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Mes veilles désormais me sont un peu trop chères,
Pour les perdre à montrer aux peuples abusés,
Sous des
peaux
de brebis, vos tigres déguisés:
Assez de votre estime on revient de soi-même.
Jadis à votre égard notre erreur fut extrême;
Mais on n'ignore plus les discours effrontés
Qu'à Sanchez Belzébut en personne a dictés;
Que Châtel, Ravaillac, gens dévoués aux crimes,
Avoient puisé chez vous ces damnables maximes:
« Qu'à qui veut simplement perdre ses ennemis,
«Tout, hormis la vengeance, est louable et permis. "
Mais pourquoi recourir aux histoires antiques?
Nos jours n'offrent-ils pas mille faits tyranniques?
Dans l'honneur, dans les biens des docteurs outragés;
Les Chinois dans l'erreur, par vous seuls replongés ';
De Brest par vos fureurs l'église profanée;
De prêtres une troupe éperdue, étonnée,
D'une plainte frivole attendant le succès,
Et déchue à la fin d'un trop juste procès;
Dans leurs pieux desseins des vierges traversées,
De leurs propres foyers comme infames chassées;
Arnauld, toujours en butte à votre ardent courroux;
Tout cela, sans mes vers, parle trop contre vous.
Sur un si beau sujet pour écrire avec grace,

On accusoit les jésuites, qui étoient parmi les Chinois, de professer chez ce peuple un culte qui étoit un melange de christianisme et d'idolatrie. Le P. Le Tellier composa en leur faveur la Défense des nouveaux chrétiens et des missionnaires de la Chine, du Japon, et des Indes, 1687, 2 vol. in-12, qui fut vivement attaquée par Arnauld et Du Vaucel.

Ma muse n'a besoin de Pascal ni d'Horace;
Et, pour vous décrier chez la postérité,
Un auteur n'a besoin que de sincérité.

De la mienne déja l'on commence à se plaindre; Mais vous la connoissiez, et vous deviez la craindre, Sans me forcer à rompre un silence obstiné,

par discrétion je m'étois condamné.

Que de lâches auteurs craignent vos injustices:
A couvert de ma foi, je ris de vos caprices;
Et sous ce boulevard, où j'ai su me placer,
Vos traits empoisonnés ne sauroient me percer.
Profitez, s'il se peut, d'un exemple fidelle;
Vous devez avoir su l'aventure d'Entelle'.
Plus sages désormais, songez à m'épargner;
Ou sinon rira bien qui rira le dernier.

LETTRE CLXII.

A BROSSETTE.

Paris, 21 août 1709.

Deux jours après que j'eus reçu votre lettre du 24 juin, monsieur, je tombai malade d'une fluxion sur la poitrine et d'une fièvre continue assez violente, qui m'a tenu au lit tout le mois de juillet, et dont je ne suis relevé que depuis trois jours. Voilà ce qui m'a empêché de répondre à vos obligeantes lettres, et non point le peu de cas que j'aie fait de Énéid., V, v. 362 et suiv.

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vos vers, qui m'ont paru très beaux, et où je n'ai trouvé à redire que l'excès des louanges que vous m'y donnez. Dès que je serai un peu rétabli, je ne manquerai pas de vous faire une ample réponse et un très exact remerciement; mais en attendant, je vous prie de vous contenter de ce mot de lettre, que je vous écris malgré l'expresse défense de mon médecin....... Je suis, avec une extrême reconnois

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Il faut, monsieur, que vous n'ayez pas reçu une lettre que je me suis donné l'honneur de vous écrire, il y a environ deux mois, où je vous mandois que je sortois d'une très longue et très fâcheuse maladie, qui m'avoit tenu au lit plus de trois semaines, et dont il m'étoit resté des incommodités qui me mettoient hors d'état de répondre à vos précédentes lettres. Depuis ce temps-là, j'en ai encore reçu deux de votre part qui ne marquent pas même que vous ayez su que je fusse indisposé. Ainsi je vois bien qu'il y a du malentendu dans notre commerce 1.... Ce qui me fâche le plus de cette méprise, c'est que

Par une délicatesse mal entendue, Brossette gardoit le silence sur le dépérissement de la santé de Despréaux.

dans ma lettre je vous parlois, comme je dois, des vers que vous avez faits en mon honneur, et sur lesquels vous devez être content, puisque je les ai trouvés fort obligeants et très spirituels. La lettre dont je vous parle étoit fort courte, et vous trouverez bon que celle-ci le soit aussi, parceque je ne suis pas si bien guéri, qu'il ne me reste encore des pesanteurs et des tournoiements de tête, qui ne me permettent pas de faire des efforts d'esprit. O la triste chose que soixante et douze ans ! A la première renaissance de santé qui me viendra, je ne manquerai pas pourtant de répondre à toutes vos curieuses questions, etc..... Je suis autant que jamais.

LETTRE CLXIV.

AU P. THOULIER'.

Paris, 13 décembre 1709.

Vous m'avez fait un très grand plaisir de m'envoyer la lettre que j'ai écrite à M. Maucroix; car, comme elle a été écrite fort à la hate, et, comme on dit, currente calamo, il y a des négligences d'expression qu'il sera bon de corriger. Vous faites fort bien, au reste, de ne point insérer dans votre copie la fin de cette lettre, parceque cela me pourroit faire des affaires avec l'académie, et qu'il est bon de ne point réveiller les anciennes querelles.

* L'abbé d'Olivet

J'oubliois à vous dire qu'il est vrai que mes librai res me pressent fort de donner une nouvelle édition de mes ouvrages; mais je n'y suis nullement disposé, évitant de faire parler de moi, et fuyant le bruit avec autant de soin que je l'ai cherché autrefois. Je vous en dirai davantage la première fois que j'aurai le bonheur de vous voir. Ce ne sauroit être trop tôt. Faitesmoi donc la grace de me mander quand vous voulez que je vous envoie mon carrosse; il sera sans faute à la porte de votre collège, à l'heure que vous me marquerez, Le droit du jeu pourtant seroit que j'allasse moi-même vous dire tout cela chez vous; mais comme je ne saurois presque plus marcher qu'on ne me soutienne, et qu'il faut monter les degrés de votre escalier pour avoir le plaisir de vous entretenir, je crois que le meilleur est de vous voir chez moi. Adieu, mon très révérend père; croyez que je sens, comme je dois, les bontés que vous avez pour moi; et que je ne vous donne pas une petite place entre tant d'excellents hommes de votre société que j'ai eus pour amis, et qui m'ont fait l'honneur, comme vous, de m'aimer un peu, sans s'effrayer de l'estime très bien fondée que j'avois pour M. Arnauld et pour quelques personnes de PortRoyal, ne m'étant jamais mêlé des querelles de la grace.

Cette manière de parler se rencontre quelquefois dans les bons écrivains du temps; mais il faut ici j'oubliois de vous dire On emploie à, quand on a perdu l'usage de faire une chose, comme oublier à lire; on emploie de, quand il s'agit d'un manque de mémoire, comme oublier de lire. (S. S.)

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