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lui-même, si on le vouloit forcer, par exemple, à rendre un faux témoignage, se trouveroit le justus et tenax vir d'Horace. Pardonnez-moi, monsieur, si je vous parle avec cette sincérité de l'ouvrage d'un homme que j'honore et j'estime infiniment, et faites-lui bien des amitiés de ma part.

Venons maintenant à votre llomme à la baguette'. En vérité, mon cher monsieur, je ne saurois vous cacher que je ne puis concevoir comment un aussi galant homme que vous a pu donner dans un panneau si grossier, que d'écouter un misérable dont la fourbe a été si entièrement découverte, et qui ne trouveroit pas même présentement à Paris des enfants et des nourrices qui daignassent l'entendre. C'étoit au siécle de Dagobert et de Charles-Martel qu'on croyoit de pareils imposteurs; mais sous le régne de Louis-le Grand, peut-on prêter l'oreille à de pareilles chimères, et n'est-ce point que depuis quelque temps, avec nos victoires et nos conquêtes,

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Jacques Aymard, surnommé l'Homme à la baguette, paysan de Saint-Véran, en Dauphiné, département de l'Isère, où il mourut, en 1708.

Frappé des récits qui lui venoient de toutes parts sur les nombreux prodiges opérés par Jacques Aymard, le prince HenriJules de Bourbon-Condé voulut voir l'auteur de tant de merveilles Il fit venir Aymard à Paris, où la vertu de sa baguette fut aussitôt mise à l'épreuve : mais elle prit des pierres pour de l'argent, elle indiqua de l'argent dans un lieu où il n'y en avoit pas; en un mot, elle opéra avec si peu de succès, qu'elle perdit en un moment tout son credit. Cette espèce de charlatanisme s'est néan moins renouvelé depuis.

Le monde n'a jamais manqué de charlatans.

notre bon sens s'est aussi en allé? Tout cela m'attriste; et pour ne pas vous affliger aussi, trouvez bon que je me hâte de vous dire que je suis très parfaitement, monsieur, etc.

P. S. Je ferai réponse, dès que je serai à Paris, à votre première lettre. Mes recommandations, s'il vous plaît, à tous vos illustres magistrats. Il n'est parlé ici que de méchantes nouvelles, et on avoue maintenant que bien d'autres généraux que M. le maréchal de Villeroi pouvoient étre battus.

Je suis charmé de M. Osio', qui m'a fait l'honneur de me revenir voir.

LETTRE CXLI.

AU MÊME.

Paris, 2 décembre 1706.

Je ne vous ferai point, monsieur, d'excuses de ma négligence, parceque je n'en ai point de bonnes à vous faire, et je me contenterai de vous dire que j'ai vu, avec beaucoup de reconnoissance, dans votre dernière lettre, la charité que vous avez pour mon misérable valet. Il m'a servi plus de quinze années, et c'est un assez bon homme. Je croyois qu'il dût me fermer les yeux; mais une malheureuse femme qu'il a épousée, sans m'en rien dire, a corrompu en lui toutes ses bonnes qualités, et m'a obligé, par

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des raisons indispensables, et que vous approuverez vous-même si vous les saviez, de m'en défaire. Vous me ferez plaisir de le servir en ce que vous pourrez ; mais au nom de Dieu que ce soit sans vous incommoder, et ne le donnez pas pour impeccable.

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Le mot qu'il vous a rapporté de moi est vrai1; mais il ne vous en a pas dit un encore moins mauvais que je dis à Sa Majesté, en la quittant à la sortie de cette dispute; car tout le monde qui étoit là, paroissant étonné de ce que j'avois osé disputer contre le roi : « Cela est assez beau, lui dis je, que « de toute l'Europe je sois le seul qui résiste à Votre Majesté. » Il y a aussi quelque chose de véritable dans ce qu'on vous a raconté de notre conversation sur le mot de gros; mais on l'a gâtée, en voulant l'embellir. Tout ce qu'il y a de vrai, c'est que le roi parlant fort contre la folie de ceux qui suppléoient par-tout le mot de gros à celui de grand: « Je ne sais « pas, lui dis-je, comment ces messieurs l'entendent; mais il me semble pourtant qu'il y a bien de

"

Brossette, qui avoit recueilli le valet de Despréaux jusqu'à ce qu'il fût placé, s'entretenoit avec lui sur son maître, dont les moindres particularités l'intéressoient. « Dans les conversations, « écrit-il, que j'ai eues avec Planson, il m'a rapporté un de vos « bons mots que je ne savois pas, et qui merite non seulement que « je le sache, mais que tout le monde le sache aussi : c'est une réponse que vous fites un jour au roi, en soutenant votre sen«timent contre celui de Sa Majesté, sans sortir néanmoins du res«pect qui lui étoit dû. Votre Majesté auroit pris vingt villes, lui dites-vous, plutôt que de me persuader cela. Je vous prie, mon«sieur, de m'apprendre les circonstances et l'histoire de ce mot." (Lettre du 25 novembre 1706.)

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la différence entre Louis le gros et Louis le grand. » Cela fit assez agréablement ma cour, aussi bien que les deux autres mots, qui furent dits dans un temps qui leur convenoit, je veux dire, dans le temps de nos triomphes, et qui ne seroient pas si bons aujourd'hui, où, à mon sens, on n'a que trop appris à nous résister. Vous voilà, monsieur, assez bien éclairci, je crois, sur vos deux questions, et je vous satisferois aussi sur celles que vous m'avez faites dans vos deux autres lettres précédentes, si je les avois ici; mais franchement je les ai laissées à Auteuil. Ainsi il faut attendre que je les aie rapportées pour vous donner pleine satisfaction. J'y ferai pour cela bientôt un tour; car l'hiver ni les pluies n'empêchent pas qu'on n'y puisse aller comme en plein été. Cependant je vous prie de croire qu'on ne peut être avec plus de sincérité et de reconnoissance que je le suis, etc.

Dans le temps que j'allois fermer cette lettre, je me suis ressouvenu que vous seriez peut-être bien aise de savoir le sujet de la dispute que j'eus avec Sa Majesté. Je vous dirai donc que c'étoit à propos du mot rebrousser chemin, que le roi prétendoit mauvais, et que je maintenois bon par l'autorité de tous nos meilleurs auteurs qui s'en étoient servis, et entre autres Vaugelas et d'Ablancourt. Tous les courtisans qui étoient là m'abandonnèrent, et M. Racine tout le premier. Cependant je demeure encore dans mon sentiment, et je le soutiendrai encore hardiment contre vous, qui avez la mine de n'être pas

de mon avis, et de m'abandonner comme tous les

autres.

LETTRE CXLIL

AU MÊME.

Paris, 20 janvier 1707.

11 y a, monsieur, aujourd'hui près de deux mois que je fis sur mon propre escalier une chute que je puis appeler heureuse, puisque je suis en vie. Cela n'a pas empêché néanmoins que je n'aie été sur le grabat plus de six semaines, à cause d'une très douloureuse entorse jointe à plusieurs autres maux qu'elle m'avoit causés, etc....

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LETTRE CXLIIL

AU MÊME.

Paris, 19 mars 1707

que

11 n'y

a point, monsieur, d'amitié plus commode la vôtre. Dans le temps que je ne saurois trou ver aucune bonne excuse d'avoir été si long-temps à répondre à vos obligeantes lettres, c'est vous qui me demandez pardon d'avoir manqué quelques ordi naires à m'écrire, et qui me mettez en droit de vous faire des reproches. Je ne vous en ferai pourtant

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