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la même sur toute la terre », il n'aurait pas dû avancer que son origine se perd dans la nuit des siècles. C'était faire croire qu'il n'avait jamais lu la Genèse, chose peu probable de la part d'un savant; mais où il avait grandement tort, c'était de dire que « les jours de la semaine étaient réglés sur le plus ancien système d'astronomie. » La Bible lui eût fait connaître la vérité. L'ordre suivant lequel les planètes ont donné leur nom aux jours de la semaine ne constitue nullement un système astronomique. Ce fut une application des noms de sept d'entre elles aux vingt-quatre heures de la journée. Ce fut même une combinaison passablement arbitraire, puisque, si les Chaldéens, d'après Diodore, et les Chinois ne reconnaissaient que cinq planètes et les Barmans huit, les Occidentaux en reconnaissaient neuf, les Indous quinze et les Hébreux eux-mêmes paraissent en avoir admis treize. Et cette combinaison récente, basée sur le retour périodique des heures consacrées aux planètes, fût même restée à l'état de problème, sans l'explication qui en est donnée par Dion Cassius, écrivain grec du IIIe siècle de l'ère chrétienne (1). C'est là que l'ont

(1) Comme il convient d'opposer à Laplace un autre savant de sa force, voici le démenti, peu suspect, qui lui est infligé par Alex. de Humboldt : Quand on lit dans Dion Cassius (Lib. XXXVII, chap. 18) que l'usage de désigner les jours d'après les noms des sept planètes était né originairement en Egypte, et de là s'était répandu, à une époque assez récente, chez tous les autres peuples, notamment chez les Romains, parmi lesquels il s'était, au temps de Dion Cassius, complètement naturalisé, il ne faut pas oublier que cet écrivain était contemporain d'Alexandre Sévère, et que depuis l'invasion de l'astrologic orientale sous les Césars, et par suite du grand concours de tant de peuples à Alexandrie, il était de mode en Occident d'appeler égyptien tout ce qui semblait antique. C'est sans doute chez les nations s'mitiques que la semaine de sept jours remonte le plus haut et fut le plus répandue.... J'ai posé à un savant très versé dans les antiquités sémitiques, au professeur Tischendorf, de Leipzig, la question de savoir si, à part le nom de Sabbat, il n'existe pas dans l'Ancien Testament pour les différents jours de la semaine, des dénominations distinctes autres que celles de 2 et de 3 jour de la shebua; si dans le Nouveau Testament, à une époque où, sans aucun doute, des étrangers s'occupaient déjà, en Palestine, d'astronomie planétaire, il ne se rencontre nulle part de dénominations empruntées aux planètes pour désigner quelqu'un des

puisée Daunou, Laplace et Arago qui a, sans doute, opiné de confiance. Cette combinaison peut être ingénieuse pour expliquer les noms latins des jours de la semaine; mais, ces noms,

comme dit Humboldt, -sont relativement modernes, puisqu'ils ne peuvent appartenir à une époque de civilisation beaucoup plus avancée et qui commence à prendre goût aux théories »; puisque les Hébreux, le seul peuple qui possède une histoire ancienne authentique, n'ont jamais connu la semaine des planètes, mais la semaine des jours; qu'ils ont toujours continué de donner aux jours de la semaine les noms de premier, second, troisième, jusqu'au septième, appelé Sabbat, ou jour du repos. Cette coutume persistait encore du temps des Apôtres : « Trois évangélistes, dit saint Augustin, nomment una sabbati, un après le Sabbat, le jour de la résurrection de Jésus-Christ, que nous appelons maintenant le

jours de la période hebdomadaire? La réponse fut celle-ci : «Non seulement l'Ancien ni le Nouveau Testament, mais la Mischna non plus que le Talmud, n'offrent aucune trace de noms de planètes affectés aux jours... La veille du Sabbat était appelée le sixième jour, sans autre désignation. On trouve dans le Talmud, pour les différents jours de la semaine, le 1, le 2 et le 3° jour du Sabbat et ainsi de suite. Le Talmud, dont la rédaction, commencée au II° siècle, se prolonge jusqu'au V, offre des épithètes hébraïques appliquées à quelques planètes, à Vénus l'éclatante, et au rouge Mars. Tout ce qui a trait à l'ordre des planètes et aux distances qui les séparent les unes des autres, ainsi qu'aux noms des heures et des jours, ne peut appartenir qu'à une époque de civilisation beaucoup plus avancée et qui commence à prendre goût aux théories.... Comme, d'après Diodore, les Chaldéens comptaient originairement non pas sept planètes, mais cinq seulement, ne reconnaissant pour telles que celles qui avaient une apparence stellaire, toutes les combinaisons dont nous venons de parler, dans lesquelles figurent plus de cinq planètes, ne paraissent pas remonter aux Chaldéens, et doivent avoir une origine astrologique beaucoup plus récente. » (Extrait d'une longue note du Cosmos, t. III, p. 684 de la trad. franç.). Dans cette note, Humboldt donne une idée de la méthode de Dion Cassius. Ajoutons que, du temps d'Homère, on ne connaissait point encore les heures, selon notre manière de parler : ce furent Anaximène et Anaximandre qni reçurent des Babyloniens la coutume de compter par heures. La combinaison de Dion Cassius ne pouvait donc avoir une origine bien reculée et « le plus ancien système d'astronomie de Laplace est des plus compromis. Il est même enterré.

Dimanche, et saint Mathieu l'appelle prima sabbati, le premier après le Sabbat. » (August. litter., XXXVI, ad casul, t. IV, p. 376, édit. Vivès. )

Que le nom de quelques planètes ait été donné, tardivement, il est vrai, - aux jours de la semaine par une ingénieuse et subtile combinaison, c'est un fait qu'on ne saurait nier; mais l'idée de la semaine, l'idée de la sanctification du septième jour, vient d'une antique tradition qui, à travers le temps, remonte jusqu'à Dieu. En précisant le fait, Moïse a donc devancé la Science. Oserait-on nier ce que des esprits, même aventureux, sont forcés de convenir? Terminons par un de ces aveux : « Ici se présente une considération, dont il serait difficile de ne pas être frappé puisqu'un livre, écrit à une époque où les sciences naturelles étaient si peu éclairées, renferme cependant, en quelques lignes, le sommaire des conséquences les plus remarquables, auxquelles il ne pouvait être possible d'arriver qu'après les immenses progrès amenés dans la science par le XVIII et le XIXe siècles; puisque ces conclusions se trouvent en rapport avec des faits qui n'étaient ni connus ni même soupçonnés à cette époque, et qui ne l'avaient jamais été jusqu'à nos jours et que les philosophes de tous les temps ont toujours considérés contradictoirement et sous des points de vue toujours erronés; puisqu'enfin ce livre, si supérieur à son siècle sous le rapport. de la science, lui est également supérieur sous le rapport de la morale et de la philosophie naturelle, on est obligé d'admettre qu'il y a dans ce livre quelque chose de supérieur à l'homme, quelque chose qu'il ne voit pas, qu'il ne conçoit pas, mais qui le presse irrésistiblement (1). »

Inutile de dire que ce livre, c'est la Bible. Prenons-le donc pour guide dans le mystère et le miracle de la Création ; car, ainsi que le dit un savant anglais : « Un Dieu très sage et très puissant, ne peut avoir rien révélé, qui puisse, plus tard,

(1) V. Nerée Boubée, Géologie élémentaire.

être reconnu comme faux par les sciences naturelles. >> Ce qui faisait dire à l'allemand Kurtz : « La Bible et la Nature étant toutes dans la parole de Dieu, doivent s'accorder. Si parfois cet accord semble ne point exister, c'est que l'exégèse du théologien ou celle du naturaliste sont en défaut (1). »

JULES COURTET.

(1) Geology in ist relation to revealed religion, by C. B. Dublin, 1853, p. 1; Bibel and Astronomie, p. 6, Berlin, 1865, ap. h. Reusch; L. Bible et la Nature, trad. Hertel, p. 21, Paris, 1867

LE BATON.

ÉTUDE HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE.

(Fin.)

TROISIÈME PARTIE:

VARIA.

CHAPITRE QUATRIÈME

Les Locutions du Bâton

à un

Le bâton a donné lieu comme pour les légendes grand nombre de locutions proverbiales: les unes sont courtes, simples, et disent elles-mêmes leur signification. Pour d'autres, au contraire, il faut entrer dans quelques détails, expliquer leur origine, exposer les diverses opinions émises à cet égard.

Commençons par celles-ci :

LE TOUR DU BATON. - On appelle ainsi les profits casuels et souvent illicites d'un emploi. Pots-de-vin, épingles, sont synonymes de Tour du Bâton.

Cette expression vient, suivant Borel, des deux mots bas et ton, parce que, lorsqu'on veut faire un gain injuste, on ne le dit qu'à voix basse (d'un bas ton), à l'oreille des personnes qu'on met dans ses intérêts (1). Lamanoye tire cette locution du petit bâton avec lequel les joueurs de gobelets exécutent leurs tours de passe-passe.

(1) Trésor de recherches et d'antiquités gauloises et françaises.

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