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DE BOILEAU.

LETTRE PREMIERE*.

A M. DE BRIENNE.

C'est très philosophiquement, et non point chrétiennement, que les vers me paroissent une folie; je ne l'ai point entendu d'une autre manière. Ainsi, c'est vainement que votre berger en soutane1, je veux dire M. de Maucroix, déplore la perte du Lutrin, dans l'églogue dont vous me parlez. Je le réci

Cette lettre est adressée à Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne. (Voyez son article dans la Biographie universelle, tome XXIV, p. 650.) Elle fut insérée pour la première fois dans les quatre Saisons du Parnasse, HIVER, 1806, p. 188; et réimprimée par P. Didot, tome III de son édition des OEuvres de Boileau Despréaux, 1815.

Le berger en soutane caractérise assez bien l'abbé de Maucroix, tour-à-tour homme du monde et d'église; traducteur de Saint-Chrysostome et d'Horace; auteur d'ouvrages graves et sérieux, et de poésies galantes et érotiques. M. Walckenaër vient d'en publier une nouvelle édition, plus complète que les précédentes, et augmentée d'une notice intéressante sur l'auteur. Le recueil contient trois Églogues, dans lesquelles j'ai vainement cherché le passage indiqué par Boileau.

tai encore hier chez M. le premier président'; et si quelque raison me le fait jamais déchirer, ce ne sera point la dévotion, qu'il ne choque en aucune manière; mais le peu d'estime que j'en fais, aussi bien que de tous mes autres ouvrages, qui me semblent des bagatelles assez inutiles. Vous me direz peutêtre que je suis done maintenant dans un grand excès d'humilité. Point du tout: jamais je ne fus plus orgueilleux; car si je fais peu de cas de mes ouvrages, j'en fais encore bien moins de tous ceux de nos poëtes d'aujourd'hui, dont je ne puis plus lire ni entendre pas un, fût-il à ma louange. Voulez-vous que je vous parle franchement? c'est cette raison qui a en partie suspendu l'ardeur que j'avois de vous voir et de jouir de votre agréable conversation, parceque je sentois bien qu'il la faudroit acheter par une longue audience de vers, très beaux sans doute, mais dont je ne me soucie point. Jugez donc si c'est que une raison pour m'engager à vous aller voir, récit que vous demandez. J'irai pourtant, si je puis, aujourd'hui, mais à la charge que nous ne réciterons point de vers ni l'un ni l'autre, que vous ne m'ayez dit auparavant toutes les raisons que vous avez pour la poésie, et moi toutes celles que j'ai

contre.

M. de Lamoignon.

le

Est-ce bien sérieusement que Boileau s'exprime ainsi sur ses propres ouvrages; ou n'est-ce qu'une défaite, pour échapper à l'importun qui ne lui demandoit une lecture du Lutrin, que pour lui faire subir une longue audience de ses vers? Cette dernière supposition est la plus vraisemblable.

Je suis avec toutes sortes de respect et de soumission, monsieur, votre, etc.

DESPRÉAUX.

LETTRE II.

AU COMTE DE BUSSY-RABUTIN.

Paris, 25 mai 1673

MONSIEUR,

J'avoue que j'ai été inquiet du bruit qui a couru que vous aviez écrit une lettre par laquelle vous me déchiriez, moi et l'épître que j'ai écrite au roi sur la campagne de Hollande. Car, outre le juste chagrin que j'avois de me voir maltraiter par l'homme du monde que j'estime et que j'admire le plus, j'avois de la peine à digérer le plaisir que cela alloit faire à mes ennemis. Je n'en ai pourtant jamais été bien persuadé. Eh! le moyen de croire que l'homme de la cour qui a le plus d'esprit pût entrer dans les intérêts de l'abbé Cotin, et se résoudre à avoir raison même avec lui? La lettre que vous avez écrite à M. le comte de Limoges a achevé de me désabuser; et je vois bien que tout ce bruit n'a été qu'un artifice très ridicule de mes très ridicules ennemis. Mais, quelque mauvais dessein qu'ils aient eu contre moi, je leur en ai de l'obligation, puisque c'est ce qui m'a attiré les paroles obligeantes que vous avez écrites

sur mon sujet. Je vous supplie de croire que je sens cet honneur comme je dois, et que je suis, etc.

LETTRE HIL

RÉPONSE DE BUSSY=RABUTIN.

Chaseu, 30 mai 1673.

Je ne saurois assez dignement répondre à votre lettre, monsieur. Elle est si pleine d'honnêtetés et de louanges, que j'en suis confus. Je vous dirai seulement que je n'ai rien vu de votre façon que je n'aie trouvé très beau et très naturel, et que j'ai remar= qué dans vos ouvrages un air d'honnête homme que j'ai encore estimé plus que tout le reste. C'est ce qui m'a fait souhaiter d'avoir commerce avec vous; et puisque l'occasion s'en présente aujourd'hui, je vous en demande la continuation et votre amitie, vous assurant de la mienne. Pour mon estime, vous n'en devez pas douter, puisque vos ennemis mêmes vous l'accordent dans leur coeur, s'ils ne sont pas les plus sottes gens du monde,

Voyes, au sujet de cette lettre, et de la réponse de Busay. la note sur le dernier vers de l'épitre tv, tome 1, p. 358.

BILLET

ÉCRIT DE LA MAIN DE COLBERT.

Le roi m'a ordonné, monsieur, de vous accorder un privilège pour votre Art poétique, aussitôt que je l'aurai lu. Ne manquez donc pas de me l'apporter au plus tôt.

COLBERT,

LETTRE IV.

REMERCIEMENT DE BOILEAU,

MONSEIGNEUR,

Je vois bien que c'est à vos bons offices que je suis redevable du privilège que sa majesté veut bien avoir la bonté de m'accorder. J'étois tout consolé du refus qu'on en avoit fait à mon libraire; car c'étoit lui seul qui l'avoit sollicité, étant très éveillé pour ses intérêts, et sachant fort bien que je n'étois point homme à tirer tribut de mes ouvrages. C'étoit donc à lui de s'affliger d'être déchu d'une petite espérance de gain, quoique assez incertaine à mon

* Le privilège n'avoit point été refusé; au contraire, il avoit été scellé à l'instant, sur la seule demande du libraire Barbin : mais quelques intrigues de Pellisson et de Montausier en avoient suspendu l'expédition. Bolwana, no x1

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