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demi. Elle sortit, comme par miracle, d'un sommeil léthargique dans lequel elle était plongée et qui avait fait croire à sa mort. Etonnée, surprise elle-même de se retrouver vivante, elle laissa tomber sa main sur la tête inclinée du jeune homme, et d'une voix faible, à peine perceptible, elle murmura ce nom cher à son cœur Rodolphe! Rodolphe ! puis elle retomba lourdement sur sa couche, sans autre signe

de vie.

On craignit longtemps que ce retour inattendu à l'existence ne fût que passager et fugitif, et que cette lueur rapide n'eût que la durée d'un éclair. Par bonheur, il n'en fut pas ainsi. Alix sortit enfin tout à fait de son évanouissement. La crise qu'elle venait de traverser, sorte de commotion salutaire, avait été pour elle le signal de la résurrection. Ses forces revinrent peu à peu, et, à quelques jours de là, son retour à la santé fut sérieux et définitif.

On devine que Rodolphe et Alix ne se quittèrent plus, et que leurs jeunes têtes purent se courber, plus tard, sous cette bénédiction nuptiale qu'ils avaient désirée l'un et l'autre avec toute l'ardeur de leur jeunesse et toute la force de leur amour. LEON BOURGUÈS.

OU LES CÉVENNES VIGANAISES.

Dans cette saison dévorante
Où la plaine devient brûlante,
Sous les feux qu'un soleil de plomb
Sans pitié darde sur son front,
Nu, découvert et sans défense
Contre des rayons en démence,

Fuyez c'est l'heure où les vallons

:

Ont des abris frais et profonds,

Des abris remplis de verdure,

De fleurs, d'ombrage et de murmure.
Alpes et Monts Pyrénéens,

L'on vous connaît: ainsi je viens,
Parler de vous, o mes Cévennes,
Et de vos grâces souveraines,
La divulguer, votre fraicheur,
Chanter un hymne en votre honneur.
Lorsque le voyageur arrive

Sur la délicieuse rive

De l'Arre (2), en amont du Vigan,
Il suit un vallon si riant,

Entre deux collines si vertes

D'arbres et de vignes couvertes,

Qu'il marche dans l'étonnement
D'un tel épanouissement.

Cependant que, sur son passage,

Gracieux bourg, charmant village,

(1) Ancien nom d'Arrigas, d'après la traduction qui place en cet endroit le siége de l'antique évêché d'Arrisitum, érigé au 5me siècle : Village pittoresquement situé dans les gorges des Cévennes, à 15 k. du Vigan (Gard).

(2) Rivière qui prend sa source près d'Arrigas et d'Aumessas, arrose les vallons d'Arre, de Bez, d'Avèze et va se jeter dans l'Hérault après avoir traversé les prairies du Vigan.

Usines (1), Ponts (2), de toute part,
Viennent surprendre son regard.
Enfin, au point où la vallée,
Semble finir, riche et comblée
Des plus incomparable dons,
En face de lui les Trois-Ponts (3)
Se dressent c'est ici, Touriste,

Poète, ou bien Paysagiste,

Que vont briller dans leurs splendeurs,
Les plus beaux sites enchanteurs.

Voyez-vous ce chemin dans l'ombre et la verdure,
Sous ces grands châtaigniers dont l'épaisse ramure
Le préserve si bien des rayons du soleil,
C'est là d'Arrisitum le chemin sans pareil.
L'ombrage d'une part et de l'autre l'abime
D'un côté la montagne et son ombreuse cime,
De l'autre dans le fond d'un gouffre mugissant
Sur des rocs un ruisseau qui bondit écumant.
Montez, montez toujours, toujours dans la grande ombre,
La route à chaque pas est de plus en plus sombre.
N'apercevez-vous pas, sur le torrent profond,
Une légère planche en manière de pont?
Lafontaine, à coup sûr, avait vu cette planche,
Quand il nous dépeignit, avec leur patte blanche,
Deux chèvres qui jamais ne voulurent céder,
Réclamant, toutes deux, l'honneur de précéder.

Plus vous montez encor, plus l'abîme s'entr'ouvre :
Là, deux ponts que l'œil nu non sans peine découvre,

(1) Fabrique, filature, mais principalement l'usine de bonneterie de MM. Brun fils, d'Arre, une des plus belles et des plus importantes de France.

(2) Surtout le pont de Bez, superbement jeté sur un torrent, affluent

de l'Arre.

(3) Endroit ainsi nommé à cause de trois ponts qui s'y rencontrent.

En courbe réunis comme en fer à cheval,
Vrais sentiers suspendus, sont jetés en aval :
Ingénieux conduits tenant l'onde captive,
Pour mieux la transporter de l'une à l'autre rive.

Tantôt de grands rochers bordent ces profondeurs,
Et tantôt la pelouse avec ses mille fleurs.
Bosquets de châtaigniers, si larges d'envergure,
Canaux qui serpentez avec un doux murmure,
Vous charmez le regard d'un spectacle inouï,
Et l'on marche toujours de plus en plus ravi.
Lorsqu'enfin, à travers les arbres, le village
Apparait brusquement. Ici le paysage,
Soudain, change d'aspect : le torrent, le vallon,
Disparaissent; alors, se voit à l'horizon,

A l'horizon prochain, une montagne immense,
Plus loin, le Saint-Guiral, qui dans les airs s'élance,
Et là-haut les sommets du sauvage Lengas.

C'est au pied de ces monts qu'est assis Arrigas,
L'antique Arrisitum, avec ses murs austères,
Ses vieux toits rembrunis et ses bois solitaires :
Village, maintenant, ignoré, méconnu,
Mais à l'honneur suprême autrefois parvenu,
Comme un récit local et presque héréditaire
L'affirme Là, dit-on, l'évêque Déotaire
Aurait jadis placé son palais et sa cour.

Quels que soient les avis des savants sur ce bourg,
L'Evêque a disparu, mais un pasteur lui reste,
Un pasteur bien connu dont le zèle modeste,
Me pardonnera bien d'oublier, en ce jour (1),
Ses vertus, ne voulant que parler du séjour.
Oui, séjour enchanteur! et certes, la science
Ne contestera pas ici ce que j'avance :

(1) Cette pièce a été récitée le jour de l'inauguration du presbytère, restauré et mis à neuf grâce à la générosité des habitants d'Arrigas.

Aux penchants de ces monts, sous ces ombrages frais,
On la voit trop souvent fureter, aux aguets,
Avide de cueillir quelque nouvelle plante,
Pour ne pas convenir que ce séjour l'enchante;
Et poète et savant viendront le parcourir,
L'un pour rêver, et l'autre afin d'y découvrir (1)
Vos restes renommés, o Dolmens druidiques.

Vieux murs et vieux débris avec des mœurs antiques,
De vrais cœurs d'autrefois, trop rares de nos jours,
Ainsi puisse Arrigas se conserver toujours!

Et vous, les amateurs de la belle nature,

Qui, par monts et par vaux, courez à l'aventure.
Visiteurs empressés des sites de renom,

Inscrivez à jamais, le nom d'Arrisitum.

20 Septembre 1879.

L'Abbé C. MALIGNON,

Curé d'Arre.

(1) On croit, en effet, y avoir découvert quelques vestiges de dolmens.

Le Fondateur-Directeur: Auguste LAFORET. Le Secrétaire: H. MATABON. I Le Secrétaire-adj: L' DE GAVOTY. Le Gérant: J. MATHIEU.

MARSEILLE, TYP. MARIUS OLIVE, RUE SAINTE,

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