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Qui mieux que vous sait vos besoins? Apprendre à se connoître est le premier des soins Qu'impose à tout mortel la majesté suprême.

1

Vous êtes-vous connus dans le monde habité?
L'on ne le peut qu'aux lieux pleins de tranquillité :
Chercher ailleurs ce bien est une erreur extrême.
Troublez l'eau vous y voyez-vous?

Agitez celle-ci. Comment nous verrions-nous ?
La vase est un épais nuage

Qu'aux effets du cristal nous venons d'opposer.
Mes frères, dit le saint, laissez-la reposer,

Vous verrez alors votre image.

Pour vous mieux contempler, demeurez au désert. *
Ainsi parla le solitaire.

Il fut cru; l'on suivit ce conseil salutaire.

Ce n'est pas qu'un emploi ne doive être souffert.
Puisqu'on plaide et qu'on meurt, et qu'on devient malade,
Il faut des médecins, il faut des avocats;

Ces secours, grâce à Dieu, ne nous manqueront pas :
Les honneurs et le gain, tout me le persuade.
Cependant on s'oublie en ces communs besoins. 3

1. Recueil de vers choisis et OEuvres posthumes:

La puissance suprême.

2. VAR. Recueil de vers choisis et OEuvres posthumes:

Pour mieux vous contempler, habitez un lieu coi.

3. VAR. Dans le Recueil de vers choisis et les OEuvres posthumes, au lieu

des six vers qui précèdent, on lit ceux-ci :

Ce n'est pas que chacun doive fuir tout emploi.

Puisqu'on plaide et qu'on meurt, il faut qu'on se propose

D'avoir des appointeurs, et d'autres gens aussi.

On n'en manque pas, Dieu merci :

L'ambition d'agir, et l'or sur toute chose,

N'en font naître que trop pour les communs besoins.

O vous, dont le public emporte tous les soins,
Magistrats, princes, et ministres,

Vous que doivent troubler mille accidents sinistres,
Que le malheur abat, que le bonheur corrompt,
Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne.
Si quelque bon moment à ces pensers vous donne,
Quelque flatteur vous interrompt.

Cette leçon sera la fin de ces ouvrages :
Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir!

Je la présente aux rois, je la propose aux sages:
Par où saurois-je mieux finir?

FIN DU DOUZIÈME LIVRE.

LIVRE XII.

SOURCES, RAPPROCHEMENTS, COMMENTAIRES.

FABLE Ir. Les Compagnons d'Ulysse. Plutarque: Que les bétes usent de la raison en forme de devis, dans les Œuvres morales. Machiavelli, Asino d'oro. Giovan-Battista Gelli, la Circe, 1549; traduite en français par le seigneur Du Parc, à Lyon, 1550.

M. Saint-Marc Girardin a consacré toute sa vingtième leçon à d'ingénieux rapprochements entre la fable de La Fontaine, l'ouvrage de Gelli et le dialogue d'Ulysse et de Grillus de Fénelon, en y joignant le Lion et le Marseillais, de Voltaire, et les Animaux raisonnables, pièce du théâtre de la Foire, par Fuselier et Legrand (1718). Nous ne pouvons que renvoyer à cette spirituelle dissertation.

Ajoutons seulement que, du temps de La Fontaine, AntoineJacob Montfleury avait déjà mis à la scène le sujet traité par le florentin Gelli. Il en avait fait une comédie en un acte, en vers, sous le titre des Béles raisonnables, comédie représentée sur le théâtre de l'hôtel de Bourgogne, en 1661.

FABLE II. Le Chat et les deux Moineaux. M. Solvet indique comme une des sources où le fabuliste a pu puiser ce sujet les Mimes et enseignements de Baïf, Toulouse, 1612.

FABLE III. Le Thésauriseur et le Singe. Cette historiette, avec quelques détails de plus, se trouve dans les Cento Novelle antiche,

1. La Fontaine et les Fabulistes, t. II, p. 153 à 180.

dans Nicolas de Pergame, dans Morlini (Nouvelle 47), dans Straparole (fable IV de la huitième nuit), enfin dans le Page dis-. gracie, de Tristan l'Ermite, Paris, 1667, in-12, 2e partie, chap. XLI : « Histoire d'un singe qu'on appeloit maître Robert. »

FABLE IV. Les Deux Chèvres. Ce sujet de fable se trouve parmi les thèmes manuscrits du duc de Bourgogne. Voici le texte :

« Duæ capellæ aberrantes a grege adrepserunt in rupes præruptas, ut carperent morsu dumeta. Post longos circuitus, tandem sibi invicem obviæ factæ sunt ad trajectum alti rivi in quo tabula angusta pons erat. Eis ex adverso positis, unaquæque contendebat se nunquam cessuram loco sociæ: «Avia, inquit « una, erat olim Polyphemo gratissima. Mea vero, respondit

« altera, erat Amalthea quæ lactavit Jovem. » Sic dum sese exagitant, præcipites ruunt in gurgitem. »

La Fontaine a reproduit dans sa fable les prétentions généalogiques des deux chèvres.

FABLE V. Le vieux Chat et la jeune Souris. Abstemius, 151. C'est une variante de la fable du Milan et du Rossignol, et de celle du Petit Poisson et du Pêcheur.

FABLE VI. Le Cerf malade. Desmays, l'Esope françois, 1677. Conf. fable iv du livre IV, et fable v du livre IX.

FABLE VII. La Chauve-Souris, le Buisson et le Canard. Esop., 42, 124.

FABLE VIII. La Querelle des Chiens et des Chats et celle des Chats et des Souris.

Guillaume Haudent a fourni ce sujet à La Fontaine. Voici la fable du premier:

De la guerre des Chiens, des Chats et des Souris.

Les chiens, voyant que leurs maistres vouloient

Les chasser hors, vindrent à leur promettre

De les servir trop mieulx qu'ils ne souloient,
Et de ce faire ils en passerent lettre,
Laquelle aux chats fut baillée, afin d'estre
Par eulx gardée en lieu seur et escart;

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