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la montagne, dans la direction du nord-est, ont probablement une origine commune à celle de Yezid, car elles portent des inscriptions semblables.

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Tout cet ensemble de souvenirs de l'époque où s'étendait jusque-là, et plus loin encore, la puissance des khalifes, se trouve d'accord avec les traditions, car celles-ci rapportent que Rhey, où naquit le célèbre Haroun-el-Rechid, fut un des centres les plus considérables du vaste empire de ce Khalife. Certains écrivains prétendent même qu'elle fut sa résidence de prédilection.

Tchenghiz-Khân à qui on peut attribuer, à bon droit, une très-grande partie des ruines de ces contrées, passe pour avoir saccagé complétement cette ville qui, quoique déchue, avait jusque-là conservé de l'importance. On pense que les habitants de Rhey, obligés d'en abandonner les décombres, se seront portés vers Teheran pour y fonder une cité nouvelle.

Les ruines de Rhey s'étendent au pied de rochers âpres et sauvages dont les crêtes hérissées se dressent comme une muraille. On retrouve, sur leurs sommets, des vestiges de construction qui font penser qu'ils furent jadis utilisés pour la défense de la ville. A leur pied est une belle et abondante source d'eau qu'on appelle Tchechmèh-i-Ali, fontaine d'Ali. Elle forme un petit étang dont les eaux s'écoulent dans la plaine, et y sont divisées selon les besoins des irrigations. C'est comme une oasis dans ce désert brûlé par l'ardeur du soleil, où la vue se perd dans un horizon immense sans s'y reposer sur aucune végétation. Ce lieu est un but de promenade, et un rendez-vous pour les Téhérânis qui viennent y chercher un peu de fraîcheur, ou chasser au faucon dans les environs.

Un pauvre kalioundji vit là, comme un ermite, dans une maisonnette où il tient quelques pipes à la disposition des promeneurs.

Le site de Tchechmèh-i-Ali paraît avoir été fort goûté par le roi Fet-Ali-Châh, s'il faut en croire le grand bas-relief que ce prince y fit exécuter. Il est au-dessus de la source et sur les rochers taillés et préparés ad hoc. Il représente le monarque assis sur une espèce de trône, dans son costume royal. De chaque côté sont rangés les princes au nombre de quatorze. Dans un des compartiments formés par deux colonnes, on voit le roi en habit ordinaire, tenant un faucon sur son poing, sans doute en souvenir des chasses qu'il faisait dans la campagne de Rhey..

Si cette sculpture est un nouvel indice du goût naturel des Persans pour les arts du dessin, je suis obligé de convenir qu'elle n'en est pas un échantillon aussi satisfaisant que les peintures que j'ai citées précédemment.

On voit en ce lieu un second bas-relief sur le revers méridional d'une chaîne de rocs sauvages, au milieu des nids d'aigles et de vautours qui planent au-dessus. Ce tableau, situé à l'est des ruines de Rhey, représente encore Fet-Ali-Châh à cheval, terrassant un lion d'un coup de lance. Un vieillard, qui faisait partie de la cour du prince, m'a dit avoir été témoin du fait. Mais il faut se rappeler que les Persans aiment le merveilleux et se piquent très-peu de véracité.

Les voyageurs qui m'ont précédé racontent avoir vu, à cette même place, une sculpture de l'époque sassanide, et j'appris qu'en effet elle avait existé, mais que le roi Fet-Ali-Châh l'avait transformée en celle que l'on voit

actuellement. Il est fàcheux que ce monarque, qui avait du goût et qui aimait les arts, n'ait point respecté l'antiquité et n'ait pas jugé une autre place digne de porter son effigie.

A l'ouest des ruines de Rhey est le village de Châh-AbdoulAzim, au milieu duquel s'élève une grande mosquée. C'est un lieu de pèlerinage très-fréquenté, où les Persans viennent de fort loin faire leurs dévotions. Cet endroit est de plus le rendez-vous de toutes les cigognes qui s'abattent dans le pays. Elles ont, paraît-il, pris en affection les minarets, les coupoles, tous les toits de Châh-Abdoul-Azim, au point qu'on y compte des familles de ces oiseaux par centaines.

Dans une direction opposée, au nord-est, s'élève le pic de Demavend. Ce gigantesque cône, dont la glace est éternelle, s'aperçoit de très-loin. De quelque côté que vienne un voyageur, il peut, grâce à cette montagne, reconnaître la position de Téhérân. Bien que Ispahan soit à plus de cent lieues de cette ville, on peut, quand le temps est pur, voir sa cime blanche au-dessus des montagnes.

Les Persans ont des contes traditionnels absurdes qui se rapportent au Demavend. Le plus accrédité est celui de l'existence d'une plante qui ne croît que sur ses pentes, et produit de l'or. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c'est la teinte dorée que prennent les dents des moutons qui paissent sur cette montagne. Mais, au lieu de voir dans cette particularité un fait tout simple, résultant de la vertu colorante de l'herbe broutée par leurs troupeaux, les Persans, dans leur prédilection pour tout ce qui tient du merveilleux, ont préféré y voir l'indice du précieux métal. Quelques-uns, plus

crédules encore que les autres, ont la simplicité d'aller, avec les plus grandes peines, cueillir cette herbe pour en extraire les parties aurifères. Si j'ai entendu vanter la propriété singulière du Demavend, je n'ai pas ouï dire que personne y ait trouvé la fortune.

CHAPITRE XV.

Françaises établies à Téhéran

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Chyisme. - Fêtes religieuses.

Famille royale.
- Esprit du clergé. - Motifs du voyage du Châh à Ispahan.

Téhéran sert de résidence, je pourrais presque dire de prison, à un grand nombre de membres de la famille royale. Ce sont des Châh-Zadèhs, tous frères ou cousins de Mehemet-Châh. Pauvres, sans consistance politique et sans argent, ils vivent des aumônes du souverain, souvent même de celles que veulent bien leur faire les grands. C'est là une triste portion de l'héritage que légua à son successeur Fet-Ali-Châh, qui, jouissant pleinement et royalement de la liberté accordée par le Koran sur le nombre des femmes, en eut jusqu'à cinq ou six cents dans son harem, et laissa une progéniture masculine de soixante-dix princes. La politique ombrageuse du Châh et les événements qui s'étaient passés lors de son avénement au trône, ne lui permirent pas de conserver à ses oncles ou cousins la position que leur avait faite son grand-père, de qui ils tenaient le gouvernement de toutes les provinces ou villes importantes du royaume. Les

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