352 FABLE XVI.1 LA FORÊT ET LE BUCHERON. Un bûcheron venoit de rompre ou d'égarer Que la forêt n'en fût quelque temps épargnée. De lui laisser tout doucement Afin de faire un autre manche : Il iroit employer ailleurs son gagne-pain ; Il laisseroit debout maint chêne et maint sapin Elle en eut du regret. Il emmanche son fer: Son propre don fait son supplice. Voilà le train du monde et de ses sectateurs : On s'y sert du bienfait contre les bienfaiteurs. 1. Publiée d'abord en 1685 dans le recueil des OEuvres de Maucroix et de La Fontaine, t. I, p. 6. Je suis las d'en parler. Mais que de doux ombrages Soient exposés à ces outrages, Qui ne se plaindroit là-dessus? Hélas! j'ai beau crier et me rendre incommode; N'en seront pas moins à la mode. FABLE XVII.1 LE RENARD, LE LOUP ET LE CHEVAL. Un renard, jeune encor, quoique des plus madrés, Beau, grand: j'en ai la vue encor toute ravie. Si j'étois quelque peintre ou quelque étudiant, Que vous aurez en le voyant. Mais venez. Que sait-on? peut-être est-ce une proie Ils vont; et le cheval, qu'à l'herbe on avoit mis, Fut presque sur le point d'enfiler la venelle. 2 1. La Fontaine fit la lecture de cette fable dans la séance publique de l'Académie française qui fut tenue pour la réception de Boileau, le 1er juitlet 1684. Elle fut publiée dans le recueil des Ouvrages de prose et de poesie des sieurs de Maucroix et de La Fontaine, en 1685. 2. Venelle signifie : sentier, passage étroit; et enfiler la venelle est une expression proverbiale pour s'enfuir. Et moi, sot que je suis, je vidois sa querelle, Tandis que le poltron enfiloit la venelle. SCARRON, le Maître-Valet, acte I, scène 111. Seigneur, dit le renard, vos humbles serviteurs messieurs; Mes parents, reprit-il, ne m'ont point fait instruire; S'approcha. Mais sa vanité Lui coûta quatre dents : le cheval lui desserre 1 Frère, dit le renard, ceci nous justifie Ce que m'ont dit des gens d'esprit : Cet animal vous a sur la mâchoire écrit Que de tout inconnu le sage se méfie. 1. Mal en point est l'inverse de bien en point, employé par nos anciens auteurs. Ainsi dans Louise Labbé : « Combien plustôt choisiriez-vous un homme propre, bien en point, et bien portant! » Debasts de l'Amour et de la Folie. p. 45. FABLE XVIII.1 LE RENARD ET LES POULETS D'INDE. Contre les assauts d'un renard Un arbre à des dindons servoit de citadelle. S'écria Quoi! ces gens se moqueront de moi! Lui, qui n'étoit novice au métier d'assiégeant, Tant de différents personnages. Il élevoit sa queue, il la faisoit briller, Pendant quoi nul dindon n'eût osé sommeiller. Sur même objet toujours tendue. Les pauvres gens étant à la longue éblouis, 1. Publiée d'abord en 1685 dans le recueil des Ouvrages de prose et de poésie des sieurs de Maucroix et de La Fontaine, t. I, p. 29. |