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C'est

NICANDRE.

Nous allons perdre cette beauté. pour elle qu'ici le roi s'est transporté;

Avec un grand seigneur on dit qu'il la marie.

MYR TIL.

O ciel! Expliquez-moi ce discours, je vous prie.

NICANDRE.

Ce sont des incidents grands et mystérieux.
Oui, le roi vient chercher Mélicerte en ces lieux;
Et l'on dit qu'autrefois feu Bélise sa mère,
Dont tout Tempé croyoit que Mopse étoit le frère............
Mais je me suis chargé de la chercher partout :
Vous saurez tout cela tantôt de bout en bout.

MYRTIL.

Ah! dieux! quelle rigueur! Hé! Nicandre, Nicandre!

Suivons aussi ses pas,

ACANTE.

afin de tout apprendre.

FIN DE MÉLICERTE.

SUR

MÉLICERTE.

UNE

NE fête superbe fut donnée à Saint-Germain-en-Laye en 1666. Benserade traça LE BALLET DES MUSES, composé de plusieurs pièces d'un genre différent; et Molière, l'un des auteurs appelés à concourir à ce ballet, ayant été averti trop tard, ne put achever l'ouvrage dont on l'avoit chargé. Il ne nous en reste que deux actes. Cet essai, composé rapidement, et que l'auteur ne s'occupa jamais ni à retoucher, ni à finir, est cependant curieux sous plus d'un rapport.

.

Il est assez singulier que le sujet soit tiré du roman de CYRUS, de mademoiselle de Scudéry Depuis long-temps Molière avoit attaqué ce mauvais genre dans la comédie des PRÉCIEUSES: le ton de galanterie affecté lui déplaisoit : comment donc put-il se résoudre à puiser dans cette source? Il est probable que le sujet avoit été choisi par d'autres que par lui, et qu'il fut obligé d'y travailler. Il arriva ce qu'on devoit prévoir dans une telle circonstance : la partie doucereuse et galante fut traitée faiblement; mais on s'aperçut que toutes les fois que l'auteur trouvoit le moyen de sortir de ce genre, et de reprendre le ton de la comédie, il recouvroit sa force, et laissoit reconnoître le grand maître.

Licarsis, vieux berger, vient d'apprendre une nouvelle importante; d'autres bergers le tourmentent pour la dire; il

Episode de Timarette et de Sésostris.

RÉFLEXIONS SUR MELICERTE.

3g

affecte cette importance que prennent les nouvellistes lors même qu'ils brûlent de raconter ce qu'ils savent :

Parmi les curieux des affaires d'État,· ́

Une nouvelle à dire est d'un puissant éclat :

Je me veux mettre un peu sur l'homme d'importance,

Et jouir quelque temps de votre impatience.

Ce n'est point là le ton de la pastorale, c'est celui de la comédie. Le trait qu'on va citer est encore plus éloigné du genre doucercux. Myrtil, à peine sorti de l'enfance, aime déjà une bergère : la naïveté de son âge donne quelque origiualité à une passion prématurée : mais cette combinaison, qui depuis a été souvent imitée, manque de vraisemblance, et blesse les lois du théâtre. Elle ne peut conduire qu'à des développements peu naturels, et à des détails indécents. Molière sentoit plus que personne ce défaut essentiel; mais, comme il semble se jouer de son sujet, il ne craint pas de montrer tout le ridicule d'un enfant amoureux. Le vieux berger voit que Myrtil rejette les avances de deux nymphes, parce que son cœur est engagé à la bergère Mélicerte; il se fâche, et le menace ainsi :

Non, je veux qu'il se donne à l'une pour époux,

Ou je vais lui donner le fouet devant vous.

Un amant à qui on peut donner le fouet n'est pas un personnage bien important; et cette sévérité de Licarsis ne s'accorde guère avec les idées romanesques de mademoiselle de Scudéry.

Ces disparates, comme on voit, sont fort singulières; mais il est utile de les remarquer, parce qu'elles servent à faire mieux connoître le génie de Molière, qui, dans les sujets les plus éloignés de son genre, perce toujours par quelque endroit

La première scène du second acte est vive et dramatique.

Mélicerte, instruite que deux nymphes aiment Myrtil, interroge Corinne qui lui a appris cette nouvelle, et ne lui laisse pas le temps de répondre. L'idée de cette scène est puisée dans la comédie de Rotrou, intitulée : LA SŒUR. Un amant en use de même avec son valet; et ne pouvant plus souffrir sa froideur, il ajoute :

Si d'amour tu ressentois atteinte,

Tu plaindrois moins ces mots qui te coùtent si cher,
Et qu'avec tant de peine il te faut arracher.

Mélicerte, pressée par la même impatience, dit à Corinne :

Ah! que les mots ont peine à sortir de ta bouche,

Et que c'est foib'ement que mon souci te touche!

Quelques années après, Molière employa mieux cette idée. excellente, et s'en servit pour l'exposition des FOURBERIES DE SCAPIN, où elle produit beaucoup d'effet. C'est ainsi que, dans ses moindres essais, il faisoit des études sur son art.

Long-temps après sa mort, 2 Guérin, fils du comédien de ce nom qui avoit épousé sa veuve, résolut de finir cette pièce : ayant fait les derniers actes en vers libres, il dénatura les deux premiers pour les assujettir à cette mesure. Malgré la protection de la princesse de Conti, cet essai ne réussit pas.

La PASTORALE COMIQUE, placée à la suite de cette pièce, et qui faisoit partie de la même fète, n'est susceptible d'aucune observation. Molière, avant de mourir, l'avoit brûlée : on n'en a conservé que les paroles chantées, qui ont été recueillies dans la partition de Lulli, auteur de la musique. Ces morceaux n'ont point de liaison, et ne peuven: indiquer ce qu'étoit cette pièce quand le dialogue existoit.

I Voyez les Réflexions sur cette pièce.

• En 1689.

PASTORALE

COMIQUE,

Représentée le 2 décembre 1666.

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