En les croquant, beaucoup d'honneur; Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir. Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances, Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue; 1 Un loup, quelque peu clerc, 2 prouva par sa harangue Qu'il falloit dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d'où venoit tout leur mal. 1. On sait l'origine de cette locution. La clameur de haro, par laquelle toute personne était forcée de se présenter immédiatement en justice, appartenait au droit coutumier de Normandie. «En Normandie, dit Noël Du Fail, quand quelqu'un fait le haro sur vous, il faut par nécessité, fussiez-vous vêtu de velours vert, que vous fassiez solennellement votre entrée en prison, pour la mémoire d'un bon duc Raoul (ou Rollon), qui durera éternellement, pour la grande justice qu'il faisoit; comme qui diroit: Ah! Raoul, où êtes-vous? » Nous mentionnons, bien entendu, cette étymologie sans nous en porter garant. 2. Un peu instruit. Pasquier dit : « Le mot de clerc appartient aux ecclésiastiques; et comme ainsi fut qu'il n'y eut qu'eux qui fissent profession de bonnes lettres, aussi par métaphore nous appellâmes grand clerc l'homme savant, mauclerc celui qu'on tenoit pour bête (ou pour employant mal son esprit), et la science clergie. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. D'expier son forfait. On le lui fit bien voir. Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. FABLE II. LE MAL MARIÉ. Que le bon soit toujours camarade du beau, Dès demain je chercherai femme; Mais comme le divorce entre eux n'est pas nouveau, Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point. Que de renvoyer son épouse, Querelleuse, avare, et jalouse. Rien ne la contentoit, rien n'étoit comme il faut : Elle en dit tant, que monsieur, à la fin, Vous la renvoie à la campagne Chez ses parents. La voilà donc compagne De certaines Philis qui gardent les dindons Avec les gardeurs de cochons. Au bout de quelque temps qu'on la crut adoucie, L'innocence des champs est-elle votre fait? Étoit de voir les gens plus paresseux qu'ici; Je leur savois bien dire, et m'attirois la haine Eh! madame, reprit son époux tout à l'heure, 1 Que le monde qui ne demeure 1 Qu'un moment avec vous, et ne revient qu'au soir, Que feront des valets qui, toute la journée, Et que pourra faire un époux Que vous voulez qui soit jour et nuit avec vous? Je vous rappelle, et qu'il m'en prenne envie, 1. C'est-à-dire sur-le-champ. Cette expression n'est plus usitée dans ce sens. FABLE III. LE RAT QUI S'EST RETIRE DU MONDE. Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain rat, las des soins d'ici-bas, Dans un fromage de Hollande Se retira loin du tracas. La solitude étoit profonde, S'étendant partout à la ronde. Notre ermite nouveau subsistoit là dedans. Il fit tant, de pieds et de dents, Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Un jour, au dévot personnage Des députés du peuple rat S'en vinrent demander quelque aumône légère : Chercher quelque secours contre le peuple chat; 1. Ce rat solitaire rappelle le Tartuffe. Il se porte à merveille; Gros et gras, le teint frais, et la bouche vermeille. Acte I, scène v. Il y avait quatorze ans que la pièce de Molière avait été représentée pour la première fois (en 1664), lorsque cette fable fut imprimée. 2. Mot composé, qui signifie ville des rats. |