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tous dans la zone découverte où se promène le Doubs beaucoup habitent leur propre maison, d'où il suit que le salaire, après avoir fourni aux besoins, représente pour beaucoup de ménages un supplément et une réserve, et que, sans exagérer les choses, cette population prise en masse et, les exceptions écartées, vit dans une condition heureuse.

Il faut ajouter, pour que ce tableau soit complet, que c'est une population instruite. On y retrouve le chiffre d'un élève sur cinq habitants qui est la proportion la plus avantageuse que fournissent nos provinces et qui atteint celle de la Suisse. Il n'a pas tenu aux entrepreneurs de Fraisans que cette proportion ne fût accrue. Ils ont fait de grands efforts et de notables dépenses pour accroître le personnel et le matériel de l'enseignement dans le ressort où s'exerce leur influence. Il ont construit et doté un ensemble de maisons d'école qui sont à la fois une parure pour le bourg et un grand moyen d'amélioration pour les mœurs locales. Les sexes y sont séparés dès le plus bas âge; il y a école de garçons et école de filles, bien distinctes et qui ne se confondent jamais. Chaque école est accompagnée d'un large préau, qu'entourent des grilles; l'ensemble forme une suite de bâtiments isolés qui ont un découvert sur la campagne, et qui sont abondamment baignés d'air et de lumière. Rien n'a été épargné pour que cès établissements eussent de bons maîtres et fussent pourvus des meilleures méthodes. La caisse de la compagnie s'y est largement prêtée et cet

ensemble de maisons d'école figure au chapitre de ses dépenses pour plusieurs centaines de mille francs. De tels actes honorent une administration et laissent dans une contrée des traces durables.

Ainsi Fraisans est, pour ainsi dire, le reliquat d'un certain nombre de petites usines qui, en Franche-Comté, n'ont pu résister au choc des grands établissements, et se sont ligués soit pour s'égaler à eux, soit pour les combattre à armes égales. Comme symptôme général, c'est là un fait qui donne à réfléchir. Une révolution analogue s'opère dans l'industrie du coton où les ateliers de 20,000 à 35,000 broches sont successivement mis hors de combat par des établissements qui n'ont pour cela qu'un seul moyen d'action, une exagération de puissance. Le même spectacle s'est produit autour de nous avec une évidence qui frappe les yeux, celui des magasins de nouveauté peu å peu convertis en bazars. C'est toujours et partout le même système d'écrasement des petits par les grands, des faibles par les forts. Est-ce là un progrès, une marche en avant, le signe d'une civilisation qui s'améliore? L'hésitation est au moins permise. Que ces concentrations soient un moyen de faire porter sur une plus grande masse d'affaires la charge des frais génénéraux, c'est incontestatable, et c'est évidemment ce qu'on y gagne, mais il faut voir aussi ce qu'on y perd. On y perd, à un degré non moins certain, le bénéfice de la surveillance individuelle, le soin attentif donné au produit, les relations entre l'acheteur et le vendeur qui s'altèrent dans une sorte de promiscuité; enfin le senti

ment de la responsabilité qui s'engourdit dans un rôle mal déterminé et dans le tumulte d'obligations devenues presque insaisissables.

Comment y obvier? c'est difficile pour ne pas dire impossible; on ne remonte pas de tels courants. Si c'était un mal qui nous fût propre, peut-être avec cette mobilité qui tantôt nous égare et tantôt nous préserve, en serions-nous promptement délivrés, mais c'est un mal d'imitation, le pire et le plus opiniâtre des maux. L'exemple de ces grandes concentrations d'industrie et de commerce nous est venu de l'Angleterre et des États-Unis où elles ont des proportions dont les nôtres sont loin d'approcher. C'est par cent mille et plus que l'on compte le nombre des broches dans les filatures anglaises et américaines, c'est un demi-million de tonnes à peu près tant en fonte qu'en fer que produisent dans les deux États les usines qui y tiennent le premier rang. Comme nous et avant nous, ces nations essentiellement manufacturières ont donc émondé l'arbre avec l'espoir de lui faire porter de meilleurs fruits. Au dehors et au dedans, l'expérience suit son cours; les petits établissements tombent devant les grands, les exécutions se succèdent et des événements comme ceux qui nous foudroient sont de nature à les précipiter. Avant peu, on verra mieux ce qui reste debout au milieu de cette reconstitution, ce qui est viable et ce qui ne l'est plus. Tous les effets possibles auront été produits.

Les réactions, s'il y a lieu, ne viendront qu'alors. Toujours les excès en engendrent; c'est une loi d'ordre

à laquelle le monde obéit bon gré mal gré. Déjà, dans l'industrie du fer, on peut en apercevoir des symptômes. Après avoir visé seulement aux quantités on commence à viser à plus de perfection. On a demandé à l'Algérie des minerais qui, amalgamés avec ceux que notre sol fournit, donnent des produits vraiment supérieurs. On a employé le manganèse qui, par effet d'affinités chimiques, donne au métal une meilleure trempe. On a enfin, et c'est une véritable découverte, doté l'art métallurgique d'une composition nouvelle, l'acier fondu, dont on a pu voir, dans les canons prussiens, le degré d'action et de résistance, et qui, appliqué aux voies des chemins de fer, rend des services de solidité et de durée qu'une civilisation vraiment humaine peut avouer plus hautement. Voilà les premiers gages d'un retour que cette révolution économique imprime graduellement à ses actes. Il est à croire qu'elle poursuivra, dans ce dernier sens, la réparation des ruines qu'elle aura faites et du trouble qu'elle a porté dans les habitudes.

Louis REYBAUD.

MEMOIRE SUR LE DHAMMAPADA

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LE CHEMIN DE LA VERTU

Nous devons savoir beaucoup de gré à M. Max-Müller de s'être détourné quelque temps de ses belles études sur le RigVéda pour nous donner cet ouvrage en collaboration avec M. le capitaine du génie Rogers. Non-seulement M. MaxMüller a fait la moitié du volume à peu près; mais, en outre, ce volume n'aurait pas paru sans son intervention, et nous eussions été privés, peut-être pour longtemps encore, de documents fort intéressants sur le bouddhisme du Sud, qui tient une si grande place dans l'histoire générale du bouddhisme indien.

M. le capitaine T. Rogers, du corps royal des ingénieurs, est un de ces officiers comme l'armée anglaise en compte en assez grand nombre, qui, tout en remplissant leur service spécial, n'oublient pas la science et qui, pour la servir, ne négligent aucune des occasions que les circonstances leur présentent (1). Le capitaine T. Rogers est un exemple de

(1) Il suffit de jeter les yeux sur les journaux, sur les revues et sur les recueils scientifiques de tout genre qui se publient dans l'Inde, pour voir quelle part active les officiers de l'armée et les fonctionnaires civils prennent à toutes les recherches, soit d'ethno

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