Qu'un tel trésor étoit en tel lieu. L'homme au vœu Courut au trésor comme au ieu. Il trouva des voleurs; et, n'ayant dans sa bourse Il leur promit cent talents d'or, 1 On l'avoit enterré dedans telle bourgade. 1. On évalue le talent d'or à 34,000 francs de notre monnaie. (CR.) L'écu et les talents d'or n'étant pas du même temps. il y a dans ces appellations monétaires un défaut d'harmonie. FABLE XIV. LE CHAT ET LE RENARD. Le chat et le renard, comme beaux petits saints, 1 C'étoient deux vrais tartufs, deux archipatelins, 3 2 Deux francs patte-pelus, qui, des frais du voyage, Le chemin étant long, et partant ennuyeux, La dispute est d'un grand secours : Nos pèlerins s'égosillèrent. Ayant bien disputé, l'on parla du prochain. Tu prétends être fort habile; En sais-tu tant que moi? J'ai cent ruses au sac. 1. Au lieu de tartufes. L'e est retranché pour la mesure du vers, et par licence poétique. 2. Patelin, pour trompeur, Tartufe, pour hypocrite, sont des noms créés par le théâtre et devenus des adjectifs qualificatifs. 3. Rabelais, dans l'ancien prologue du quatrième livre, dit : « Adjugez quoy? et qui? tous les vieux quartiers de lune aux caphards, cagots, matagots, botineurs, papelards, burgotz, patespelues, porteurs de rogatons, chattemittes.>> Et encore: «Tous avoyent le col tors, les pattes pelues. » Prol. du liv. IV. Mais je soutiens qu'il en vaut mille. Eux de recommencer la dispute à l'envi. Sur le que si, que non, tous deux étant ainsi, 1 Le chat dit au renard Fouille en ton sac, ami; : Cherche en ta cervelle matoise Un stratagème sûr pour moi, voici le mien. Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut Et ce fut partout sans succès : La fumée y pourvut, ainsi que les bassets. Le trop d'expédients peut gâter une affaire : On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire. N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon. 3 1. Dans la fable 20 du livre VI, La Fontaine a personnifié cette locution; il dit, en parlant de la Discorde : On la reçut à bras ouverts, Elle et Que-si-que-non, son frère. 2. Tous les chiens de chasse. Le nom de Brifaut a été employé déjà par La Fontaine pour désigner un chien de chasse. (Voyez note 1 de la page 287 du tome Ier.) 3. Le poëte a dit ailleurs avec autant de raison: Tant il est vrai qu'il faut changer de stratagème ! FABLE XV. LE MARI, LA FEMME ET LE VOLEUR. Un mari fort amoureux, Fort amoureux de sa femme, Bien qu'il fût jouissant, se croyoit malheureux. Jamais œillade de la dame, Propos flatteur et gracieux, Mot d'amitié, ni doux sourire, Déifiant le pauvre sire, N'avoient fait soupçonner qu'il fût vraiment chéri. Je le crois; c'étoit un mari. Il ne tint point à l'hyménée Que, content de sa destinée, Il n'en remerciât les dieux. La pauvre femme eut si grand' peur Ami voleur, dit-il, sans toi ce bien si doux Me seroit inconnu! Prends donc en récompense Tout ce qui peut chez nous être à ta bienséance; Gens honteux, ni fort délicats : Celui-ci fit sa main. J'infère de ce conte Que la plus forte passion C'est la peur; elle fait vaincre l'aversion, Et l'amour quelquefois : quelquefois il la dompte; Qui brûla sa maison pour embrasser sa dame, Et plus grande encore que folle. * 1. C'est-à-dire, quelquefois c'est l'amour qui dompte la peur. 1 2. La Fontaine fait ici allusion à l'aventure du comte de Villa-Medina avec Élisabeth de France, fille de Henri IV, et femme de Philippe IV, roi d'Espagne. Pour attirer Élisabeth chez lui, le comte de Villa-Medina imagina de donner à toute la cour un spectacle à machines, qu'il fit monter à grands frais. Pendant la représentation, il fit mettre le feu à son propre palais; puis, profitant du désordre et de la frayeur causés par les flammes qui s'élevaient de toutes parts, il s'empara de la reine, et satisfit ainsi, par la perte de la moitié de sa fortune et au risque de sa vie, le désir qu'il avait de serrer dans ses bras celle qu'il aimait. (Voyez le Voyage en Espagne par Aarsen de Sommerdick, Cologne, 1666.) (W.) |