Page images
PDF
EPUB
[merged small][ocr errors][merged small]

Cette locution, on le sait, signifie une chose facile à faire ou à trouver. Mais on ignore généralement son origine. Nous allons la donner.

Disons d'abord où est le font aux nes: à Paris, sur la rive gauche de la Seine, entre le quai Montebello et la place du parvis Notre-Dame. Il s'appela d'abord le Pont au double. Cette dénomination lui vint de cette circonstance, que les gens qui le traversaient étaient tenus de payer un doubletournois qui équivalait à deux deniers.

Les bestiaux qui allaient paître sur les bords de la Seine et dans les prairies sur lesquelles on a construit l'Entrepôt, passaient sur ce pont, ce qui fit qu'on l'appelait aussi le Pont aux dnes. Comme l'accotement de ce pont était assez escarpé, les ânes, qui l'escaladaient difficilement, recevaient bon nombre de coups de trique.

C'est le cas de rappeler un vieux proverbe : « battre comme asne à pont ». On le trouve dans un fabiau que cite le glossaire de Lacurne de Sainte-Palaye:

Fais-le ou je te bastrai tant

Que mieux ne fut asne à pont.

Arrivons, maintenant, à l'origine de la locution dont il s'agit. Elle se trouve dans une farce du XVe siècle, intitulée : La farce nouvelle fort joyeuse du Pont aux ânes (1).

Quatre personnages figurent dans la pièce: le mary, la femme, messire Domine de et le Boscheron.

7

( Voir la recul de M. Viollet-Leduc, intitulé l'Ancien théâtrefrançais.

Le mari, fort mécontent de sa femme qui néglige son ménage, va consulter un grave docteur Messire Domine de *** (1), lui expose ses griefs et lui demande les moyens de ramener sa revêche moitié à l'accomplissement de ses devoirs. Celui-ci lui répond par ce vers:

Vade, tenez le Pont aux asnes.

Le mari, ne comprenant pas, insiste, mais inutilement ; le docteur ne lui répond jamais que par le même vers:

Vade, tenez le Pont aux asnes.

Soit, s'écrie enfin notre homme :

Je yrai voir ce que ces asnes font,

Et c'on leur fait dessus ce pont.

A peine arrivé à l'endroit indiqué, il aperçoit un bùcheron qui frappe à tour de bras sur son âue pour le faire avancer, en s'écriant :

Hay! de par le diable, hay!
Tout aussi bien vous irez,
Puisque j'ai ce baston de houx.

LE MARY

Ventreblen! comme vous frottez !
Et ne faut-il que boys de haistre
Pour frotter les costez de sa femme ?

Sca, par le saint jour de Dieu, not dame!

Vous vous sentirez de la feste;

Par mon serment, je suis bien beste.
Voilà le propre enseignement

Dont le sage homme me parla.

La recommandation du docteur comprise, le mari rentre

(1) L'auteur des Récréations philologiques traduit ce nom par le docteur du jour (diei), c'est-à-dire le docteur à la mode.

chez lui pour mettre à profit ce qu'il a vu. Il demande à souper, la femme raisonne; il saisit aussitôt un gourdin, et, sans rien vouloir entendre, il parle haut le langage du bûcheron. La femme crie, le mari frappe toujours, et bientôt on lui promet de se soumettre, dorénavant, à toutes ses volontés.

Le moyen était bon; rien n'était plus facile que de le trouver c'était le Pont aux ânes.

Un

[ocr errors]

UN AVERTI EN VAUT DEUX

ajoutez homme en vaut deux ; c'est-à-dire celui qui est prévenu et se tient sur ses gardes, est doublement fort, doublement en état de se tirer d'affaire. On dit quelquefois un bon averti en vaut deux, mais ce n'est pas français. Dans cette locution, le mot averti devient substantif, et c'est avertissement qu'il faudrait dire.

Charles Nodier donne, de la manière suivante, le point de départ de ce proverbe :

Autrefois, dit-il, le mot verti était français; il voulait dire tourné (du mot latin vertere). Il y a plus dans les signes conventionnels de l'imprimerie, un A retourné (v) valait deux A. Dès-lors, on disait un A verti en vaut deux. »

NOEL DESCOINS.

SENTIER SOUS BOIS

Là-bas, dans l'étroite ravine,
Entre deux touffes d'églantier,

Plein de mousse et de fleurs chemine
Un sentier.

Ombreux; car les grandes ramures Cachant des nids sous leurs arceaux, Frissonnent, le soir, aux murmures Des ruisseaux.

Etroit; car les petites filles,

Le matin, dans leur blanc jupon, N'y passent pas, sous les charmilles, Deux de front.

A l'entrée, une roche sombre
Que le lichen couvre à demi,

Repose comme un chien dans l'ombre
Endormi.

Quand sourit l'aube au frais corsage,
Par là fuit le cerf aux abois,
Regagnant son hallier sauvage
Sous les bois.

Par là vont rêver les poètes
Sur les sources ou les buissons,
Rimant, délicats interprètes,
Des chansons.

Comme eux, j'aimais la solitude,
Petit sentier, tu le sais bien;

Et de toi mon cœur, dans l'étude,
Se souvient.

A. TINCHANT.

PENSÉES.

L'amour-propre a plus de rancune que le cœur.

On dit qu'à présent l'esprit court les rues; c'est possible; mais c'est l'esprit qui loge dans le cerveau, celui du cœur est toujours rare.

La solitude remet à vif les couleurs pålies des événements passés.

Une femme qui ne sait pas vicillir, prouve qu'elle n'a eu, pour plaire, que sa jeunesse.

Nous trouvons toujours les idées des autres excellentes, quand elles sont conformes à nos désirs.

Le travail tient caché, sous son air austère, plus de contentement que l'oisiveté dont le visage est riant.

L'ingratitude est une chose si peu naturelle, qu'on est tenté de se demander si elle existe réellement.

Nous ne louons franchement que ceux qui s'élèvent sans nous dépasser.

« PreviousContinue »