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d'une armée considérable, pour soutenir et venger le drapeau d'Omar. Cette guerre fut encore fatale à Tabriz qui tomba aux mains des Turcs. Ils n'y restèrent pas; mais, après s'y être chargés de butin, ils en emmenèrent trois mille familles d'artisans qu'ils transplantèrent dans l'Asie Mineure.

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Rentrée sous la domination du roi de Perse, elle ne tarda à retomber de nouveau au pouvoir du sultan de Constantinople, dont l'armée la pilla et la brûla, après l'avoir prise d'assaut. On raconte que tous les palais ou autres édifices furent rasés. Cependant Tabriz se souleva, massacra la garnison turque; mais, reprise par Osman, général et grand vizir d'Amurat, elle fut une dernière fois saccagée, et resta dix-huit ans sous le joug turc, jusqu'à ce qu'enfin ChâhAbbas-le-Grand en eût chassé pour toujours les Turcs, dans l'année 1603.

Depuis ce temps Tabriz resta à la Perse, mais ne fit que s'amoindrir. Déchue de son rang de capitale, elle avait vu les successeurs de Châh-Ismaïl transporter le siége de la monarchie d'abord à Cazbin, puis à Ispahan où il resta à peu près jusqu'au milieu du siècle dernier.

Si Tabriz n'a jamais, depuis, reconquis la première place dans le royaume, on peut dire qu'elle a du moins conservé la seconde. Sa position au centre d'une des plus grandes et des plus riches provinces de la Perse, sa proximité des frontières turque et russe, en feront toujours le siége du principal gouvernement d'Irân. Sous le règne de Fet-AliChâh, son fils Abbas-Mirza y avait placé son quartier général et sa base d'opérations contre les Russes. Il y trouvait en même temps de grandes ressources pour son armée et un

appui en cas de revers. Mais la fortune des armes ayant été contraire à ce jeune prince plein de patriotisme et de courage, tout ce qui resta à Tabriz, après la paix de Turkmântchaï, fut son commerce; il a toujours été trop important pour que cette grande ville n'y ait pas trouvé le moyen de soutenir son rang. Un prince de la famille royale y est Beglierbey, et il a sous ses ordres immédiats l'Emir-Nizam, ou le chef supérieur de l'armée, ainsi qu'un Serdar qui commande les forces militaires de la province.

J'ai dit que Tabriz et ses environs étaient habités par les tribus turques auxquelles fut donné le nom de Kizil-bach. De la réunion de ces diverses populations d'origine turcomane, il résulte que, dans l'Azerbaïdjan, la langue la plus généralement usitée n'est point le persan; c'est une sorte de dialecte qui tient à la fois du djagataï, ou langue turcomane, et du turc parlé à Stamboul ou dans l'Anatolie; ce langage s'étend jusqu'à Téhérân, où il se mêle au persan, avant de disparaître complétement, en descendant vers le sud où le farsi, c'est-à-dire le persan pur, est exclusivement usité.

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Le 8 février, tous bien remis des fatigues de la première partie de notre voyage, nous traversâmes les faubourgs à l'est de Tabriz, accompagnés de tous les Européens et des officiers que les Châh-Zadèhs avaient envoyés pour nous faire honneur à notre sortie de la ville. Nous nous mimes en route pour Téhéran, désireux de pénétrer plus avant dans cette Perse qui commençait à nous intéresser vivement, et dont la physionomie devait être, plus loin encore, plus caractérisée et plus curieuse à connaître. Nous allâmes coucher à Basmitch, grand village entouré de beaucoup de vergers, à quatre farsaks de Tabriz.

Le lendemain, sans nous arrêter au caravansérail que nous rencontrâmes, et qui paraissait avoir été un édifice remarquable par la solidité de sa construction et la grandeur de ses proportions, nous gravîmes une montagne assez difficile, mais peu élevée. Après en avoir descendu le versant oriental, nous atteignîmes Hadji-Aga, où nous devions passer la nuit.

Dans le voisinage de ce bourg est une maison de plaisance appartenant au prince gouverneur de l'Azerbaïdjân, et dans l'enceinte de laquelle se trouve une source d'eau sulfureuse, qui jouit d'une certaine réputation.

Le froid se soutenait toujours, et la neige couvrait tout le pays que nous traversions.

Le 10, nous eûmes à supporter la fureur d'un ouragan qui, en soulevant la neige, nous la fouettait avec force au visage. Nous nous rappelâmes les terribles scènes de Daar. Pourtant notre position n'était pas aussi déplorable.

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Au bout de quelques heures, la tourmente finit par s'apaiser, et nous arrivâmes à Tikmèdach, où les gens du Meïmandar avaient eu l'attention de faire préparer de grands feux de bois qui nous firent oublier nos souffrances. Le jour suivant le ciel s'était éclairci. Après une courte halte dans un caravansérail où nous déjeunàmes, nous allâmes coucher à Karatchumen. C'est un gros bourg, au fond d'une vallée étroite, où les logements nous rappelèrent les étables d'Arménie, dont les maisons plus soignées des Persans nous avaient fait perdre l'habitude.

Le temps s'était gâté, et nous partîmes de Karatchumen avec un brouillard épais qui nous glaçait en nous mouillant beaucoup. Ce jour-là nous rencontrâmes un tchapar, ou courrier, qui nous apprit que le Châh avait quitté Téhéran pour se rendre dans le sud.

Lorsque nous commençâmes à distinguer les maisons du village où nous devions nous arrêter, nous vîmes arriver une foule de paysans, précédée de danseurs et de musiciens en tête desquels un homme portait un agneau. Il le présenta à l'ambassadeur qui lui fit remettre quelque monnaie, et

aussitôt le malheureux animal fut égorgé de manière à ce que son sang ruisselât sous les pieds de nos chevaux. On prétend que cette coutume date du temps de Cyrus; considérée comme une des plus insignes marques d'honneur qu'on puisse rendre à un personnage, peut-être faut-il la faire remonter plus haut, et y voir le souvenir du sacrifice d'Abraham. Cet usage ne signifie en effet rien autre chose que le respect et le dévouement de celui qui répand le sang de la victime.

Nous nous trouvions au bourg de Turkman-tchaï, célèbre par le traité de paix qui y fut conclu, en 1827, par les plénipotentiaires russe et persan, à la suite de la guerre qui avait fait tomber entre les mains de la Russie toute la Géorgie. L'effet de ce traité, pour la Perse, fut de lui donner pour limite, du côté du nord, le fleuve Araxe, à partir du mont Ararat jusqu'à la mer Caspienne.

Le 13, après avoir suivi tantôt des collines âpres et difficiles, tantôt, au fond d'une vallée étroite, le cours d'une rivière que nous traversâmes plusieurs fois, nous mîmes pied à terre à Mianèh. C'est une petite ville de six à sept cents maisons, située dans une belle plaine entourée de montagnes. Deux rivières, qui ont leur confluent à très-peu de distance, arrosent le pays, et, en se répandant sur les terres basses qui les bordent, engraissent des pâturages étendus où paissent de nombreux troupeaux.

Le nom de Mianèh exprime sa position : il signifie mitoyen. On l'a donné à cette petite ville parce qu'elle est située à la limite des deux provinces d'Azerbaïdjan et d'Irak-Adjemi.

Nos guides nous avaient parlé de cet endroit comme étant funeste aux voyageurs par la piqûre d'une espèce d'araignées

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