Page images
PDF
EPUB

Kurdes; dans celle du centre, ils sont Kurdes ou Zends, c'est-à-dire originaires du Fars; dans la zone du sud, quelques-uns sont Arabes ou Bactyaris, mais la plus grande partie est Zend.

Ils sont réunis en nombreuses tribus, ou seulement par petits groupes de deux ou trois familles. Ils ne vivent presque que de laitage; ils font du beurre, des fromages, avec le lait de leurs vaches, de leurs brebis ou de leurs chèvres. De la laine de leurs troupeaux ou de leurs chameaux, les femmes font des tapis et des étoffes d'habillement. Il est rare qu'on les rencontre dans le voisinage des villes; ils s'en tiennent presque toujours éloignés, car ils affectionnent les lieux déserts.

Le Châh, pour faire honneur à l'ambassade, nous invita à une grande fête qu'il donnait sous les fenêtres de son palais d'Haft-Dest. Nous étions étonnés de n'y voir ni les Russes ni les Turcs; mais on nous dit que le roi avait voulu qu'il fût bien compris que la cérémonie avait lieu particulièrement pour les Français. Rien ne manqua à cette fête, les lutteurs, les danseurs de corde, les ours, les mâts de cocagne, les avaleurs de feu et les danseurs. Le Châh fit jeter des poignées d'or à tous ces bateleurs qui se ruèrent dessus et s'arrachèrent tout ce qu'ils purent, à la grande satisfaction des assistants.

A cette fête en succéda une autre, dont le ministre des affaires étrangères fit les honneurs dans un des beaux palais de la ville. Ce fut un très-grand dîner auquel avaient été invités avec nous tous les hauts fonctionnaires, et plusieurs Khâns attachés au service du roi. Le repas fut très-gai, et nous fûmes très-cordialement traités par les Persans auxquels

nous étions mêlés. La musique d'un régiment de la garde, qui n'était vraiment pas mauvaise, joua tout son répertoire pendant le dîner. L'ordonnateur de la fête avait eu la bizarrerie de suspendre, par des fils invisibles, au plafond, un soldat assis sur un tonneau où il jouait du fifre; ce malheureux abusait des sons aigus de son instrument, et nous assourdissait. Pendant ce temps-là, des Pouchts, ou jeunes danseurs, tournaient autour de la table, en dansant et s'accompagnant de leurs castagnettes en cuivre. Le bruit et le vin que les musulmans ne se refusaient pas, en grisèrent un grand nombre, et plus d'un pouvait à peine tenir son verre quand la santé du Châh fut portée par l'ambassadeur.

[blocks in formation]

C'est au camp d'Ispahan que nous avons vu, pour la première fois, une apparence d'armée, quelque chose ressemblant à des régiments. C'étaient des réunions d'hommes portant des habits à peu près de même couleur, qui tombent en lambeaux; avec une sorte de buffleterie jadis blanche, à laquelle pend un reste de fourreau de bayonnette. Ces soldats sont armés de fusils tous en mauvais état, la plupart sans pierre ou même sans batterie. Ils sont commandés par des officiers presque aussi misérables qu'eux, dont l'instruction militaire se borne à faire porter ou présenter les

armes.

L'armée permanente et régulière de Perse ne se compose que d'infanterie et d'artillerie. La cavalerie est irrégulière, à l'exception de celle que le Châh entretient auprès de sa personne. Elle consiste en quatre ou cinq mille goulams qui

lui font escorte en temps de paix et constituent, en temps de guerre, un corps de cavalerie spéciale et d'élite. Chaque fonctionnaire élevé, ou chaque khàn a également quelques cavaliers attachés à son service personnel. Mais ce sont plutôt des serviteurs, des domestiques, que de véritables soldats. Si la guerre survient, le Châh, avant d'entrer en campagne, fait appel à toutes les provinces de son empire, et, de toutes parts, il arrive à son camp des hommes montés et armés selon l'usage de leur pays. Les Kurdes ou les Arabes ont de grandes lances et des boucliers, les Persans de longs fusils, les Khorassaniens ou Turcomans des arcs. Cette multitude de volontaires, de tous costumes, diversement équipés et montés, compose une cavalerie plus pittoresque qu'utile; c'est une troupe de pillards, bonne pour inquiéter l'ennemi et porter la dévastation sur son territoire, plutôt que propre à mettre en ligne pour être opposée à une cavalerie régulière et disciplinée. Chaque individu de cette milice se bat pour son compte, à sa manière, avec ses ruses ou les avantages qui lui sont propres. Leur tactique est encore celle des Parthes, de combattre en fuyant; c'est-à-dire de tirer un coup de fusil ou une flèche en faisant volte-face.

Il faut néanmoins faire remarquer que ces troupes irrégulières ont certains avantages: d'abord, elles comptent pour près des trois quarts dans les forces militaires de la Perse. Elles sont généralement bien montées, et chaque homme, excellent cavalier, ne manque pas de courage personnel. Mais, malgré leurs qualités, ce qui empêche ces auxiliaires de pouvoir rendre des services efficaces, c'est qu'ils manquent totalement de discipline, et n'ont aucune idée de cette con

fiance et de cet appui mutuels que se prêtent des soldats disciplinés. Ils ne reçoivent pas de solde, ils doivent s'indemniser au moyen du butin fait sur l'ennemi. Ils se trouvent ainsi intéressés au succès de la guerre, et doivent, il est vrai, coopérer de tous leurs efforts à la victoire; mais que de fois n'est-il pas arrivé qu'ils se sont dédommagés, sur les pauvres habitants de la Perse même, de ce que l'ennemi ne leur avait pas permis de piller chez lui. Les cavaliers irréguliers doivent être nourris, ainsi que leurs chevaux, aux frais du roi, c'est-à-dire qu'ils le sont aux dépens des villages ou des villes qu'ils traversent. Ils cherchent tous leur subsistance dans la maraude, et l'on peut dire qu'ils traitent leur propre pays en pays conquis. Ces miliciens demeurent ordinairement à l'armée tant que la guerre dure. Cependant, comme ils n'ont contracté aucun engagement, et qu'ils servent de bonne volonté, il arrive quelquefois qu'ils retournent dans leurs foyers sans attendre la fin des événements qui les en ont fait sortir.

Indépendamment de cette cavalerie irrégulière qui porte le nom de Atli, les différentes provinces de Perse fournissent encore en temps de guerre, quelques milliers de Tuffekjis ou fusiliers qui composent une infanterie tout aussi peu astreinte aux lois de la discipline. L'armée persane était, à quelques exceptions près, constituée de cette manière, jusque dans les premières années de ce siècle. Dans celui qui l'a précédé, les Persans que le fanatisme religieux et le sentiment de la liberté avaient animés du désir de chasser les Affghans, oppresseurs de leur patrie, s'étaient groupés sous les drapeaux de Thamas-Kouli-Khân. Ils restèrent par У vouement à sa personne, lorsque, devenu Nadir-Châh, il les

« PreviousContinue »