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Patern', pour reconnoître l'état et les forces de Lyon. Comme la garde de cette ville est confiée aux habitants, M. de Dillon les fit passer en revue dans notre grande et magnifique place de Bellecour; et il fut surpris de voir des bourgeois qui ne faisoient pas trop mal sous les armes, Aussi sont-ils accoutumés à les manier; car tous les soirs la bourgeoisie, divisée par quartiers, fait la garde en plusieurs endroits de la ville,

Depuis ce temps-là on a doublé et triplé les gardes; on répare et l'on augmente les fortifications; on remplit les magasins; enfin, tout est mis en pratique pour nous garantir de surprise et d'insulte. Cependant il y a lieu de croire que toutes nos précautions nous ont moins servi que notre bonne fortune; car le duc de Savoie, qui vouloit venir à nous par la Tarantaise et par la Savoie, s'en retourne sur ses pas, sans avoir même passé l'Isère, M. le maréchal de Villars le suit d'assez près. Il a mandé à M. de Dillon de s'en retourner, parcequ'il doit joindre le duc de Savoie; et peut-être sont-ils en présence dans le moment que je vous écris. Je suis, monsieur, votre très humble, etc.

1794 sur l'échafaud révolutionnaire, étoit son petit-fils. - Voyez la Biographie Univ., tome XI, p. 366 et suiv., et celle des Hommes vivants, tome II, p. 403.

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Le marquis de Saint-Patern, lieutenant général des armées du roi, est connu pour avoir, avec le comte de Dillon, decide la victoire de Castiglione, en 1706.

LETTRE CLIII.

A BROSSETTE.

Paris, 7 août 1708.

Vous avez raison, monsieur, je vous l'avoue, d'être surpris du peu de soin que j'ai de répondre à vos obligeantes lettres; mais je crois que votre étonnement cessera, quand je vous dirai que je suis, depuis trois mois, malade d'un tournoiement de tête, qui ne me permet pas les plus légères fonctions d'esprit, et que c'est par ordonnance du médecin, c'est-à-dire du médecin hollandois, que je ne vous écris point. Aujourd'hui pourtant il n'y a médecin qui tienne, et je vous dirai, sauf le respect qu'on doit à Hippocrate, que j'ai lu l'ouvrage que vous m'avez envoyé, et que j'y ai trouvé beaucoup de latinité et d'agrément. La satire qui y est traduite est la sixième en rang dans mes écrits; mais la vérité est que c'est mon premier ouvrage, puisque je l'avois originairement insérée dans l'adieu de Damon à Paris, et que c'est par le conseil de mes amis que j'en ai depuis fait une pièce à part contre les embarras des rues, qui m'ont paru une chose assez chagrinante pour mériter une satire entière.

Je voudrois bien vous pouvoir envoyer toutes les traductions qui ont été faites de mes autres ouvrages, et dont la plupart sont imprimées; mais je se

rois bien en peine à l'heure qu'il est de les trouver, parceque j'en ai fait présent, à mesure qu'on me les a données, à ceux qui me les demandoient. Je vois bien que dans peu il n'y aura pas une de mes pièces qui ne soit traduite; car le feu y est dans l'univer sité, J'aurai soin de les amasser pour vous; mais il faut pour cela que ma tête se fixe, et que j'aie permission d'Helvétius. En effet, je doute même qu'il me pardonne de vous avoir écrit aujourd'hui, sans son congé, ce long billet. J'y ajouterai encore que j'ai pâli à la lecture de ce que vous m'avez mandé du péril où s'est trouvée notre chère ville de Lyon. Vous savez bien l'intérêt que j'ai à sa conservation'. Je vous dirai pourtant que dans la frayeur que j'ai eue, j'ai beaucoup moins songé à moi qu'à vous et à tous nos illustres amis. Graces à Dieu et à la bravoure de vos habitants, nous voilà en sûreté, et on ne verra point entrer dans la seconde ville du royaume l'infidèle Savoyard. Ce n'est point moi qui l'appelle ainsi, mais Horace qui l'a baptisé de ce nom, il y a tantôt deux mille ans, dans l'ode, At d Deorum, etc.:

Rebusque novis infidelis Allobrox *.

Un capital placé sur l'Hôtel-de-Ville de Lyon.

* Ce vers n'est point dans l'ode v du livre V d'Horace, 4t d Deorum, etc., dans laquelle il n'est pas question des Allobroges, mais de sortilèges. Il se trouve dans l'ode xvi, v. 8, du même li vre, Altera jam teritur, etc.

Novisque rebus infidelis Allobrox

(8 8.)

Mais voilà assez braver le médecin. Permettez, monsieur, que je finisse, et que je vous dise que je suis avec plus de reconnoissance que jamais....

LETTRE CLIV.

AU MÊME.

Paris, 9 octobre 1708.

Je suis surchargé, monsieur, d'incommodités et de maladies, et les médecins ne me défendent rien tant que l'application. O la sotte chose que la vieil-" lesse! Aujourd'hui cependant il n'y a défense qui tienne, et dussé-je violer toutes les règles de la faculté, il faut que je réponde à votre dernière lettre.

Vous me demandez dans cette lettre comment je crois qu'on doit traduire Meteora orationis. A cela je vous répondrai que, pour vous bien satisfaire sur votre question, il faudroit avoir lu le livre de M. Samuel Werenfels, afin de bien concevoir ce qu'il entend par-là lui même, ce mot étant fort vague, et ne voulant dire autre chose qu'un galimatias à perte de vue. Pour moi, quand j'ai traduit dans Longin ces mots, νοχ ὑψηλὰ, ἀλλὰ μετέωρα, qu'il dit, ce me semble de l'historien Callisthène, je me suis servi d'une circonlocution, et j'ai traduit que Callisthène

Samuel Werenfels, professeur, né à Bâle, en 1657, mort dans la même ville, en 1740. Son principal ouvrage a pour titre De Logomachiis eruditorum, 1702, in-8°.

ne s'élève pas proprement, mais se guinde si haut qu'on le perd de vue; la langue françoise, à mon avis, n'ayant point de mot qui réponde juste au μeríapa des Grecs, qui est à la vérité une espèce d'enflure, mais une espèce d'enflure particulière que le mot enflure n'exprime pas assez, et qui regarde plus la pensée que les mots. La Pharsale de Brébeuf, à mon avis, est le livre où vous pouvez le plus trouver d'exemples de ces μtriapa. Je me souviens d'avoir lu dans un poète italien, à propos de deux guerriers qui joûtoient l'un contre l'autre, que les éclats de leurs lances volèrent si haut, qu'ils allèrent jusqu'à la région du feu, où ils s'allumèrent et tombèrent en cendre sur terre. Voilà un parfait modéle du style periapa. Du reste, il peut y avoir de l'enflure qui ne soit point periapa, comme par exemple ce que Démétrius Phaleræus rapporte d'un historien, qui, en parlant du ruisseau de Télébe, rivière grande comme celle des Gobelins, se servoit de ces termes: « Ce fleuve descend à grands flots des monts Lau«riciens, et de là va se précipiter dans la mer pro« che, etc....» Ne diriez-vous pas, ajoute Démétrius, qu'il parle du Nil ou du Danube? C'est là de la véritable enflure; mais il n'y a point là de Miriapor. Je vous rapporterois cent exemples pareils; mais, comme je vous viens de dire, il faut avoir lu l'ouvrage de M. Samuel Werenfels, pour vous parler juste sur ce point; et vous n'en aurez pas davantage pour cette fois, parceque je sens qu'une chaleur ef

་་

Le Tassoni, dans la Secchia rapita, CANT. IX, Stanz, xvI.

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