FABLE XVIII. LE BASSA ET LE MARCHAND. Un marchand grec en certaine contrée De quoi le Grec en bassa le payoit, Non en marchand: tant c'est chère denrée Trois autres Turcs, d'un rang moindre en puissance, 1. Un bacha ou pacha. 1 Comme Alexandre; et, plein de confiance, Il étoit un berger, son chien, et son troupeau. Étoit un pain entier. Il falloit bien et beau Qui, lui dépensant moins, veilleroient aux troupeaux Il mangeoit plus que trois; mais on ne disoit pas Quand les loups livroient des combats. Le berger s'en défait; il prend trois chiens de taille 1. Alexandre but la médecine que lui présenta son médecin Philippe au moment où il venait de recevoir une lettre qui lui annonçait que celui-ci voulait l'empoisonner. (Arian., 1. II, c. xiv; Justin., 1. XI, c. vit; Plutarch., in Alexandr., p. 28.) A lui dépenser moins, mais à fuir la bataille. Le troupeau s'en sentit; et tu te sentiras Du choix de semblable canaille. Si tu fais bien, tu reviendras à moi. Le Grec le crut. Ceci montre aux provinces Que, tout compté, mieux vaut en bonne foi S'abandonner à quelque puissant roi Que s'appuyer de plusieurs petits princes. FABLE XIX. L'AVANTAGE DE LA SCIENCE. Entre deux bourgeois d'une ville Étoit tenu de l'honorer. C'étoit tout homme sot car pourquoi révérer La raison m'en semble petite. Au savant, Vous vous croyez considérable : Mais, dites-moi, tenez-vous table? Que sert à vos pareils de lire incessamment? Ils sont toujours logés à la troisième chambre, 2 Vêtus au mois de juin comme au mois de décembre, Ayant pour tout laquais leur ombre seulement. 3 1. Survint, s'éleva. Racine a dit dans le même sens : Ces jours passés, chez un vieil histrion, Un chroniqueur émul la question. 2. C'est-à-dire au troisième étage. 3. Quibus umbra sua famulatur unice. Epistol. obscur. viror. La république a bien affaire De gens qui ne dépensent rien ! Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien. A messieurs les gens de finance Il reçut partout des mépris : Laissez dire les sots: le savoir a son prix. 1 1. Après leur déroute en Sicile, beaucoup d'Athéniens, n'ayant pu se rembarquer, erraient dans les campagnes. Les Siciliens s'empressèrent de recueillir et de traiter généreusement tous ceux qui purent leur réciter des vers d'Euripide. (A. M.) |