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Pour ma satire sur l'Equivoque, tout ce que je puis vous en dire maintenant, c'est qu'on va faire une nouvelle édition de mes ouvrages, où, selon toutes les apparences, je. l'insérerai, je. l'insérerai, et que, bien que j'y attaque à face ouverte tous les mauvais casuistes, je ne crains point que les jésuites s'en offensent, puisqu'ils y seront même loués, à messieurs de Trévoux près, que je n'y nommerai point, quoiqu'ils m'aient attaqué par mes propres noms et surnoms. Mais quoi?

Aujourd'hui vieux lion, je suis doux et traitable '.

Adieu, mon illustre monsieur, aimez-moi toujours, et croyez que je suis très affectueusement, etc.

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Je ne saurois, monsieur, assez vous marquer la honte que j'ai d'avoir été si long-temps à répondre à vos agréables lettres; mais, grace à votre bonté, je suis si sûr de mon pardon, que je ne sais pas même si pour l'obtenir je suis obligé de le demander. La vérité est pourtant que j'ai été malade, et que je ne suis pas encore bien guéri de plusieurs infirmités que j'ai eues depuis six mois, et qui ne Epitre v.

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m'ont que trop bien prouvé que j'ai soixante et dix

ans.

Mais venons à votre dernière lettre, ou plutôt à votre dernière dissertation. J'avoue que restituere est le vrai mot des médailles, pour dire qu'on a rétabli un ouvrage qui tomboit en ruine; mais je ne sais si on peut se servir de ce mot pour un ouvrage qu'on transporte ailleurs, et c'est ce qui a fait que je vous ai proposé le mot d'instaurare, qui est un mot très reçu dans la bonne latinité; car pour le mot de restaurare, il me paroît du bas Empire. A mon avis, néanmoins, restituere ne gâtera rien, et vous pouvez choisir.

Je suis ravi que messieurs de l'Hôtel-de-Ville de Lyon aient si bonne opinion de moi, et que mes ouvrages puissent paroître sans crainte Lugdunensem ad aram. Le public et mes libraires sur-tout me pressent fort d'en donner une nouvelle édition in-4o, et je vous réponds, si je me résous à leur complaire, qu'elle sera du caractère que vous souhaitez1; mais franchement aujourd'hui je fuis autant le bruit que je l'ai cherché autrefois ; et je sens bien que les additions que j'y mettrai, ne sauroient manquer d'en exciter beaucoup. J'ai pourtant mis ma satire contre l'Équivoque, adressée à l'équivoque même, en état

' Dans la plupart des éditions de ses ouvrages, et particulièrement dans celle de 1701, in-4°, Despréaux a fait imprimer ses vers en caractères italiques, et sa prose en caractères romains. Brossette lui conseilloit l'usage de ces derniers caractères pour le tout. (Lettre du 20 juin 1707.)

de paroître aux yeux même des plus relâchés jésuites, sans qu'ils s'en puissent le moins du monde offenser. Et, pour vous en donner ici par avance une preuve, je vous dirai qu'après y avoir attaqué assez finement les plus affreuses propositions des mauvais casuistes, et celles sur-tout qui sont condamnées par le pape Innocent XI, voici comme je me reprends:

Enfin ce fut alors que, sans se corriger,

Tout pécheur... Mais où vais-je aujourd'hui m'engager ?
Veux-je ici, rassemblant un corps de tes maximes,
Donner Soto, Bannez, Diana, mis en rimes;
Exprimer tes détours burlesqueinent pieux,
Pour disculper l'impur, le gourmand, l'envieux;
Tes subtils faux fuyants pour sauver la mollesse,
Le larcin, le duel, le luxe, la paresse;

En un mot, faire voir à fond développés,

Tous ces dogmes affreux d'anathèmé frappés,
Qu'en chaire tous les jours, combattant ton audace,
Blåment plus baut que moi les vrais enfants d'Ignace, etc.")

Je vous écris ce petit échantillon afin de vous faire concevoir ce que c'est à-peu-près que la pièce. Je vous prie de ne le confier à personne, et de croire que je suis à outrance, etc.

Malgré ces ménagements, il ne put obtenu d'autorisation pour cette pièce, et la nouvelle édition de ses œuvres n'eut pas licu. (S. S.)

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Voyez les notes et les variantes de la satire x11, tome 1, p. 253.

et suiv.

LETTRE CXLVI.

A M. DE LOSME DE MONCHESNAI.

SUR LA COMEDIE.

Septembre 1707.

Puisque vous vous détachez de l'intérêt du ramoneur1, je ne vois pas, monsieur, que vous ayez aucun sujet de vous plaindre de moi, pour avoir écrit que je ne pouvois juger à la hâte d'ouvrages comme les vôtres, et sur-tout à l'égard de la question que vous entamez sur la tragédie et sur la comédie, que je vous ai avoué néanmoins que vous traitiez avec beaucoup d'esprit; car, puisqu'il faut vous dire le vrai, autant que je puis me ressouvenir de votre dernière pièce, vous prenez le change, et vous y confondez la comédienne avec la comédie, que, dans mes raisonnements avec le P. Massillon, j'ai, comme vous savez, exactement séparées.

Du reste, vous y avancez une maxime qui n'est pas, ce me semble, soutenable; c'est à savoir, qu'une chose qui peut produire quelquefois de mauvais effets dans des esprits vicieux, quoique non vicieuse

1 Monchesnai avoit envoyé à Boileau sa dissertation par un ramoneur: surpris du messager, Boileau en fit quelques plaisanteries, qui en provoquèrent d'autres de la part de Monchesnai, et auxquelles cette phrase fait allusion.

* VAR. « Je peux me ressouvenir

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au lieu de « je puis, »

d'elle-même, doit être absolument défendue, quoiqu'elle puisse d'ailleurs servir au délassement et à l'instruction des hommes. Si cela est, il ne sera plus permis de peindre dans les églises des vierges Maries, ni des Suzannes, ni des Madeleines agréables de visage, puisqu'il peut fort bien arriver que leur aspect excite la concupiscence d'un esprit corrompu. La vertu convertit tout en bien, et le vice tout en mal. Si votre maxime est reçue, il ne faudra plus non seulement voir représenter ni comédie, ni tragédie, mais il n'en faudra plus lire aucune; il ne faudra plus lire ni Virgile, ni Théocrite, ni Térence, ni Sophocle, ni Homère'; et voilà ce que demandoit Julien l'Apostat, et qui lui attira cette épouvantable diffamation de la part des Pères de l'Église. Groyezmoi, monsieur, attaquez nos tragédies et nos comédies, puisqu'elles sont ordinairement fort vicieuses mais n'attaquez point la tragédie et la comédie en général, puisqu'elles sont d'elles-mêmes indifférentes, comme le sonnet et les odes, et qu'elles ont quelquefois rectifié l'homme plus que les meilleures prédications: et, pour vous en donner

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VAR. «Ni Térence, ni Sophocle, ni Homère, ni Virgile, ni R Théocrite. >>

2

Il fit une loi par laquelle, considérant comme coupables d'une honteuse duplicité ceux qui faisoient profession d'interpréter Homère, Démosthène, et les autres auteurs dont ils désapprouvoient la religion, il leur laissoit le choix d'adorer les dieux du paganisme, « ou de se borner, disoit-il, à expliquer Lue et Mat thieu dans les églises des Galiléens. » (Voyez la Vie de l'empe reur Julien, par l'abbé de La Bléterie, liv. IV, p. 225.)

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