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à tout mettre en œuvre pour éviter cette catastrophe, s'interposa entre les défenseurs de la brèche et les assiégeants, menaçant le Châh non-seulement du mécontentement de l'Angleterre, mais encore d'une descente de troupes anglaises sur le littoral persique, et d'une invasion des provinces du sud. Mehemet-Châh, très-irrité de ce langage, fit comprendre à M. Mac-Nill qu'il ne pouvait demeurer plus longtemps dans son camp; mais, au lieu de pousser avec vigueur le siége et de s'emparer d'Hérat, il eut la faiblesse de se retirer, dans la crainte d'attirer l'orage dont le représentant de la politique anglaise l'avait menacé.

M. Mac-Nill était parti pour Londres, et les personnes de sa suite, qui avaient quitté la Perse avec lui, s'étaient arrêtées à Erzeroum pour y attendre de nouvelles instructions. - C'est dans cette situation que nous les trouvâmes à notre passage dans cette ville.

(15) Le mot Salamalek, que nous avons introduit dans notre langue, vient de l'arabe selam-aleik; pris littéralement il signifie paix sur toi. Les Turcs, et les Persans surtout qui ont une prononciation très-accentuée, souvent même affectée, disent selamon-aleï-köm ou paix sur vous, qui est le véritable salut oriental dans toute sa pureté.

(16) Istakbal ou Istikbal signifie proprement l'aller au-devant. Les Persans en ont fait un substantif par lequel ils expriment l'action d'aller audevant d'un personnage de rang élevé. Ces cérémonies officielles sont toujours figurées par un grand nombre de cavaliers et on leur donne beaucoup d'apparat.

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(47) M. Trezel était ingénieur-géographe, M. Fabvier et M. Lami étaient lieutenants d'artillerie. Les deux premiers, encore vivants, sont devenus généraux de division; M. Lami est mort général de brigade, à Constantine, en 1837. On doit à M. le général Trezel de nombreux et savants travaux géographiques sur la Perse. M. le général Fabvier fut chargé par Fet-Ali-Châh de créer une artillerie de campagne. Il fonda à Ispahan un arsenal dont il dut faire jusqu'aux moindres outils, car les Persans ne possédaient aucun moyen de fabrication. Après mille peines et obstacles de tout genre, M. Fabvier réussit à monter quelques pièces sur leurs affûts. Ce fut le point de départ, le germe de l'artillerie légère que possède aujourd'hui l'armée du Chảh.

(18) En Turquie, les distances de lieux se comptent par agatchs, en Perse par farsaks. Ces deux longueurs sont égales, et équivalent à six kilomètres à peu près.

(19) En 1839, un ambassadeur persan était venu à Paris. On doit croire que les différends survenus entre les gouvernements persan et anglais, à propos d'Hérat, n'étaient pas étrangers à la mission que Mehemet-Châh avait donné à Husseïn-Khân. En effet, la diplomatie que ce personnage faisait à Paris n'avait pas d'autre but que de chercher à affranchir la Perse du joug insupportable que lui faisait subir l'Angleterre. Elle n'eut pas d'ailleurs d'autre résultat que l'achat de plusieurs milliers de fusils et la cession par le gouvernement

français d'une douzaine de sous-officiers pris dans des régiments d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie, qui entrèrent au service de la Perse comme instructeurs militaires. Ces jeunes gens, qui avaient été choisis dans leurs corps respectifs, n'étaient pas des aventuriers allant chercher fortune au fond de l'Asie, comme tant d'autres avant eux; ils partaient chargés d'une mission toute spéciale et temporaire, et en conservant la position à laquelle leurs services leur donnaient droit en France.

Mais les difficultés que leurs devanciers avaient rencontrées devaient se présenter de nouveau à ces instructeurs, et des intrigues de toute sorte furent mises en œuvre pour entraver complétement l'emploi que la Perse aurait pu faire, à son profit, des connaissances des sous-officiers français. Les obstacles qu'ils ne cessèrent de rencontrer furent tels, que pas un d'eux ne put réussir à former quelques soldats persans. Ils restèrent, en Perse, oisifs, pendant quatre années à la suite desquelles ils rentrèrent en France.

(20) La Perse a été, de tout temps, abandonnée par la France. A l'exception des missions qui, à de longs intervalles, y ont fait de courts séjours, le gouvernement français n'y a jamais entretenu aucun résident. Cette raison est une des causes qui en ont éloigné le commerce de notre pays; car les négociants ne créent guère de relations chez des peuples auprès desquels ils savent ne trouver l'appui d'aucun agent consulaire. Cela est malheureux; car si le commerce anglais trouve, en Perse, des marchés ouverts et favorables à ses importations, il n'est pas douteux qu'un grand nombre d'articles des fabriques françaises auraient également là des débouchés faciles. Certainement, les draps de France, les soieries, les indiennes, les mousselines, trouveraient dans les bazars persans de nombreux acheteurs. Mais, je le répète, l'absence de représentants français rend timides nos exportateurs, et le marché de Perse est entièrement abandonné aux spéculateurs anglais ou à quelques maisons grecques de Constantinople, qui se placent sous la protection de la Russie.

(21) Echi ou Eltchi, est le terme par lequel on désigne un envoyé dipłomatique, un ambassadeur. Les Orientaux ont aussi adopté la dénomination européenne de ministre plénipotentiaire, et ils disent Veziri-Moukhtar pour indiquer un envoyé qui a des pleins pouvoirs. Ils appellent Balios un consul. Ce mot n'a pas une origine asiatique; il est dérivé de l'italien Baïlo, qui veut dire agent politique, et il date du temps où la république de Venise avait, à Constantinople, un représentant qui portait ce titre.

(22) Roustâm, Afraziáb, sont des héros qui ont existé; mais les Persans se sont plu à entourer leurs exploits de tant de fables et de récits merveilleux, qu'ils en ont presque fait des personnages mythiques. Ils symbolisent la force, le courage, et on leur donne le titre de Pehlavân qui veut dire héros, athlète. - Les Persans n'auraient pas dû conserver la mémoire de Gengiskhan et de Tamerlan dont leur pays a eu tant à souffrir. Mais ils oublient les ruines qui marquent de tous côtés les traces du passage de ces conquérants, pour ne se rappeler que leurs exploits guerriers; et, sous les noms de Tchenghiz-Khân et Taïmour-Lenk, ou Tamerlan le Boiteux, ils honorent la mémoire de ces

envahisseurs cruels et barbares sous le fer desquels leurs ancêtres courbèrent la tête.

(23) On appelle harem la partie retirée d'une habitation, celle où ne pénètrent jamais les étrangers. Anderoûm signifie proprement le lieu où se tiennent les femmes: c'est le gynécée des Grecs. Ce terme ne s'emploie que quand il s'agit de la maison d'un grand; pour les petits bourgeois, ou les raïas, on désigne cette partie secrète par le mot zan-khaneh, littéralement appartement des femmes.

(24) Le mot louti ou louthi a une signification très-variée par laquelle on désigne les mauvais sujets, les voleurs, les gens de mauvaises mœurs et les baladins, bateleurs, etc. Quant à son étymologie, on n'est pas d'accord : les uns le font dériver de Loth, le neveu d'Abraham, doublement célèbre par la protection du Seigneur qui voulut l'épargner lorsqu'il consuma Sodome, et par son inceste qui semble justifier le nom de louti donné aux gens de mauvaise vie; d'autres font venir ce mot de l'indien lout qui signifie vol, brigandage; par cette acception, qui est en effet reçue, on peut également justifier cette origine.

(25) Lorsque Nadir-Châh s'empara de Dehli, on dit que, parmi les trésors qui tombèrent en son pouvoir, figurait le magnifique trône du grand Moghol. Il était tout incrusté de pierreries et simulait une queue de paon; par cette raison on l'appelait Takht-i-taous, ou Trône du Paon. Il fut rapporté à Ispahan par le conquérant qui, ne pouvant se contenter de s'asseoir sur les diamants et les rubis dont il était couvert, les fit enlever pour les vendre. Il en tira, dit-on, des sommes énormes.

(26) Turkman-thaï est un bourg situé à dix étapes de Téhérân. En 1827, les Russes vainqueurs s'avancèrent jusque-là pour forcer le roi de Perse à accepter un traité dont les bases étaient la reconnaissance de toute la Géorgie comme province russe, et de la rive droite de l'Araxe, jusqu'à son embouchure dans la Caspienne, comme limite septentrionale du royaume d'Irân. Le Châh était dans l'impossibilité de s'opposer à l'envahissement de cette partie de ses États, que son fils Abbas-Mirza avait en vain cherché à défendre; il fut forcé de signer ce traité pour éviter de plus grands malheurs à son pays et de plus grandes humiliations à sa couronne.

(27) Quand nous fîmes le voyage de Perse le roi Mehemet-Châh, qui n'avait que trente-quatre ans, était sur le trône; mais, sans cesse menacé par des atteintes très-graves de goutte, il était à craindre que son règne ne fût pas de longue durée. En effet, il est mort de cette maladie dans le cours de l'année 1849, et son fils, surnommé le Veliat, lui a succédé.

FIN DES NOTES DU PREMIER VOLUME.

VOCABULAIRE TURC ET PERSAN

POUR SERVIR

A L'INTELLIGENCE DE QUELQUES EXPRESSIONS USUELLES
INTRODUITES DANS LE COURS DE CETTE RELATION.

NOTA. J'ai cru devoir adopter l'orthographe qui, dans notre langue, se rapproche le plus de la
prononciation des mots turcs ou persans, soit pour ceux qui ont un sens, soit pour les noms
propres.

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