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Confortetur in Domino per illud populus convocatus; que le peuple appelé par elle soit comme reconforté dans le Seigneur (1). C'est bien, au reste, le propre de toute voix du ciel, de faire naître en nous la consolation et l'espoir, car tout cela vient surtout d'en haut, et c'est surtout de là que partent toutes les inspirations que renferme et distribue l'airain sacré.

Messagère d'espérance, la cloche n'est pas moins messagère de charité. Lorsque ses tintements agités nous signalent les sinistres, c'est bien pour nous appeler à porter secours à ceux qui sont dans la détresse ; à disputer à la flamme ce qu'elle veut dévorer; à renforcer la digue, pour arrêter le torrent qui menace de tout envahir; à porter secours aux sinistrés, pleurer avec ceux qui pleurent sur d'irréparables pertes, et surtout à ne pas refuser une prière à ceux que le fléau vient d'atteindre. Oh! oui, parlez-nous dans ces heures d'angoisse, cloches chrétiennes, votre voix sera toujours bien comprise ; et quand par vous le ciel nous demandera aide et secours pour nos frères dans le malheur, nous aimerons à nous rendre à cet appel de la plus divine des vertus.

Mais que d'accents de magnificence et d'allégresse la cloche ne possède-t-elle pas aussi dans ses résonnances autrement elle ne répondrait pas à tout ce que le ciel veut dire à la terre, et le Prophète n'a-t-il pas

(1) Pontificale romanum, Benedictio campanæ, ultima oratio.

dit lui-même : Vox Domini in magnificentiâ (1), il faut parfois à la voix de Dieu des sonorités de magnificence? Comme dans la nuit bénie de Noël, la cloche vient alors nous redire à l'instar des anges: Evangelizo vobis gaudium magnum quod erit omni populo; je viens vous redire le sujet d'une grande joie qui sera pour tout le peuple (2). Oui, c'est bien alors une voix. du ciel avec ses vibrants accents de saintes et douces joies : réjouissances des peuples dans leurs triomphes nationaux, joies intimes des foyers dans leurs évènements heureux, pieuses allégresses des âmes aux jours des solennités chrétiennes.

C'est bien tout cela, n'est-ce pas, que nous redit la cloche au nom du ciel, sans que l'oreille patriotique et chrétienne se fatigue jamais de l'entendre ? Qu'elle résonne donc à nos oreilles, car sa voix nous est douce, puisque c'est ou la vérité qui l'inspire, ou la joie qui l'anime, et que, même par ses accents de tristesse, elle sait encore nous redire d'aimer et d'espérer.

Mais voix de la terre aussi bien que voix du ciel, elle est toujours la fidèle interprète des divers sentiments qu'on veut lui faire traduire.

II

Cherchez, mes Frères, en quoi se résument les bruits de la terre, et vous trouverez que c'est

(2) Ps. xxviii, 4.

(3) Luc, 11, 10.

Si l'Eglise marque ce métal vulgaire de son huile sainte, si elle le sépare des choses profanes par ses bénédictions, c'est afin qu'il soit l'organe du meilleur des sentiments que puisse exhaler le cœur de l'honime, la prière. La prière, doux et saint mélange de confiance et d'amour, pour traduire la foi avec ses pieuses manifestations, l'espérance avec l'ardeur de ses désirs, la reconnaissance avec ses chaudes expansions. C'est bien là le rôle de la cloche, quand ses tintements s'élèvent graves et suaves aux trois espaces du jour. C'est ainsi que l'a compris et fidèlement rendu le Maître dans ce tableau devenu célèbre, et que le Nouveau Monde nous a même envié (1). Au fond d'une vaste et fertile plaine, dont le type est fourni par notre Normandie (2), on voit à peine surgir la pointe d'un clocher rustique, mais il semble qu'une sonorité mystérieuse remplisse le paysage. Ils l'ont en effet entendue et comprise ces deux ouvriers de la terre, qui, les instruments du travail à leurs pieds, les mains jointes et la tête doucement inclinée, par le mouvement de leur cœur, s'élèvent vers Dieu, comme les y convient les tintements de l'Angelus.

(1) On sait que l'Amérique a tout fait pour acquérir l'Angelus de Millet.

(2) C'est à une plaine qui se trouve du côté de Biville, dans la partie supérieure du département de la Manche, que Millet a emprunté le fond de son tableau. La scène qu'il rend est d'ailleurs parfaitement restée dans les mœurs de cette religieuse contrée.

Aux jours de dimanche ou de grandes solennités les joyeuses volées de l'airain sacré sont comme un hymne au Dieu de l'univers. pour rendre hommage à ses infinies perfections. En ces jours elles semblent nous redire de relever nos fronts trop longtemps courbés vers la terre, pour les reporter vers le ciel et rendre à Dieu l'hommage qui lui est dû.

Ou bien quand le ciel envoie un rayon de bonheur à la terre, la cloche sait se faire l'interprète des sentiments qui prennent alors place au cœur de l'homme. Aussi à peine l'Eglise a-t-elle mis sur nos lèvres ces deux mots, si juste expression de la joie et de la reconnaissance du cœur chrétien: Te Deum laudamus, que nos cloches s'ébranlent comme d'elles-mêmes, pour s'associer, par leurs cadences joyeuses et prolongées, à tout ce que la reconnaissance nous dicte pour Dieu.

Puis quand, au lieu de cela, le glas funèbre vient apporter à nos oreilles comme des cris plaintifs, combien touchante alors n'est pas l'expression de l'airain. sacré ! Il jette en pleurant la lugubre nouvelle à la famille paroissiale, il sanglote avec ceux qui pleurent la disparition d'un être bien-aimé, il prie pour l'âme envolée et sollicite en sa faveur de pieux suffrages. Qui de nous donc n'a été remué par ce langage plaintif et n'a ouvert son âme à un sentiment de chrétienne pitié ?

C'est ainsi que les cloches savent traduire toutes les meilleures impressions de l'âme humaine.

Mais les vôtres, mes Frères, diront davantage encore,

Elisabeth-Louise (1), avec les noms illustres dont elle est marquée? N'est-ce pas elle qui a mission de garder ici la mémoire de l'illustre Maréchal que la France pleure encore? Sans doute ce nom est buriné dans l'histoire, mais l'airain sacré n'est que plus fier d'en porter l'empreinte. Ses sonorités seront comme un écho du retentissement de cette grande mémoire.

Elle gardera encore l'inséparable souvenir de celle qui mérita si bien d'être associée à ses patriotiques angoisses comme à ses meilleures gloires, et qui, elle aussi, a compté dans sa lignée toutes les illustrations, aussi bien celles de la sainteté que celles de la valeur guerrière (2).

Et comme tous les souvenirs honorables sont bons à recueillir, par le dernier de ses noms, Marie-ElisabethLouise vous rappellera le saint monarque qui fit bâtir autrefois le château désormais l'honneur de ce lieu (3).

Elle vous rappellera aussi le magistrat intègre et dévoué, dont les traditions de famille comptent de beaux actes de dévouement pour la fidélité persécutée,

(1) Ce sont les noms donnés à la principale cloche.

(2) Par sa naissance, Madame la Maréchale de Mac-Mahon appartient aux de la Croix de Castries, qui se font gloire de compter dans leur parenté l'illustre thaumaturge de Montpellier, S. Roch.

(3) Le château de La Forest avait tout d'abord été construit par S. Louis, pour servir de rendez-vous de chasse ; depuis 1840 il est devenu la résidence préférée du Maréchal et de sa famille.

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