Page images
PDF
EPUB

LETTRE CLXV.

AU MÊME.

Paris, 4 avril 1710.

Il n'y a point, mon révérend père, à se plaindre du hasard. Peut-être a-t-il bien fait; car j'avois répandu fort à la hâte sur le papier les corrections que je vous ai envoyées, et je suis persuadé que j'en aurois rétracté plusieurs dans les entretiens que je prétendois sur cela avoir avec vous. Ainsi, laissant toutes ces corrections, bonnes ou mauvaises ', trouvez bon que je me contente de vous remercier de votre agréable présent. Je ne manquerai pas de porter à M. Le Verrier, chez qui je vais aujourd'hui dîner, le volume dont vous m'avez chargé pour lui. Il meurt d'envie de vous donner à dîner, et il faut que nous prenions jour pour cela. Adieu, mon il lustre père. Aimez-moi toujours, at croyez que je ne perdrai jamais la mémoire du service considérable que vous m'avez rendu, en contribuant si bien à détromper les hommes de l'horrible affront qu'on me vouloit faire, en m'attribuant le plus plat et le

Ces corrections, probablement relatives à la lettre de Boileau à Maucroix, du 29 avril 1695, parvinrent sans doute trop tard à d'Olivet pour qu'il pût en faire usage dans les OEuvres posthumes de ce dernier. (S. S.)

[ocr errors]

Les poésies latines de Huet, dont le P. Thoulier venoit de publier la cinquième édition.

plus monstrueux libelle qui ait jamais été fait. Je vous embrasse de tout mon cœur, et suis très parfaitement....

LETTRE CLX V I.

A BROSSETTE,

Paris, 14 juin 1710.

Quelque coupable, monsieur, que je vous puisse paroître d'avoir été si long-temps sans répondre à vos fréquentes et obligeantes lettres, je n'aurois que trop de raisons à vous dire pour me disculper, si je voulois vous réciter le nombre infini d'infirmités et de maladies qui me sont venu' accabler depuis quel que temps,

Quorum si nomina quæras,

Promptiùs expediam quot amaverit Hippia Moechos, etc.

Mais je me suis aperçu, dans une de vos lettres, que vous n'aimez point à entendre parler de maladies; et moi je sens bien, par l'abattement et par

[ocr errors]

Suivant l'opinion de l'abbé Regnier-Desmarais, le participe venu doit être indéclinable dans cette phrase, parcequ'il ne fait, pour ainsi dire, qu'un seul mot avec le verbe accabler qui le suit immédiatement. Dans son Traité de la grammaire françoise, page 516, in-4°, 1705, il cite plusieurs exemples conformes à celui-ci; mais la régle qu'il propose n'est point adoptée. Il faut done dire également : « Le nombre infini d'infirmités et de mala« dies qui me sont venues accabler, » ou bien » qui sont venues « m'accabler. » (S. 8. )

l'affliction où cela me jette, que je ne saurois parler d'autre chose; et pour vous montrer que cela est très véritable, je vous dirai que je ne marche plus que soutenu par deux valets; qu'en me promenant, même dans ma chambre, je suis quelquefois au hasard de tomber par des étourdissements qui me prennent; que je ne saurois m'appliquer le moins du monde à quelque chose d'important, qu'il ne me prenne un mal de cœur tirant à défaillance. Cependant je n'ai pas laissé de lire tout au long l'églogue que vous m'avez envoyée de votre excellent P. Bimet; je l'ai trouvée très Virgilienne. Ainsi, quand je serois le personnage affreux qu'il s'est figuré de moi, vous pouvez l'assurer qu'il n'a rien à craindre de moi, qui ai toujours honoré les gens de mérite comme lui, et qui ai été et suis encore aujourd'hui ami de tant d'hommes illustres de sa société. En voilà assez, monsieur, et je sens déja que le mal de cœur me veut reprendre. Permettez donc que je me hâte de vous dire que je suis, plus violemment que jamais, etc.

[ocr errors]

Cet excellent P. Bimet, dont Brossette parle souvent avec éloge, avoit composé une Églogue latine, en l'honneur de M. de Puget, qui venoit de mourir. Il accompagna l'envoi de son Eglogue à Boileau d'une petite pièce hendécasyllabe, dans laquelle il disoit entre autres choses à ses vers:

At nec Virgilius nec ipse Flaccus,
Nec justum moveat metum Tibullus,
Nec quoscumque tulit vetus poetas
Evum: sed simul hi graves poetæ
In solo moveant metum Bolwo

Renati.

LETTRE CLXVII.

L'ABBÉ BOILEAU AU MÊME.

Mars 1711'.

Je ne suis nullement en état, monsieur, de faire une réponse aussi ample que je devrois à l'obligeante lettre qui vient de m'être rendue de votre part, du 24 de ce mois. L'affliction que j'ai dans le cœur de la perte que j'ai faite de mon frère, dont j'étois l'aîné de presque deux ans, ne me laisse pas la tête assez libre pour satisfaire, comme je voudrois, à ce de

voir.

Permettez-moi donc, monsieur, de vous dire seulement que sa mort a été très chrétienne, et qu'il a donné la plus grande partie de ses biens aux pauvres. Il est passé en l'autre vie à dix heures du soir, le 11 de ce mois, âgé de soixante-quatorze ans et quatre mois, étant né le premier de novembre 1736. Il avoit été baptisé dans la Sainte-Chapelle royale du Palais, où il est enterré avec ses parents, dans le tombeau de notre famille; plusieurs desquels ont été chanoines et trésoriers de la Sainte-Chapelle.

[ocr errors]

Cette lettre, sans aucune date, est des derniers jours de mars

Cizeron-Rival oppose ce témoignage à l'erreur prétendue de L. Racine, qui fait naître Boileau à Crône : mais rien n'empêche que l'enfant, ondoyé d'abord au lieu de sa naissance, n'ait été quelque temps après solennellement baptisé à Paris. Personne

Je vous en écrirai davantage, quand Dieu voudra que je sois plus en état de vous entretenir que je ne suis présentement. Je ferai tout ce qui dépendra de moi, pour vous donner satisfaction sur les papiers que vous me faites l'honneur de me marquer que vous desirez; je ne crois pas que rien m'échappe, la volonté de mon frère ayant été de me faire l'exécuteur de son testament. Je mettrai à part tout ce qui pourra vous convenir, comme lettres et autres ouvrages que j'aurai soin de vous envoyer 1. Trouvez bon, monsieur, qu'en son nom et au mien, je vous embrasse de tout mon cœur, étant avec toute la reconnoissance que je dois, et l'attachement possible, etc.

n'étoit, ne pouvoit être mieux instruit de ces particularités de famille, que le fils de l'intime ami de Boileau; et aucun biographe n'a mis plus de probité dans ses récits.

M. l'abbé Boileau tint sa parole fort exactement. Il envoya beaucoup de papiers à M. Brossette, du cabinet duquel ils ont passé dans celui de M. le président Dugas, et ensuite dans le mien, où ils sont actuellement. (C. R.)

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

« PreviousContinue »