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capitaine Tuvache, de Rouen. L'envoyé du Maroc fut reçu avec distinction par les autorités locales et les députés de la Chambre de commerce. Des réjouissances publiques eurent lieu à cette occasion; on tira les boîtes et même le canon, et plusieurs jours se passèrent en visites officielles ainsi qu'en démonstrations d'amitié.

« L'ambassadeur du Maroc, ajoute M. Joseph Mathieu, parut « très-satisfait des honneurs et des attentions dont il fut « l'objet pendant son séjour à Marseille et il en manifesta << toute sa reconnaissance au moment de partir pour Paris,

«Sidi Taher Fenisch séjourna en France quatre mois et « demi. Les frais de son voyage à Paris et de son retour à << Toulon, et toutes les dépenses occasionnées pour l'entre<< tien et la nourriture de cette ambassade s'élevèrent à la « somme de 137,000 francs, et les présents pour le roi du « Maroc et ceux de l'ambassadeur et de sa suite à 174,000 « francs. Ce fut en tout pour la France une dépense de «< 308,000 francs, somme bien minime si on songe au grand « intérêt que notre commerce et l'humanité retiraient à cette « époque de nos bonnes relations avec le sultan du Maroc. »>

La citation qui précède ne pouvait mieux terminer notre article, dont on nous pardonnera la longueur, à cause de l'intérêt épisodique des deux évènements de notre histoire locale que nous venons de rapporter. D'ailleurs, quand on parle de Marseille à des marseillais, la grandeur du sujet suffit pour solliciter l'attention, et on peut compter, sinon sur l'approbation du lecteur, du moins sur une certaine indulgence, qui est toujours acquise entre concitoyens qu'une égale affection pour leur ville natale unit dans un même sentiment de patriotique cordialité.

LEON BOURGUÈS.

LES JOURS ET LA SEMAINE (9)

Notre tâche est considérablement avancée, puisque nous avons fait voir le peu de solidité de l'hypothèse des époques indéterminées. Ces périodes incommensurables que l'on jugeait et que certaines personnes s'obstinent encore à juger nécessaires tant pour la formation de l'écorce terrestre que pour le développement des séries végétale et animale qui la couvrent, tout cela s'évanouit devant les arguments et les calculs de savants dont l'opinion vaut bien celle des savants hostiles à la tradition. Nous avons cité les autorités qui confirment la jeunesse relative des continents, dont la formation a commencé avec le temps et se prolonge encore de nos jours. Il nous reste à prouver maintenant que, par le mot jour, Moïse a bien entendu parler d'une espace de vingtquatre heures, d'une révolution diurne et non d'une époque indéterminée.

Certainement le mot hébraïque yóm comme le mot latin dies et le mot français jour — signifie parfois un temps indéterminé. Les locutions abondent où l'on doit le prendre dans ce sens; mais lorsque, comme dans le récit de la Création, il est associé aux mots de soir et de matin qui viennent terminer, comme un refrain, certains versets du premier chapitre de la Genèse, il se rapporte évidemment à une révolution diurne. « Dieu, dit Moïse, appella la lumière jour et les ténèbres nuit ; et il y eut soir et matin, un jour. » C'est formel. Voici, à ce sujet, l'opinion d'un homme qui doit faire autorité. C'est l'ancien grand rabbin, M. Drach, un des plus célèbres hébraïsants de l'Europe et gardien de la Vaticane.

(1) Voir les numéros de la Revue des mois de juillet et août.— Ce chapitre est le XII du travail inédit sur la Création au point de vue de la Science et de la Genèse. Les chapitres antérieurs ont été consacrés au développement des preuves réfutant le système des époques indéterminées.

« Le système des époques, que les catholiques ont embrassé pour se soustraire aux importantes objections des géologues. incrédules, est de tout point insoutenable. Le mot dies, en hébreu yóm, signifie jour et non époque, à moins que le contexte n'indique qu'il ne faut pas le prendre dans son sens naturel. Or, dans le premier chapitre de la Genèse, tout le contexte indique qu'il doit être pris dans son sens littéral, en désignant les parties mêmes du jour, en disant: il fut soir, il fut matin, en suivant l'usage des Hébreux, qui marquaient un jour entier par ces deux expressions le soir et le matin. Moïse a donc employé les deux termes reçus pour désigner la même idée il fut soir, il fut matin, un jour, mane et vespere, dies unus... Malgré tout cela, des hommes jaloux de nous donner d'ingénieux et de savants systèmes ont prononcé du haut de leur autorité qu'il ne s'agit ici de rien moins que de six, révolutions, chacune de je ne sais combien de milliers d'années. Cette idée me parait insoutenable pour moi, un jour est un jour. >>

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Il est des règles auxquelles on ne saurait se soustraire sans danger. « C'est un principe reçu en exégèse, dit M. l'abbé Glaire, qu'un mot ou une expression doit se prendre dans son sens propre et rigoureusement littéral, à moins que quelque chose dans le contexte en exige un autre. » Qu'est-il résulté de cette interprétation arbitraire des jours de Moïse? Nous avons déjà vu que Letronne et Ami Boué ont reconnu qu'on ne pouvait « lui donner l'apparence du savoir géologique qu'en lui ôtant jusqu'à l'ombre du sens commun ». Nous laisserons à l'écart toutes les tortures que l'on a fait subir au texte hébreu pour échapper à l'interprétation littérale; mais nous réservons l'objection la plus commune, celle que l'on entend faire le plus souvent,parce qu'elle est à la portée du plus grand nombre. On dit Le jour de vingt-quatre heures est déterminé par le mouvement de rotation de la terre par rapport au soleil. Or, comment Moïse pouvait-il assimiler les jours de la Création à nos jours solaires, puisque le soleil n'a été créé que le

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quatrième jour, pour marquer les jours, les nuits et les temps? Donc, l'expression est tout au moins impropre pour les trois premiers jours; donc, il doit être permis de les prendre pour des périodes.

Au premier aspect, cette difficulté a quelque chose de spécieux, si spécieux même qu'elle avait forcé Origène à dire que la série des six premiers jours se réduisait à une succession logique, au lieu de désigner des époques réellement distinctes; et que de grands esprits -saint Augustin en tête n'ont pas reculé devant l'idée de la création simultanée de toutes choses: ce qui, il faut bien en convenir, n'eût pas été impossible à la toute-puissance de Dieu. Ce Père avoue même qu'il est impossible d'imaginer, à plus forte raison de dire, quelle est la nature de ces jours. Pour l'évêque d'Hippone, les six premiers jours de la Création ont été, probablement, non pas des jours réels, mais, si l'on peut s'exprimer ainsi, des jours de raison (1). Or, ce que l'état de la science rendait. impossible au siècle des premiers Pères, l'état de la science aujourd'hui le rend facile, tant il est vrai que le Livre saint n'a rien à redouter de la science et que toutes les découvertes de celle-ci, bien loin de l'infirmer en quoi que ce soit, ne firent jamais que tourner à sa gloire.

On sait aujourd'hui et Moïse l'avait deviné depuis long

(1) De Civit. Dei, XI, 6.— « Il est très difficile, dit-il ailleurs, arduum atque difficillimum est, de découvrir ce que Moïse a voulu dire par ces six jours »; et il termine par cet aveu modeste, digne de ce grand homme: « Celui qui désire une autre explication peut la chercher, et je souhaite qu'avec l'aide de Dieu il puisse la trouver. Il n'est pas impossible que j'en trouve moi-même une autre plus en harmonie avec les paroles de l'Ecriture, car je ne voudrais pas prétendre que mon explication doive être préférée et qu'on ne puisse en rencontrer une meilleure (De Genesi ad litt:, lib. VI, c. I, 28.- Un peu avant saint Augustin, le fameux professeur Marius Victorinus, dont quelques traités contribuèrent à la conversion définitive de l'évêque d'Hippone, dans un Commentaire sur la Genėse, avait expliqué les paroles: Factum est vespere et mane, dies unus, dans le sens d'un jour déterminé et semblable aux nôtres. (V. Marin. Victorin., De ver bis Scripturæ, Patrol. lat., t. VIII, col. 1010.)

temps-on en conviendra — que la lumière existe indépendante des astres, et que le soleil n'est pas le foyer de la lumière, mais un simple agent destiné à faire vibrer le fluide lumineux qui remplit l'espace et que l'on nomme éther, bien que plusieurs savants mettent en doute son existence. Mais il ne faut pas confondre deux choses fort différentes le fluide lumineux et la sensation de la lumière. Or, c'est du mouvement et du repos du fluide lumineux que résulte pour nous le jour et la nuit; ce n'est pas le soleil qui les fait; il ne peut que les indiquer; et si le mouvement de la terre n'était point encore établi alors, on peut supposer que le fluide lumineux était mis en mouvement par un agent quelconque, sinon par la volonté immédiate du Créateur. Que ce soit le soleil ou toute autre cause qui fasse vibrer le fluide lumineux, cela importe peu; mais ce qui est digne de remarque, c'est que — même après la création du soleil au quatrième jour les rayons de cet astre ne produisaient pas la sensation de la lumière, puisqu'il n'y avait pas d'être organisé pour la recevoir. Ce phénomène n'a commencé qu'au cinquième jour, c'est-à-dire après la création des animaux. Et cependant oserait-on dire que le quatrième jour, où le soleil existait, ne saurait être appelé jour, parce qu'il n'y avait sur la terre aucun animal pour recevoir la lumière ?

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Il n'y a donc rien dans la science qui s'oppose à ce que l'on donne aux trois premiers jours de la Création la même durée qu'aux suivants. Le texte sacré, d'ailleurs, emploie, pour les désigner, les mêmes expressions que pour les autres. Ils leur sont donc semblables. « Dans les trois premiers jours, disait saint Jean Damascène, le jour et la nuit se faisaient conformément à l'ordre du Seigneur par la projection et la rétraction de la lumière.» Les Pères latins disaient que c'était par sa propre révolution. Saint Basile - qui prend le mot jour dans le sens ordinaire semble avoir prévu l'objection et la résout en ces termes : « Maintenant sans doute, depuis la création du soleil, le jour est cet air que le soleil même éclaire, tant

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