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PIÈCE HISTORIQUE

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PIÈCE HISTORIQUE'.

DES ÉVÉNEMENTS DE CE SIÈCLE.

L'histoire qui nous apprend ce qui arrive dans le monde, nous montre également les grands événements et les médiocres. Cette confusion d'objets nous empesche souvent de discerner avec assez d'attention les choses extraordinaires qui sont enfermées dans le cours de chaque siècle. Celuy où nous vivons n'a rien produit à mon sens de plus singulier que les précédents. J'ai voulu en escrire quelques-uns pour les rendre plus remarquables aux personnes qui voudront y faire réflexion.

Marie de Médicis, reine de France, femme de Henry-le-Grand, fut mère du roy Louis XIII, de Gaston, fils de France, de la reine d'Espagne, de

1. Cette pièce est dans le même volume que les Réflexions précédentes.

la duchesse de Savoye et de la reyne d'Angleterre. Elle fut régente en France et gouverna son fils et son royaume plusieurs années. Elle esleva Armand de Richelieu à la dignité de cardinal elle le fit premier ministre, maistre de l'Estat et de l'esprit du roy. Elle avoit peu de vertus et peu de deffauts qui la dussent faire craindre. Et néantmoins, après tant d'éclat et de grandeur, cette princesse, veuve de Henri IV et mère de tant de roys, a esté arrestée prisonnière par le roy son fils, et par la troupe du cardinal de Richelieu qui lui devoit sa fortune. Elle a esté délaissée des autres roys ses enfants, qui n'ont osé mesme la recevoir dans leurs Estats, et elle est morte de misère et presque de faim à Cologne après une persécution de dix années.

Ange de Joyeuse, duc et pair, mareschal de France et admiral'; jeune, riche, galant et heureux, abandonna tant d'avantages pour se faire capucin. Après quelques années les besoins de l'Estat le rappelèrent au monde. Le pape le dispensa de ses vœux et lui ordonna d'accepter le commandement des

1. Henry de Joyeuse, fils de Guillaume, maréchal de France, né en 1567 il se distingua dans la carrière des armes et se fit capucin dans le mois qui suivit la mort de sa femme, sœur du duc d'Épernon (1587): en 1592 il céda aux prières de la noblesse du Languedoc qui le pressait de remplacer son frère à la tête des troupes catholiques; le pape le lui permit et, en 1596, il reçut le bâton de maréchal pour prix de son accommodement avec Henry IV. Il maria ensuite sa fille unique au duc de Montpensier et reprit en 1599 le froc. Il mourut, à Rivoli, le 27 septembre 1608.

armées du roy contre les huguenots. Il demeura quatre ans dans cet employ et se laissa entraîner aux mesmes passions pendant ce temps qui l'avoient agité pendant sa jeunesse. La guerre estant finie, il renonça une seconde fois au monde et reprit l'habit de capucin. Il vescut longtemps dans une vie sainte et religieuse, mais la vanité dont il avoit triomphé dans le milieu des grandeurs, triompha de luy dans le cloistre. Il fust eslu gardien du couvent de Paris et son élection estant contestée par quelques religieux, il s'exposa non-seulement à aller à Rome dans un âge avancé, à pied et malgré les autres incommodités d'un si pénible voyage, mais la mesme opposition des religieux s'estant renouvelée à son retour, il repartit une seconde fois pour retourner à Rome soutenir un intérest si peu digne de luy, et il mourut en chemin, de fatigue, de chagrin et de vieillesse.

Trois hommes de qualité, Portugais, suivis de dix-sept de leurs amis, entreprirent la révolte du Portugal et des Indes qui en dépendent, sans concert avec le peuple, ny avec les estrangers, et sans intelligence dans la place. Ce petit nombre de conjurés se rendit maistre du palais de Lisbonne, en chassa la douairière de Mantoue, régente pour le roy d'Espagne et fit soulever tout le royaume. Il ne périt dans ce désordre que Vasconchellos, ministre d'Espagne et deux de ses domestiques. Un si grand changement se fit en faveur du duc de Bragance et

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