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Mais revenons aux traditions chrétiennes pour la seconde série des faits que nous avons annoncée.

Au dire du même auteur dont nous avons rapporté les paroles l'abbé Corbleton cite un grand nombre de Saints dont les bâtons se sont couverts de feuilles et de fruits, notamment saint Bernard, saint Boniface, saint Christophe, saint Friard, saint Honoré, etc. (1).

Dans les nombreuses légendes relatives à ce miracle, nous en choisissons deux, empruntées l'une, au midi; l'autre, au nord de la France à Marseille et à Amiens.

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SAINT CANNAT

ÉVÊQUE DE MARSEILLE.

Saint Cannat était fils d'un prince de Provence. La grâce de Dieu lui inspira, de bonne heure, le dégoût des choses de ce monde. C'est pourquoi, abandonnant la société des hommes, il se retira dans la solitude, pour ne s'occuper que de Dieu. Mais il eut beau se cacher, sa vertu était trop éclatante pour ne pas attirer les regards de tous les habitants de la Provence, et, en particulier, ceux de la ville de Marseille.

Dans le même temps, cette cité perdit son premier pasteur. Pour en obtenir un autre, elle adressa des supplications à Dieu qui lui inspira la pensée d'élire Cannat, et d'envoyer à sa solitude le prier d'accepter l'élection faite par le peuple. L'humble moine, qui fuyait jusqu'à la présence des hommes, refusa de monter à une si haute dignité. Comme les envoyés insistaient pour qu'il acceptât, il lui arriva de répondre « qu'il n'y avait pas plus d'apparence qu'il se rendit jamais à leurs instances, qu'il y en avait qu'un roseau desséché

(1) Loc. cit., tom. III, pag. 41.

ne dût jamais reverdir ». Ces paroles étaient à peine prononcées, que le roseau que le solitaire tenait à la main se couvrit de verdure.

A la vue d'une si claire et si admirable manifestation de la divine volonté, Cannat changea de résolution et obéit à l'ordre d'en haut. Il gouverna son église avec toute la sollicitude et les succès qu'on avait espérés (1).

A la procession qui avait lieu, jadis, le jour de la fête de saint Cannat 15 octobre - sa statue était précédée par un grand nombre de jeunes enfants dont chacun portait un roseau à la main. De nos jours, quand vient cette fête, on pare avec des roseaux la chapelle du Saint, dans l'église placée sous son vocable.

SAINT HONORÉ

ÉVÊQUE D'AMIENS.

La légende relative à ce Saint, présente une circonstance particulière. Ce ne fut pas, comme pour saint Cannat, son bâton qui se couvrit de verdure pour le déterminer à accepter l'épiscopat; le fait eut lieu à l'occasion du doute qu'émit sa nourrice sur ce qu'il aurait été élevé à la dignité épiscopale.

L'évêque d'Amiens, Beât, étant mort en l'année 554, saint Honoré fut désigné, pour lui succéder, par les acclamations du clergé et du peuple. Sa nourrice accueillit cette nouvelle par une complète incrédulité et s'écria qu'elle « croirait plus volontiers que le fourgon pelle pour attiser les fours qu'elle tenait entre ses mains, prendrait racine et se changerait en arbre. » Joignant l'acte aux paroles, elle planta, dans la cour où elle se trouvait, la pelle emmanchée

(1) Propre du diocèse de Marseille.

d'un bâton qui se métamorphosa, soudain, en mûrier et produisit, bientôt après, des fleurs et des fruits.

Au XVIIe siècle, on montrait encore ce mûrier daus la cour de l'ancienne maison de saint Honoré (1).

Ajoutons, en terminant, que le premier légendaire grec est Siméon surnommé le Métophraste, c'est-à-dire glossateur et traducteur. Le plus ancien légendaire latin est Jacques de Varase, plus connu sous le nom de Voragine. C'est à lui qu'on doit la Légende dorée, livre qui a eu, dans son temps XIIIe siècle une immense réputa

tion.

Les Bollandistes ont établi, dans leurs ouvrages, que cette réputation était usurpée, et séparé le vrai du faux avec un admirable discernement et une science profonde.

AUGUSTE LAFORET.

(1) Hagiographie des Saints du diocèse d'Amiens, t. III, p. 41.

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LES CLOCHES.

Cet article est de feu M. Casimir Bousquet, auteur d'un grand nombre d'ouvrages très estimés (1), et qui lors de la fondation de la Revue de Marseille — fut un des premiers à s'inscrire pour faire partie de sa rédaction. M. le D' F. Bousquet a trouvé cette étude inachevée, dans les papiers de son père, et nous en a fait l'offre que nous avons acceptée avec empressement. Un article supplémentaire sur les divers usages des cloches, sera ajouté par M. Noël Descoins, au travail si intéressant du reste, tel qu'il est · de notre bien regretté collaborateur.

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LA DIRECTION.

Les opinions sont divisées sur l'étymologie du mot cloche. Le Président Fauchet (XII, 17), dit que ce mot est tout françois, et qu'il représente l'aller et le venir de la campane esbranlée d'où vient ajoute-t-il - que l'alleure d'un boiteux eshanché s'appelle: clocher.

Selon Ménage, Fauchet se trompe. Cloche vient de cloca, qui se trouve dans les Constitutions de Charlemagne. Ut clocas non baptisent. Et cloca vient de l'allemand cloke, qui signifie la même chose (2).

Le Picards disent encore cloque pour désigner une cloche, et les Bourguignons cloqueman (3), en parlant d'un sonneur de cloches.

Etudes sur la naNotice historique sur

(1) Nous citerons, entre autres, les suivants qui concernent Marseille : Notice sur Salvien, prêtre de Marseille, 1818. vigation et le commerce de Marseille, 1854. l'église de St-Théodore à Marseille, 1856. cathédrale de Marseille, 1857.

La Major, histoire de la

(2) Vossius: de Vitiis sermonis. Liv. IIa, chap. X. — Spelman et Ducange dans leurs Glossaires.

(3) Du mot cloche et de man, qui, en allemand, signifie homme. Jean Le Maire, dans ses Illustrations, appelle clocheman le mouton qui marche en tête du troupeau, branlant une cloche pendue à son cou: Moutons clochemans, ou sonnaliers, revestus de toisons houssues. (Mė– nage, voy. au mot Cloqueman).

Ménage, ou plutôt ses savants continuateurs ajoutent :

« Il n'y a guère lieu de douter que l'origine de ce mot ne << soit teutonique. Toutes les autres étymologies que l'on en << donne n'ont pas la moindre vraisemblance. Quelques-uns « le dérivent du latin claugor, à cause du son des cloches; « d'autres du grec xakav, vocare, parce que les cloches « servent à appeler le peuple; d'autres, de cochlea, à cause « de la figure des cloches; d'autres, du latin glocire. Tout « cela est absurde. Ainsi, il faut s'en tenir à l'origine teu« tonique. Cloche, se dit en langue cambrique, ou du pays « de Galle, cloch; en anglo-saxon, clugga; on trouve « aussi glocca et glogga dans la basse latinité, outre cloca, « rapporté par M. Ménage. Et tous ces mots, de même que « l'allemand klocke ou glocke, servent à confirmer cette éty« mologie teutonique.

« Il y a l'ancien verbe teutonique klocken, qui signifie a frapper; ce qui convient très bien à une cloche, soit « qu'on la frappe en dedans avec un battant, ou au dehors

« avec un marteau.

« On tient que les cloches ont été inventées à Nole, dont << saint Paulin était évêque, ou que, du moins, c'est lui qui «en a introduit l'usage, en l'an 400 de l'ère vulgaire, dans « le service divin; ce qui les a fait appeler en latin nola et « campano, parce que Nole est dans la Campanie. On peut « néanmoins douter si les cloches n'ont point été appelées a campanæ et nola, non parce qu'elles ont été inventées « à Nole, ou dans la Campanie, mais parce qu'on y a trouvé << la manière de les suspendre et de les balancer comme ⚫ on fait. »>

On trouva, en effet, à Nole, des vases d'airain du temps. de saint Paulin, qui s'en servit pour rassembler plus facilement les fidèles; ce qui s'est, depuis, pratiqué constamment dans l'Eglise; on y a même distingué par le nom les grosses cloches des petites; celles-ci ont été appelées nolæ, et les

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