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se rapportait à la colline des Accoules ou à l'ensemble du massif qui porte aujourd'hui le vieux Marseille. L'histoire va nous expliquer le roman.

III.

Les Galates asiatiques avaient la même origine, la même religion et la même langue que les Ligures. Pausanias, dans son livre VII, dit qu'ils avaient pour les pierres une vénération singulière. « Dans certains lieux, dit-il, on en voit un grand nombre, surtout chez les Phocéens.»

Les Galates, comme les Ligures, étaient divisés en tribus. Ceux de la région montagneuse que les Grecs désignaient sous le nom de Phrygiens se nommaient eux-mêmes Brigi. Phocée, qui dépendait de leur territoire, était une cité florissante au temps d'Homère. Saint Jérôme, qui l'habita dans la suite, constata que la langue qu'on y parlait ne différait que très peu de celle de Trèves et de Marseille. Dans les temps antérieurs, elle était par conséquent la même.

Cette communauté d'origine, de culte et de langage explique pourquoi les Phocéens avaient plus de rapports avec les Ligures que les Grecs.

Toutes les villes qui commerçaient par mer avaient sur différentes côtes des points de relâche et de dépôt, où elles étaient représentées par un certain nombre de familles. C'est ainsi peut-être, qu'à l'origine les Grecs avaient eu à Phocée une petite colonie qui s'était fondue dans la suite avec la population galate.

Ces petits groupes, intermédiaires des échanges, étaient partout bien accueillis des tribus qui avaient intérêt à les protéger.

IV.

Aucun auteur n'avait mentionné les rapports de Phocée avec l'Italie, la Corse et Marseille, lorsqu'arriva un événement qui les fit connaître :

Cyrus ayant attaqué les Galates, un de ses généraux, Iarpage, mit le siège devant Phocée, l'an 542 avant l'ère moderne, et la ville, bientôt réduite aux abois, fut obligée de se rendre. Mais, dans la nuit qui précéda l'entrée des Perses, les habitants partirent en grand nombre sur leurs vaisseaux, les uns pour l'Italie, d'autres pour la Corse.

Hérodote, qui a si fidèlement raconté les événements dont l'Asie fut le théâtre à cette époque, ne pouvait passer sous silence le désastre de la cité galate. Il nous montre les Phocéens abandonnant leur ville pour échapper à la servitude et se dirigeant d'abord vers Chios, où ils ne furent pas accueillis, puis vers la Corse, et enfin vers Possidonia en Lucanie.

On voit très clairement, dans ce récit, les malheureux réfugiés à la recherche d'un asile et partout repoussés.

Mais Hérodote ne fait pas mention de Marseille.

Antiochus de Sicile, qui écrivait au milieu du Ve siècle avant l'ère moderne, nous dit que les Phocéens allèrent d'abord en Corse, puis à Marseille et à Elée en Lucanie.

Isocrate et Pausanias les montrent aussi repoussés sur divers points et finalement accueillis à Marseille, où ils avaient déjà une colonie.

Les nouveaux venus, pendant longtemps, n'eurent de difficultés d'aucune sorte avec leurs voisins Albicoi ou Ségobriges. Ceux-ci ne tiraient aucun parti du port magnifique qu'ils avaient si justement nommé le grand bassin; mais il eût été également inutile aux Phocéens, si l'hostilité des tribus liguriennes leur avait fermé la voie des échanges.

Leur guerre, que le romancier Justin raconte seul, avec un roi Catumandus, dont le nom signifie querelleur du pays boueux ou marécageux, n'a vraisemblablement jamais eu plus de réalité que la fable du roi Nannus.

Les anciens noms de la ville primitive prouvent d'ailleurs que l'élément ligurien ou gaulois contribua pour une très large part à ses développements. C'est ainsi, par exemple, que

le nom de la rue Ingarienne se reconnaît encore dans le gallois ing-ar, qui sert à désigner une montée très raide et étroite.

Les Phocéens avaient le même respect que les Ligures pour les pierres sacrées des Accoules et jamais ils n'occupèrent le sommet de cette colline. Au XVe siècle on n'y voyait encore que quelques moulins.

La ville antique, d'après Festus Avenus, était sur une presqu'île attenante au continent par une langue de terre de 1,500 pas, et défendue de ce côté par une muraille flanquée de hau

tes tours.

Cet espace triangulaire n'a jamais pu contenir trente mille âmes; mais la gloire de Marseille n'en est que plus grande. La Judée, ce coin de roches calcinées, comme a dit Voltaire, et Athènes, cette bourgade de dix mille habitants, ont plus fait pour la civilisation que l'empire des satrapes et celui des pachas.

HENRI MATHIEU.

TRADITION D'UNE CRÉATION

On a dit que la première philosophie a été une cosmogonie. Cela est vrai. C'est par là que débutent les annales de presque tous les peuples. Mais ce qu'on ne voit pas assez, ce que certains esprits ne veulent pas comprendre, c'est que toutes les cosmogonies se rapportent évidemment à une seule et que les divergences s'expliquent, le plus souvent, par les interprétations en sens divers des termes du texte sacré ou l'oblitération des traditions patriarcales. Il a été prouvé dans plusieurs ouvrages où la plus vaste érudition s'allie à la critique la plus judicieuse que les Egyptiens, les Hindous et les Chinois n'ont fait que dénaturer le Pentateuque ou les traditions primitives, dont la donnée première se retrouve dans les traditions religieuses des peuplades les plus reculées de l'Asie, de l'Amérique et de la Polynésie.

Toutes admettent le principe d'une création première au milieu des eaux.

Le Chou-King, le Bhagavata, le Rig-Vêda, le Zend-Avesta, auxquels on a voulu assigner une antiquité que rien ne justifie plus aujourd'hui, ne sont qu'une altération et, le plus souvent, une parodie du récit mosaïque, enjolivée de toutes les broderies que pouvait suggérer l'imagination orientale ou la phraséologie philosophique. Qui ne sait aujourd'hui que le Sourya-Sidhânta, que les brahmanes regardent comme leur plus ancien traité scientifique d'astronomie et qu'ils prétendent révélé depuis plus de deux millions d'années, ne peut avoir été composé comme l'a prouvé le Dr Bentley qu'il y a environ 760 ans, par Varaha, fameux astronome indien, dont le disciple Sotanund vivait, il y a environ 700 ans (1)!

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(1)« On sait que les Indiens ne possèdent pas d'histoire. Par horreur pour la réalité des choses, les disciples de Brahma, si, dans leurs écrits, ils font allusion à uu événement historique, le défigurent tellement qu'on ne

Et l'Ezour-Védam, dont Voltaire voulait se faire une arme terrible contre le christianisme! Cet ouvrage, d'après lui ou ses fournisseurs, avait été écrit par un brahmane de Seringham, avant l'expédition d'Alexandre dans l'Inde, et c'était la mine d'où sortaient nos Evangiles. Malheureusement pour Voltaire, il a été prouvé que l'Ezour-Védam a été composé, en 1621, par les soins et sous la direction d'un savant Père jésuite, Robert de Nobili, neveu du cardinal Bellarmin, dans le but de convertir les Indiens et surtout les brahmanes au christianisme. Le texte sanscrit original fut retrouvé, avec la traduction française en regard, dans les manuscrits de la bibliothèque des Jésuites à Pondichéry, par sir Alexandre Johnston, chef de la justice à Ceylan. Voltaire mystifié par un Jésuite: c'est assez piquant.

Par contre, les brahmanes voulant empêcher les naturels de leur pays d'embrasser le christianisme que leur apportaient de courageux missionnaires, imaginèrent la fameuse légende de Krishna, l'ancien Apollon indien. Ce fut une bonne fortune pour les incrédules du commencement de ce siècle, pour qui l'histoire de Jésus ne devenait plus qu'une légende indienne fort ancienne. Malheureusement encore pour l'incrédulité, Bentley démontre par la position des planètes est décrite à la naissance de ce demi-dieu que celle-ci, mythique ou non, souvenir ou fiction, rappelle l'état du monde vers l'an 601 de notre ère, et ce savant conclut à un pastiche, à une grossière falsification de l'Evangile. Il n'ya plus que « les bigots d'impiété >> qui puissent s'y laisser prendre.

telle qu'elle

L'antiquité exagérée que s'arrogent à tort certains peuples

peut plus le reconnaître.» (Voir la Collection des rapp rts sur les progrès des lettres et des sciences en France. Les Arabes, p. 123, Paris, 1867.) Le Sourya-Sidhanta, comme d'autres traités astronomiques ndiens, sont pleins de mots grecs estropiés et dissimulant mal, sous des formes bizarres, un fond emprunté à l'astronomie toute humaine des Grecs alexandrins.

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