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Vous voilà, je crois, monsieur, bien éclairci. Il n'y a de fautes dans la copie du sonnet, sinon qu'au lieu de :

Parmi les doux excès,

il faut :

Parmi les doux transports;

Et au lieu de :

Ha! qu'un si rude coup ̧.

il faut :

Ah! qu'un si rude coup......

Pour ce qui est des traductions latines que vous voulez que je vous envoie, il y en a un si grand nombre, qu'il faudroit que la poste eût un cheval exprès pour les porter toutes; et je ne saurois vous les faire tenir, que vous ne m'enseigniez un moyen. Adieu, mon cher monsieur, croyez que je suis plus que jamais, etc.

LETTRE CXLVIII.

AU MÊME.

Paris, 6 décembre 1707

Le croiriez-vous, monsieur? Si j'ai tardé si longtemps à vous remercier de votre magnifique present, cela ne vient ni de ma négligence, ni de mes tournoiements de tête dont je suis presque entière

ment guéri. Tout le mal ne procéède que de mon cocher, qui, ayant reçu en mon absence la lettre que vous me faisiez l'honneur de m'écrire, l'a gardée très poétiquement' douze jours entiers dans la poche de son justaucorps, et ne me l'a donnée qu'hier au soir; de sorte que j'ai reçu votre présent sans savoir presque d'où il me venoit. J'en ai pourtant goûté un grand plaisir, et je crois pouvoir vous dire sans me tromper, qu'il ne s'est jamais mangé de meilleurs fromages à la table ni des Broussin ni des Bellenave ; et pour preuve de ce que je dis, c'est que je n'ai pu me défendre d'en donner trois à M. Le Verrier qui en est amoureux, et qui les met au-dessus des Parmesans. Jugez donc si vos souhaits sont accomplis! Je ne le crois guère inférieur aux Coteaux pour la délicatesse du goût. Je ne lui ai point encore montré votre lettre, qui assurément le réjouira fort.

Je commence à être un peu en peine, connoissant votre exactitude, de ce que je n'ai point encore reçu de réponse à la lettre que je me suis donné l'honneur de vous écrire le mois passé. Auriez-vous aussi à Lyon quelque cocher ou quelque laquais poëte qui l'eût gardée dans sa poche?

Je vous y marquois, je crois, ou plutôt je ne vous y marquois point la joie que j'ai que vous ne désapprouviez point les traductions latines qu'on fait de

C'est-à-dire apparemment, avec toute la distraction d'un poëte. (S. S.)

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gnon.

Voyez les notes sur la satire II, et l'épître à M. de Lamoi

mes ouvrages. Il y en a plus de six nouvellement imprimées, qui ont toutes leur mérite. En vojci la liste: la Satire du Festin, le premier chant du Lutrin, l'Epitre de l'Amour de Dieu, l'Épitre à M. de Lamoignon, la Satire de l'Homme, le cinquième chant du Lutrin et une infinité d'autres qui ne sont point imprimées, et qu'on m'a données écrites à la main. Ainsi, monsieur, me voilà poëte latin confirme dans toute l'université.

Mais à propos de latin, permettez-moi, monsieur, de vous dire que je ne saurois approuver ce que vous me mandez, ce me semble, dans une de vos lettres precédentes, « que vous ne sauriez souffrir « qu'Horace dans ses satires et dans ses épitres soit «si négligé,» Jamais homme ne fut moins négligé qu'llorace; et vous avez pris pour uégligence vraisemblablement de certains traits où, pour attraper la naïveté de la nature, il paroît de dessein forme se rabaisser, mais qui sont d'une élégance qui vaut mieux quelquefois que toute la pompe de Juvenal. Je vous en dirois davantage, mais je sens que ma tête commence à s'engager. Permettez-done que je m'arrête, et que je me contente de vous dire que je suis....

LETTRE CXLIX.

A DESTOUCHES,

SECRÉTAIRE DE MONSEIGNEUR L'AMBASSADEUR DE FRANCE EN SUISSE',

A SOLEURE.

Paris, 26 décembre 1707.

de

Si j'étois en parfaite santé, vous n'auriez pas moi, monsieur, une courte réplique. Je tâcherois, en répondant fort au long à vos magnifiques compliments, de vous faire voir que je sais rendre hyperboles pour hyperboles, et qu'on ne m'écrit pas impunément des lettres aussi spirituelles et aussi polies que la vôtre; mais l'âge et mes infirmités ne permettent plus ces excès à ma plume. Trouvez bon, monsieur, que, sans faire assaut d'esprit avec vous, je me contente de vous assurer que j'ai senti, comme je dois, vos honnêtetés, et que j'ai lu avec un fort grand plaisir l'ouvrage que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer. J'y ai trouvé en effet beaucoup de génie et de feu, et sur-tout des sentiments de religion, que je crois d'autant plus estimables, qu'ils sont sincères, et qu'il me paroît que vous écri

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M. le marquis de Puisieulx.

Dès le temps de son séjour en Suisse, Destouches commençoit à faire des vers; il exerçoit même sa muse sur des objets qui pour l'ordinaire tentent peu les jeunes versificateurs, sur des objets édifiants, et soumettoit ces productions chrétiennes et poétiques au jugement du redoutable Despréaux. (D'Alembert, Éloges des Acad., tome I, p. 347.)

vez ce que vous pensez, Cependant, monsieur. puisque vous souhaitez que je vous écrive avec cette liberté satirique que je me suis acquise, soit à droit, soit à tort, sur le Parnasse, depuis très long-temps, je ne vous cacherai point que j'ai remarqué dans vo tre ouvrage de petites négligences, dont il y a appa rence que vous vous êtes aperçu aussi bien que moi, mais que vous n'avez pas jugé à propos de réfor mer, et que pourtant je ne saurois vous passer. Can comment vous passer deux hiatus aussi insupportables que sont ceux qui paroissent dans les mots d'essuient et d'envoie, de la manière dont vous les employez? Comment souffrir qu'un aussi galant homme que vous fasse rimer terre à colère ?? Comment?... Mais je m'aperçois qu'an lieu des remerciements que je vous dois, je vais ici vous inonder de critiques très mauvaises peut-être. Le mient donc est de m'arrêter, et de finir en vous exhortant de continuer dans le bon dessein que vous avez de vous élever sur la montagne au double sommet, et d'y cueillir les infaillibles lauriers qui vous y atten dent. Je suis avec beaucoup de reconnoissance......

D'Alembert ajoute ici cette phrase, qui ne se trouve point dans le recueil publié par Cizeron Hival: « C'est un éloge que le « zèle des dévots ne mérite pas toujours. »

M

* « Nous avons besoin de bardiesse, écrit Voltaire au comé

« dien Langue, et nous ne devrions truer que pour les oreilles

"

Il y a vingt ans que j'ose le dire, Si un vers finit par le mot terre,

On dost

& vous êtes sûr de voir la guerre à la fin de l'autre : rependant " prononce-4-on ferre autrement que père et mère? « songer, ce me semble, que l'oreille n'est juge que des sons, "non de la figure des caracteres »

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