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GRANDS ÉCRIVAINS FRANÇAIS

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mourir. Il écrivit différents ouvrages religieux; le plus important n'a jamais été terminé. Il a été recueilli après sa mort par ses amis et publié sous le titre de Pensées.' En voici quelques-unes:

'L'homme n'est qu'un roseau le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser; une vapeur, une goutte d'eau suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt; et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien.

Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever, non de l'espace et de la durée.

L'homme est si grand que sa grandeur paraît même en ce qu'il se connaît misérable.

Malgré la vue de toutes nos misères qui nous touchent et qui nous tiennent à la gorge, nous avons un instinct, que nous ne pouvons réprimer, qui nous élève.

Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n'obéit qu'à cause qu'il les croit justes. C'est pourquoi il lui faut dire en même temps qu'il y faut obéir, parce qu'elles sont lois, comme il faut obéir aux supérieurs, non parce qu'ils sont justes, mais parce qu'ils sont supérieurs. Par là toute sédition est prévenue, si on peut faire entendre cela. Voilà tout ce que c'est proprement que la définition de la justice.

Les belles actions cachées sont les plus estimables. Quand j'en vois quelques-unes dans l'histoire, elles me plaisent fort. Mais, enfin, elles n'ont pas été tout a fait cachées, puisqu'elles ont été sues: ce peu, par où elles ont paru, en diminue le mérite; car c'est là le plus beau, de les avoir voulu cacher.

Rien n'est plus étrange dans la nature de l'homme que les contrariétés que l'on y découvre à l'égard de toutes choses. Il est fait pour connaître la vérité, il la désire ardemment, il la cherche.'

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Les Pensées' de Pascal sont traduites en plusieurs langues et sont un des plus beaux ouvrages qui existent.

3. L'ACADÉMIE FRANÇAISE (1635).—LA TRAGÉDIE: CORNEILLE (1606-1684).

Les savants et tous ceux qui s'intéressaient à leurs œuvres et aimaient à les discuter, se réunissaient à jour fixc chez l'un ou l'autre d'entre eux.

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il offrit aux savants de former un corps qui jugerait tous les écrits et surtout travaillerait à rendre la langue française pure et élégante.

Quarante membres furent élus et formèrent ce qui s'appelle l'Académie française. Ils firent un dictionnaire spécial, une grammaire, et imposerènt des règles sur la manière d'écrire. Richelieu inaugura l'Académie française avec une grande solennité et aujourd'hui les savants considèrent comme le plus grand honneur d'y être admis.

LA TRAGÉDIE: PIERRE CORNEILLE (1606-1684)

Le plus grand écrivain qui vivait au moment de la fondation de l'Académie française était Pierre Corneille, qu'on n'appelle pas autrement que 'le

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grand Corneille.'

Napoléon disait que s'il avait vécu de son temps il l'aurait fait prince.

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PIERRE CORNEILLE.

Il écrivait pour se distraire et tout jeune encore il fit imprimer une pièce qui eut beaucoup de succès. Cela lui donna du courage et quelques années après il publia sa belle tragédie du Cid.

Corneille a dépeint les hommes meilleurs qu'on ne les rencontre d'ordinaire. Ses héros font tous des choses difficiles et très pénibles pour accomplir leur devoir, mais il ne leur vient pas à l'idée de reculer; ce qui a fait dire de Corneille qu'il a peint les hommes plus grands que nature.'

Le Cid (1636).

A l'époque reculée où se passe l'histoire, vivaient en Castille deux seigneurs puissants: Don Diègue, qui avait vieilli ay service du roi et s'était rendu célèbre dans les batailles, et

Don Gomès, comte de Gormas, brave guerrier encore jeune. Ils aspiraient tous deux à l'honneur d'être précepteur du prince royal; Don Gomès, jugeant son ami beaucoup trop vieux, était sûr d'être nommé; mais quelle ne fut pas sa stupéfaction en apprenant que son ami avait été choisi.

Le jour où cette décision avait été prise, Don Diègue arriva chez le Comte; ignorant sa colère, il venait lui demander la main de sa fille, Chimène, pour son fils Rodrigue.

LE COMTE, DON DIÈGUE.

LE COMTE.

Enfin vous l'emportez, et la faveur du roi
Vous élève en un rang qui n'était dû qu'à moi :
Il vous fait gouverneur du prince de Castille.

DON DIÈGUE.

Cette marque d'honneur qu'il met dans ma famille
Montre à tous qu'il est juste et fait connaître assez
Qu'il sait récompenser les services passés.

LE COMTE.

Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes,
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes;

Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans

Qu'ils savent mal payer les services présents.

DON DIÈGUE.

Ne parlons plus d'un choix dont votre esprit s'irrite:
La faveur l'a pu faire autant que le mérite.
Mais on doit ce respect au pouvoir absolu,
De n'examiner rien quand un roi l'a voulu.
A l'honneur qu'il m'a fait ajoutez-en un autre,
Joignons d'un sacré nœud ma maison à la vôtre,
Vouz n'avez qu'une fille, et moi je n'ai qu'un fils:
Leur hymen nous peut rendre à jamais plus qu'amis :
Faites-nous cette grâce, et l'acceptez pour gendre.

LE COMTE.

A des partis plus hauts ce beau fils doit prétendre.
Et le nouvel éclat de votre dignité

Lui doit enfler le cœur d'une autre vanité.

GRANDS ÉCRIVAINS FRANÇAIS
Exercez-la, monsieur, et gouvernez le prince;
Montrez-lui comme il faut régir une province,
Faire trembler partout les peuples sous sa loi,
Remplir les bons d'amour et les méchants d'effroi:
Joignez à ces vertus celles d'un capitaine :
Montrez-lui comme il faut s'endurcir à la peine,
Dans le métier de Mars le rendre sans égal,
Passer les jours entiers et les nuits à cheval,
Reposer tout armé, forcer une muraille,

Et ne devoir qu'à soi le gain d'une bataille;
Instruisez-le d'exemple, et rendez-le parfait,
Expliquant à ses yeux vos leçons par l'effet.
DON DIÈGUE.

Pour s'instruire d'exemple, en dépit de l'envie,
Il lira seulement l'histoire de ma vie.
Là dans un long tissu de belles actions,
Il verra comme il faut dompter les nations,
Attaquer une place, ordonner une armée,
Et sur de grands exploits bâtir sa renommée.

LE COMTE.

Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir.
Un prince dans un livre apprend mal son devoir.
Et qu'a fait après tout ce grand nombre d'années
Que ne puisse égaler une de mes journées!
Si vous fûtes vaillant, je le suis aujourd'hui ;
Et ce bras du royaume est le plus ferme appui.
Grenade et l'Aragon tremblent quand ce fer brille ;
Mon nom sert de rempart à toute la Castille :
Sans moi, vous passeriez bientôt sous d'autres lois,
Et vous auriez bientôt vos ennemis pour rois.
Chaque jour, chaque instant, pour rehausser ma gloire
Met laurier sur laurier, victoire sur victoire.
Le prince, à mes côtés, ferait dans les combats
L'essai de son courage à l'ombre de mon bras;
Il apprendrait à vaincre en me regardant faire.
Et pour répondre en hâte à son grand caractère,
Il verrait

DON DIÈGUE.

Je le sais; vous servez bien le roi,

Je vous ai vu combattre et commander sous moi:

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