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SUR

LA BRUYÈRE

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MALEBRANCHE

PAR

Auguste DAMIEN

PROFESSEUR SUPPLEANT DE LITTÉRATURE FRANÇAISE
A LA FACULTÉ DES LETTRES DE CLERMONT

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Excès de

De l'admiration pour les anciens. l'admiration. Rapprochements entre La Bruyère & divers écrivains. — Effets & excès de l'imagination. - De la conversation. Des auteurs. De la nouveauté. Vues politiques de Malebranche & de La Bruyère. — Causes & effets de la hiérarchie sociale. Résistance intéressée de l'homme à la vérité. — Mépris injuste de l'homme pour certains êtres. Des passions.

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Incompatibilité appa

De l'intérêt. Influence

des lieux & des climats. De la vanité. De la vanité

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La Bruyère, en désignant Malebranche parmi les écrivains qui ont blâmé Montaigne, l'accuse de penser << 1 trop subtilement pour s'accommoder de pensées qui sont naturelles. » Il trouve sa «< 2 philosophie subtile, idéale, vaine et inutile pour expliquer des

Des ouvrages de l'esprit, XLIV (Éd. Walckenaer).

Des esprits forts, xxiii.

choses qui »> peuvent «< être connues jusques à un certain point, et qui au delà sont inexplicables. Quelle que soit la justesse de ces critiques, Malebranche a exercé sur La Bruyère une influence qu'on n'a pas encore remarquée1. Celui-ci a développé, résumé, contredit, modifié divers passages de celui-là. On le voit dès le début du livre des Caractères.

« Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes, et qui pensent. Sur ce qui concerne les mœurs, le plus beau et le meilleur est enlevé; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes 2. >>>

Longtemps auparavant Malebranche avait écrit : «< 3 Il n'y a point de science qui ait tant de rapport à nous que la morale... Cependant il y a six mille

'Ont paru pour la première fois: La Recherche de la vérité de Malebranche, en 1675; son Traité de morale, en 1684; les Caractères de La Bruyère, en 1688. 2 Des ouvrages de l'esprit, 1. Recherche de la vérité, IV, 2, $ 3. « Si l'on juge par le passé de l'avenir, dit La Bruyère (Des jugements, vii), quelles choses nouvelles nous sont inconnues dans les arts, dans les sciences, dans la nature, et j'ose dire dans l'histoire! quelles découvertes ne fera-t-on point? quelles différentes révolutions ne doivent pas arriver sur toute la face de la terre dans les États et dans les empires? Quelle ignorance est la nôtre, et quelle légère expérience que celle de six ou sept mille ans ! » Le même homme qui a vu par la pensée le champ en quelque sorte illimité qui est ouvert aux progrès de l'esprit humain, a repoussé avec une piquante énergie les contempteurs des anciens et accueilli avec une respecLueuse reconnaissance les ouvrages de l'antiquité sur les mœurs.

ans qu'il y a des hommes, et cette science est encore fort imparfaite. »

D

Plein d'un dédain raisonné pour les doctrines de la philosophie ancienne, Malebranche est moins sensible aux beautés littéraires des écrivains de l'antiquité qu'aux découvertes de la science moderne. Son génie, tout fécond qu'il est, ne tient pas un compte suffisant de l'étude des lettres et des lois auxquelles est soumise la culture de l'âme humaine. Il a cela de commun avec certains esprits, que l'amour de la vérité scientifique rend exclusifs et éloigne de tout ce qui est en dehors de son domaine. Son système d'éducation, contraire à celui que l'expérience des siècles a consacré, devance à certains égards' l'Émile de Rousseau. Des principes vrais s'y mêlent à des paradoxes.

Il prescrit de « ne point charger la mémoire des enfants de mille faits peu utiles, mais de leur faire clairement comprendre les principes certains des sciences solides, de les accoutumer à contempler les idées claires, et surtout à distinguer l'âme du corps2.>>

'Livre : « On sera surpris que je compte l'étude des langues au nombre des inutilités de l'éducation; mais on se souviendra que je ne parle ici que des études du premier âge; et, quoi qu'on puisse dire, je ne crois pas que jusqu'à l'âge de douze ou quinze ans, nul enfant (les prodiges à part) ait jamais vraiment appris deux langues. >>

'Traité de morale, e partie, 10, $ 10, 11, 15, 14, 15.

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