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part qu'à ceux que vous voudrez, à personne même si vous le souhaitez. Je crois pourtant qu'il sera très bon que madame de Maintenon voie ce que vous avez imaginé pour sa maison. Ne vous mettez pas en peine: je le lirai du ton qu'il faut, et je ne ferai point de tort à vos vers,

Je n'ai point vu M. Félix depuis que j'ai reçu votre lettre. Au cas que vous ne trouviez point les 5,000 francs, ce que je crois très difficile, je vous conscille de louer votre maison; mais il faudra pour cela que je vous trouve des gens qui prennent soin de vous trouver des locataires: car je doute que ceux qui y logent soient bien propres à vous trouver des marchands, leur intérêt étant de demeurer seuls dans cette maison, et d'empêcher qu'on ne les en vienne déposséder.

Il n'y a ici aucune nouvelle. L'armée de M. de Luxembourg commence à se séparer, et la cavalerie entre dans des quartiers de fourrages. Quelques gens vouloient hier que le duc de Savoie pensát à assiéger Nice, à l'aide des galères d'Espagne; mais le comte d'Estrées ne tardera guère à donner la chasse aux galères et aux vaisseaux espagnols, et doit arriver incessamment vers les côtes d'Italie. Le roi grossit de quarante bataillons son armée de Piémont pour l'année prochaine, et je ne doute pas qu'il ne tire une rude vengeance des pays de M. de Savoie.

Mon fils m'a écrit une assez jolie lettre sur le plaisir qu'il a eu de vous aller voir, et sur une conversation qu'il a ene avec vous. Je vous suis plus obligé que

vous ne le sauriez dire, de vouloir bien vous amuser avec lui. Le plaisir qu il prend d'être avec vous me donne assez bonne opinion de lui; et s'il est jamais assez heureux pour vous entendre parler de temps. en temps, je suis persuadé qu'avec l'admiration dont il est prévenu, cela lui fera le plus grand bien du monde. J'espère que cet hiver vous voudrez bien faire chez moi de petits dînés dont je prétends tirer tant d'avantages. M. de Cavoie vous fait ses compliments. J'appris hier la mort du pauvre abbé de Saint-Réal'.

LETTRE XLIII.

A RACINE.

......

Auteuil, le 7 octobre 1692.

Je vous écrivis avant-hiera si à la hate, que je ne sais si vous aurez bien conçu ce que je vous écrivois c'est ce qui m'oblige à vous récrire aujourd'hui. Madame Racine vient d'arriver chez moi, qui s'engage à vous faire tenir ma lettre. L'action de M. de

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César Vichard, abbé de Saint-Réal, de l'académie de Turin ; né à Chambéry, et mort dans la même ville en 1692. Sa Conjuration de Venise, celle des Gracques, et l'histoire de don Carlos. n'ont jamais été que des romans historiques; mais ceux-là, du moins, avoient le mérite du style; et les droits de l'histoire y étoient convenablement respectés.

"Cette lettre est du nombre de celles que l'on n'a point retrou

Lorges est très grande et très belle, et j'ai déja reçu une lettre de M. l'abbé Renaudot ', qui me mande que M. de Pontchartrain veut qu'on travaille au plus tôt à faire une médaille pour cette action. Je crois que cela occupe déja fort M. de La Chapelle; mais, pour moi, je crois qu'il sera assez temps d'y penser vers la Saint-Martin.

Je ne saurois assez vous remercier du soin que vous prenez de notre maison de Fontainebleau. Je n'ai point encore vu sur cela personne de notre famille; mais, autant que j'en puis juger, tout le monde trouvera assez mauvais que celui qui l'habite prétende en profiter à nos dépens. C'est une étrange chose qu'un bien en commun chacun en laisse le soin à son compagnon; ainsi personne n'y soigne, et il demeure au pillage.

Je vous mandois, le dernier jour, que j'ai travaillé à la Satire des femmes pendant huit jours: cela est véritable; mais il est vrai aussi que ma fougue poétique est passée presque aussi vite qu'elle est venue, et que je n'y pense plus à l'heure qu'il est. Je crois que, lorsque j'aurai tout amassé, il y aura bien cent vers nouveaux d'ajoutés; mais je ne sais si je n'en ôterai pas bien vingt-cinq ou trente de la description du lieutenant et de la lieutenante criminelle. C'est un ouvrage qui me tue par la multi

Celui auquel est adressée l'épitre XII sur l'Amour de Dieu. Il étoit petit-fils de Théophraste Renaudot, qui rendit à la France l'important service des gazettes.

Il eut bien fait, et c'étoit aussi l'avis de Racine; mais nous

tude des transitions, qui sont, à mon sens, le plus difficile chef-d'œuvre de la poésie. Comme je m'imagine que vous avez quelque impatience d'en voir quelque chose, je veux bien vous en transcrire ici vingt ou trente vers; mais c'est à la charge que, foi d'honnête homme, vous ne les montrerez à ame vivante, parceque je veux être absolument maître d'en faire ce que je voudrai; et que, d'ailleurs, je ne sais s'ils sont en l'état où ils demeureront. Mais, afin que vous en puissiez voir la suite, je vais vous mettre la fin de l'histoire de la lieutenante, de la manière que je l'ai achevée :

Mais peut-être j'invente une fable frivole.
Soutiens done tout Paris, qui, prenant la parole,
Sur ce sujet encor de bons témoins pourvu,

Tout prêt à le prouver, te dira: Je l'ai vu.

Vingt ans j'ai vu ce couple uni d'un mème vice,
A tous mes habitants montrer que l'avarice
Peut faire dans les biens trouver la pauvreté,

Et nous réduire à pis que la mendicité.

Deux 3 voleurs qui, chez eux, pleins d'espérance entrèrent.
Enfin un beau matin tous deux les massacrèrenta :

Digne et funeste fruit du nœud le plus affreux
Dont l'hymen ait jamais uni deux malheureux!

avons vu (tome I, p. 208), que l'amour paternel l'emporta, et que Boileau rétablit, dans les éditions postérieures à la mort de

son judicieux ami, les vers justement proscrits.

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Et même de la prose, suivant Boileau lui-même.

VAR. Demens donc tout Paris....

3 VAR. Des voleurs.....

4 VAR. De cette triste vie enfin les délivrèrent

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Ce récit passe un peu l'ordinaire mesure,
Mais un exemple enfin, si digne de censure,
Peut-il dans la satire occuper moins de mots?
Chacun sait son métier; suivons notre propos.
Nouveau prédicateur aujourd'hui, je l'avoue,
Frai disciple, ou plutôt singe de Bourdaloue,
Je me plais à remplir mes sermons de portraits
En voilà déja trois, peints d'assez heureux traits
La louve, la coquette et la parfaite * avare
Il y faut joindre encor la revéche bizarre2,
Qui sans cesse, d'un ton par la colère aigri,
Gronde, choque, dément, contredit un mari;
Qui dans tous ses discours par quolibets s'exprime,
A toujours dans la bouche un proverbe, une time ¿
Et d'un roulement d'yeux aussitôt applaudit
Au mot aigrement fou qu'au hasard elle a dit.
Il n'est point de repos ni de paix avec elle :
Son mariage n'est qu'une longue querelle.
Laisse-t-elle un moment respirer son époux,
Ses valets sont d'abord l'objet de son courroux;
Et, sur le ton groudeur lorsqu'elle les harangue,
Il faut vou de quels mots elle enrichit la langue.
Ma plume, ici traçant ces mots pai alphabet,
Pourroit d'un nouveau tome augmenter Richelet.
Tu crains peu d'essuyer cette étrange furie :
En trop bon hen, dis-tu, ton épouse nourrie,
Jamais de tels discours ne te rendra martyr.
Mais ent-elle sucé la raison dans Saint-Cyr,

Crois-tu que d'une fille humble, honnête, charmante,
L'hymen n'ait jamais fait de femme extravagante?

Vai. Ecolier

VAB. La femme sans honneur, la coquette et l'avare

Boileau avoit en vue, dans ces quatre vers, la femme de teu son frère, le greffier.

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