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Le marchand parut aussitôt, mais, charmé de retrouver son argent, il aurait voulu se dégager de sa promesse. Ne pouvant le faire sans quelque prétexte, il eut recours au mensonge. Avec les deux cents pièces d'or, il prétendait qu'il y avait dans la bourse une très-belle émeraude, qu'il redemanda au matelot, qui prit le ciel et le prophète à témoin qu'il n'avait point trouvé d'émeraude. Cependant il fut conduit devant le cadi, avec une accusation de vol. Soit injustice ou négligence, le juge déchargea à la vérité le matelot du crime de vol; mais, lui reprochant d'avoir perdu par sa faute un bijou précieux, il le força de rendre les deux cents pièces d'or au marchand, sans en tirer la récompense promise.

Une sentence si dure ruinant tout à la fois l'espérance et l'honneur du pauvre matelot, il en porta sa plainte au visir, qui la jugea digne de son attention. Toutes les parties furent assignées devant lui. Après avoir entendu le marchand, il demanda au crieur ce qu'il avait reçu ordre de publier. Celui-ci ayant déclaré ingénument qu'on ne lui avait parlé que de deux cents pièces d'or, le marchand se hâta d'ajouter, que, s'il n'avait pas nommé l'émeraude, c'était dans la crainte que, la bourse tombant entre les mains de quelque ignorant qui n'aurait pas connu la valeur de ce bijou, il n'eut été engagé de le garder en apercevant qu'il était d'un grand prix.

D'un autre côté le matelot fit serment qu'il n'avait trouvé dans la bourse que les deux cents pièces d'or.

Enfin, le visir rendit cette sentence: "Puisque le marchand a perdu une émeraude avec deux cents pièces d'or, et que le matelot jure que dans la bourse qu'il a trouvée il n'y avait point d'émeraude, il est manifeste que la bourse et l'or que le matelot a trouvés ne sont point ce que le marchand a perdu : c'est un autre qui a fait cette perte. Que le marchand continue donc à faire crier son or et son émeraude, jusqu'à ce qu'ils lui soient rapportés par quelque personne qui ait la crainte de Dieu.

"Quant au matelot, il gardera pendant quarante jours l'or qu'il a trouvé; et, si celui qui l'a perdu ne se présente pas dans cet espace, il en jouira légitimement comme d'un bien qui est à lui.”

QUESTIONNAIRE.

1. Que perdit un marchand turc?-2. Combien contenait-elle ? -3. A qui s'adressa-t-il ?—4. Que lui ordonna-t-il ?—5. Que promettait-il à celui qui la trouverait ?-6. Où était-elle tombée ? 7. Que préféra le matelot?-8. Que dit un article de l'Alcoran à ce sujet?-9. Que fait donc le matelot?-10. Qu'offre-t-il au crieur?-11. A quelle condition?-12. Qui est-ce qui fut charmé? -13. De quoi fut-il charmé ?-14. Qu'aurait-il désiré ?—15. A quoi eut-il recours?-16. Que prétendait-il?-17. A qui la redemanda-t-il ?-18. Que fit le matelot?-19. De quoi prit-il le prophète à témoin ?—20. Où fut-il conduit?-21. De quoi le Cadi le déchargea-t-il ?-22. Que lui reprocha-t-il ?-23. Que le força-t-il de rendre?-24. De quoi peut-on accuser le Cadi?— 25. Qu'est-ce que cette sentence ruinait?-26. A qui le matelot porta-t-il plainte ?-27. De quoi la jugea-t-il digne ?-28. Que demanda-t-il au crieur?-29. Quelle fut la déclaration du crieur?

-30. Qu'ajouta le marchand?-31. Quel serment fit le matelot? -32. Quelle sentence rendit le visir?-33. Que conseilla-t-il au marchand?-34. Qu'est-ce que le matelot devait garder? -35. Combien de temps?-36. Quelle condition devait le rendre légitime propriétaire de l'or?

XVIII.

LADY NITHISDALE.

Après l'entreprise malheureuse du roi Jacques pour remonter sur le trône d'Angleterre, les seigneurs_anglais qui avaient embrassé son parti furent condamnés à périr par la main du bourreau. Ils furent exécutés le 16 Mars 1716.

Le Lord Nithisdale devait subir le même sort; mais il se sauva par la tendresse ingénieuse de son épouse. On avait permis aux femmes de voir leurs maris la veille de leur mort, pour leur faire les derniers adieux.

Milady Nithisdale entre dans la Tour, appuyée sur deux femmes de chambre un mouchoir devant les yeux, et dans l'attitude d'une femme désolée.

Lorsqu'elle fut dans la prison, elle engagea le lord, qui était de la même taille qu'elle, de changer d'habits, et de sortir dans la même attitude qu'elle avait en entrant. Elle ajouta que son carrosse le conduirait au bord de la Tamise, où il trouverait un bateau qui le mènerait sur un navire prêt à faire voile pour la France.

Le stratagème s'exécuta heureusement. Milord Nithisdale disparut, et arriva, à trois heures du matin, à Calais. En mettant pied à terre il fit un saut, en s'écriant: "Dieu, soit loué! me voilà sauvé !" Ce transport le décela, mais il n'était plus_au pouvoir de ses_ennemis.

Le lendemain matin on_envoya un ministre pour préparer le prisonnier à la mort. Ce ministre fut étrangement surpris de trouver une femme_au lieu d'un homme. La nouvelle s'en répandit dans le moment. Le lieutenant de la Tour consulta la cour pour savoir ce qu'il devait faire de Milady Nithisdale. Il reçut ordre de la mettre en liberté, et elle alla rejoindre son mari en France.

QUESTIONNAIRE.

1. Qu'entreprit le roi Jacques?-2. Réussit-il?-3. Qui est-ce qui avait embrassé son parti?-4. A quoi furent-ils condamnés ?-5. A quelle époque furent-ils exécutés ?-6. Qui devait subir le même sort ?-7. Par qui fut-il sauvé?-8. Qu' avait-on permis aux femmes ?-9. Où Lady Nithisdale entra-telle ?-10. Comment y entra-t-elle ?-11. Dans quelle attitude ?— 12. Qui était de sa taille ?-13. Que lui conseilla-t-elle ?—14. Où son carosse devait-il le conduire ?-15. Que devait-il trouver au bord de la Tamise ?-16. Où devait le conduire ce bateau ?17. Comment s'exécuta le stratagème ?-18. Qui est-ce qui disparut -19. Quand arriva-t-il à Calais ?-20. Que dit-il en mettant pied à terre ?-21. Qui envoya-t-on à la prison le lendemain ?-22. Que devait-il faire ?-23. De quoi ce ministre fut-il surpris ?-24. Qui est-ce qui consulta la cour ?—25. Pour quoi la consulta-t-il ?-26. Quel ordre reçut-il ?-27 Où alla Lady Nithisdale?

XIX.

MARIE DE REIGESBERG, EPOUSE DE GROTIUS.

Le célèbre Grotius ayant été condamné à une prison perpétuelle, fut enfermé au château de Louvestein. La femme de ce savant républicain, qui l'y avait suivi, s'illustra par son amour et par une ruse que sa tendresse lui suggéra.

Grotius travaillait aux ouvrages qui lui ont acquis tant de réputation. Il avait besoin d'une grande quantité de livres : il obtint la permission d'emprunter tous ceux qu'il demandait. Il les envoyait chercher dans une caisse fort grande, dans laquelle il faisait mettre aussi son linge et celui de sa femme. Quand il_avait fait_usage de ces livres, on les reportait, et on lui en donnait de nouveaux.

Après y avoir souffert un traitement rigoureux pendant plus d'un an et demi, Marie de Reigesberg, son épouse, s'étant aperçue que les gardes, ennuyés de ne trouver dans cette caisse que des livres et du linge, ne la fouillaient plus, engagea Grotius à se mettre dans la caisse à la place des livres, ayant fait des trous à l'endroit où il y avait le devant de la tête, afin qu'il pût respirer. Il y consentit. Deux jours avant l'exécution de ce projet, cette femme adroite le fit rester auprès de son feu, dans un fauteuil, et parut fort affligée de la maladie de son mari.

Au jour marqué pour venir prendre les livres, ayant fait mettre Grotius dans la caisse, elle tint les rideaux

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