis ta passion,
Pandore; sois toujours curieuse et légère;
Tiens tes yeux étonnés fixés sur ce mystère
Et ton âme en éveil. Ma belle, un jour viendra
Où tes yeux pourront voir, où ton esprit saura,
Et même qui me dit que de cette journée
Je ne vois pas déjà l'heureuse matinée?
Oui, je la vois. Toujours cela se passe ainsi.
Accours! la boîte et moi nous t'attendons ici.
Laisse-là tes oiseaux, tes perles et tes roses;
On trouve là-dedans de bien plus belles choses,
De ces choses qui sont nouvelles, mon amour,
Et que l'on ne peut pas rencontrer chaque jour.
Reste loin du quadrille où sont les jeunes hommes.
Tu ne la connais pas, la danse des fantômes!
Ah! vraiment, mon plaisir à moi, n'aura d'égal
Que ton étonnement devant un pareil bal!

SCÈNE II.

PARLINA, PANDORE.

PANDORE (entrant et regardant la boîte).

Tu me connais trop bien, méchante. Ma pensée
A cet objet fatal reste toujours fixée,

Et toujours près de lui tu me fais revenir.

PARLINA.

Quelle enfant allons, viens!

PANDORE.

Non, laisse-moi le fuir!

PARLINA.

Tu le fuirais en vain; de loin, de près, ma mie,
Toujours de ce désir tu seras poursuivie.

Il est de ceux, vois-tu qui ne laissent en paix
Notre esprit, qu'en étant pleinement satisfaits.
Leur aiguillon malin vous suit de place en place
Toujours. Il n'est qu'un mot, Pandore, qui les chasse.
PANDORE (allant vers la porte).

Non, non; je ne veux pas t'entendre. Je sais bien
Ce que tu vas ine dire, et je n'écoute rien.

PARLINA (l'arrêtant).

Grands Dieux! vit-on jamais vivacité pareille ?
On saisirait plutôt une farouche abeille.

Va vite; va danser; va t'amuser là-bas ;

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Je ne te retiens plus. Voilà bien des débats
Déjà pour une chose, en somme, assez futile.
Pour moi, depuis longtemps je dormirais tranquille,
Si j'étais à ta place et qu'un mauvais plaisant,
Pour s'amuser de moi, m'interdit gravement
D'ouvrir un grand coffret qui n'a d'autre mystère,
On n'en saurait douter, que celui qu'il veut faire.
Je n'aurais pas montré de si hautes vertus ;
J'aurais vite éclairci mes doutes là-dessus ;
Je serais aujourd'hui plus heureuse et plus calme,
Et ce serait à moi que resterait la palme.

PANDORE.

Non; je le vois toujours devenir inquiet,

Quand ses yeux, par hasard, tombent sur ce coffret; Ce qu'il m'a défendu de savoir, il l'ignore.

PARLINA.

Ah! ah! que si chacun ressemblait à Pandore,
La ruse serait simple et le mensonge aisé ! -
Ecoute il est surtout très-beau d'avoir osé.

Si tu continuais, laisse-moi te le dire,
A tous ceux qui te voient, tu prêterais à rire.
Ne sois pas si crédule, et, par un coup hardi,
Confonds-les tous! Défais ce noeud et tout est dit!

(Elle met la main de Pandore sur le nœud;
celle-ci parait indbeis?.)

PANDORE.

Moi, lui désobéir ? Trahir Epiméthée !

Non. Pourvu que de lui je sois toujours aimée,
Qu'importe? Que me fait tout ce qui n'est pas lui?
Je ne veux pas tomber dans ton piège aujourd'hui.
Laisse! De tes conseils je crains la perfidie.

Moi, perfide?...

PARLINA.

PANDORE.

Qui sait?... de toi je me défie.

Tu vois ce que je souffre. Oh! cesse d'insister.

Si ce n'était qu'à toi qu'il fallût résister,

Mais la lutte est plus forte encore avec moi-même.
Hélas! Je n'ai pour moi, dans ma faiblesse extrême,
Que mon amour. Jamais tes coupables efforts
Ni mes ardents désirs ne seront les plus forts;
Tant que ce dieu puissant règnera sur mon âme,
Non, rien de son flambeau n'étouffera la flamme
Et je résisterai toujours, aimant toujours.

PARLINA.

Voilà comme l'on est la dupe des amours,
Quand on s'est une fois laissé prendre à leur piège !
Enfin ! ce n'est pas moi que ce tourment assiège.
Vous n'avez pas voulu de mes conseils ; c'est bien.
Qu'on se moque de vous, je ne dirai plus rien.
Car, si je vous priais, c'était pour vous, ma chère.
L'âme de Parlina, de soucis plus légère,

Avec un chaud rayon du soleil matinal,
Un zéphir accouru des plaines de cristal,
Un feu follet, ou bien quelques chansons écloses,
Entre des rameaux verts, de l'haleine des roses,
Se satisfait. Jamais une ombre de chagrin,

Comme un papillon noir, ne passe en mon Eden.
Qu'avez-vous?

(Elle s'approche de Pandore qui parait absorbée,
les yeux fixés sur la boite.)

PANDORE (sans l'entendre).

C'en est fait! il faut que je connaisse

Ce secret, devrait-il m'en coûter sa tendresse !
Quoi ? je... C'est un moyen pourtant de l'éprouver
Un cœur vraiment épris ne cesse pas d'aimer...
Mais il faut l'affliger... Ah! c'en est trop ! je cède !...
(Elle met la main sur le nœud et recule.)

S'il est un bon génie, ah! qu'il me vienne en aide!

SCÈNE III.

LES MÊMES, EPIMÈTHÉE.

Parlina, assise sur le bord du coffret, regarde Pandore, en riant derrière son masque. Epiméthée entre avec précaution, tenant une couronne qu'il pose sur la tête de Pandore. Pandore sortant de sa rêverie fait un geste de frayeur, puis sourit en apercevant Epiméthée.

PANDORE (à Epiméthée).

Ah! cher Epiméthée! accède à mon désir

Et cousens à me faire un immense plaisir,

Comme on voudrait toujours en faire à ceux qu'on aime.

EPIMÉTHÉE.

Parle vite! Mais non. Tais-toi plutôt, moi-même

Je devine. Pandore il n'y faut plus penser.

A l'ombre des ormeaux, avec nous viens danser.
J'accourais te chercher, car il n'est pas de fête
Où tu n'es pas. Partons.

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