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Etats-Unis, la France. Sans être d'une très-grande indulgence pour notre pays, il juge sévèrement ce qu'il y a d'in- . suffisant dans la conception de l'Etat, dans l'Amérique du Nord et même en Grande-Bretagne. Il y trouve les mœurs plus oppressives et l'opinion plus intolérante que les lois n'y sont libérales. Les lois même ont plus en vue, selon lui, l'intérêt collectif que le ménagement scrupuleux des individus. Il en cite des exemples. Le nombre des fonctions gratuites et obligatoires lui paraît excessif dans ces pays. L'individu acheteur, consommateur, y est sacrifié, surtout aux Etats-Unis, à l'individu vendeur, producteur. On n'entrave pas la liberté de celui qui veut être médecin, avocat, négociant, par des mesures d'autorisation préalable ou de règlements, mais on sacrifie souvent à l'ignorance, à l'immoralité, la sécurité et la liberté d'une partie nombreuse du public. Il résulte de cette conception de l'Etat trop négative et peu protectrice des faibles un grand élan de la production, un essor puissant de toutes les forces vives, un développement considérable dans le sens purement utilitaire; mais dans cette marche en avant, la conscience, la liberté de fait reçoivent une multitude d'atteintes. C'est là l'utilitarisme social, selon M. Rivet.

Je n'ai pas essayé de reproduire d'une manière complète le tableau des trois sociétés tracé par M. Rivet, non plus que je n'ai prétendu en garantir la parfaite exactitude. Si quelques-uns des exemples que l'auteur invoque pour critiquer la Grande-Bretagne et l'Amérique du Nord, donnent raison à sa thèse, il en est d'autres qui paraissent fort contestables et qu'il interprète arbitrairement au profit de son opinion et de ses préférences. Il me suffit d'avoir indiqué l'intérêt d'une telle étude, sans prétendre entrer dans l'examen d'un parallèle encore plus difficile qu'instructif entre trois grands

pays, et dans lequel il faudrait, selon moi, procéder par nuances délicates beaucoup plus que par ces opinions tranchantes pui compensent trop souvent l'avantage de simplifier tout par l'inconvénient de ne rien résoudre. C'est le mérite du livre dont je viens de parler de provoquer à penser, soit qu'on y rencontre les vues les plus justes, soit qu'on y trouve matière sérieuse à objection. La voie suivie par l'auteur est une voie sévère. Il y marche, aidé du seul amour de la vérité et de l'étude, sans prétendre à la popularité du succès. Ce qu'il y déploie de recherches, de lectures étendues, de réflexions, mérite d'être encouragé. Son ouvrage atteste un esprit consciencieux et chercheur, qui pense par lui-même, avec plus de curiosité et d'élévation que de sûreté peut-être. Tout en le critiquaut sur plus d'un point, j'ai cru remplir un devoir en le présentant à l'Académie, disposée à faire accueil à tout ouvrage qui témoigne d'un sérieux effort de travail et d'intelligence.

H. BAUDRILLART.

SUR LES PROPORTIONS SUCCESSIVES

DES PROTESTANTS ET DES CATHOLIQUES EN ALSACE

DEPUIS DEUX SIÈCLES ET DEMI.

M. le baron Charles DUPIN : Je désire signaler à l'Académie un résultat statistique dont l'importance devient extrême par la cession récente et déplorable de l'Alsace aux Allemands.

Je veux constater les changements énormes qui se sont opérés dans les nombres respectifs de protestants et de catholiques qu'a présentés successivement cette grande province.

Lorsqu'en 1648, eut lieu la réunion de ce pays à la France, on peut affirmer qu'il ne contenait pas de catholiques. Il y avait quelques juifs; presque tous les habitants adhéraient à la célèbre confession d'Augsbourg; ils étaient luthériens. On comptait seulement quelques calvinistes dans la partie du Haut-Rhin la plus rapprochée de Genève.

Il y a 16 ans pour la première fois, le Gouvernement français eut l'heureuse idée d'adjoindre au dénombrement quinquennal dans tous nos départements, le nombre des individus qui professent chacun des cultes reconnus.

Par une bizarrerie singulière, ce dénombrement opéré, le gouvernement, j'ignore pour quel motif, défendit qu'on le publiât.

Cinq ans plus tard, en 1861, il n'eut pas les mêmes appréhensions et permit qu'on publiât, pour chaque département, l'énumération des personnes attachées aux divers cultes

reconnus.

:

Tout le monde fut étonné du petit nombre de personnes qui professaient d'autres religions que la religion catholique. De nombreuses réclamations se firent entendre et surtout en Alsace, où l'on se plaignait d'un côté, que des protestants peu zélés eussent négligé de déclarer leur croyance; de l'autre côté, des insinuations peu bienveillantes dirigeaient la suspicion contre la bonne foi des personnes auxquelles on avait confié les recensements.

Il en résulta qu'un contrôle très-réel fut exercé cinq ans plus tard par les citoyens de diverses croyances, afin d'arriver à la sincérité, et par suite à la vérité du dénombrement.

Les résultats incontestés de ce dernier dénombrement sont les seuls dont je crois devoir entretenir l'Académie.

Pour la France entière on constata que sur 10,000 habitants il y avait :

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Naturellement ce genre de proportions différait beaucoup suivant les diverses régions de la France. Ici je veux parler seulement de l'Alsace, et pour simplifier, je réunis en un seul groupe les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin qui la composent.

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