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Sois humble! que t'importe
Le riche et le puissant!
Un souffle les emporte,

La force la plus forte
C'est un cœur innocent!

Bien souvent Dieu repousse
Du pied les hautes tours;
Mais dans le nid de mousse
Où chante une voix douce
Il regarde toujours.

O ma fille! âme heureuse !

O lac de pureté !

Dans la vallée ombreuse,

Reste où ton Dieu te creuse

Un lit plus abrité !

Lac que le ciel parfume!

Le monde est une mer;

Son souffle est plein de brume, Un peu de son écume

Rendrait ton flot amer.

Reste à la solitude!
Reste à la pauvreté !
Vis sans inquiétude !
Et ne te fais étude

Que de l'éternité.

Victor Hugo.

LE PAYS NATAL.

Il est un pays fortuné;

Un doux ciel rit à ses campagnes,
Et d'un beau lac son sol baigné
S'appuie à de blanches montagnes :
Vraie image d'un paradis,
C'est mon pays, mon cher pays!

Là mon enfance a pris l'essor,
De mon aïeul là dort la cendre ;
Là ma mère possède encor
Un bon père, une mère tendre.
Combien d'attraits tu réunis,
O mon pays, mon cher

pays

!

Là des soins tendres, maternels,
Sont prodigués à ma faiblesse ;
De mes intérêts éternels

C'est là qu'on instruit ma jeunesse.
Oh! combien mes jours sont bénis
Dans mon pays, mon cher pays!

Loin de toi s'il faut me bannir,
Je garde, ô terre de mes pères !
Dans mon cœur ton doux souvenir,
Et ton doux nom dans mes prières.
Oui, je prierai pour tous tes fils,
O mon pays, mon cher pays!

Que par les soins de l'Éternel.
Ta terre soit fertilisée !

Et que la parole du ciel

Y pleuve comme une rosée !
Sois d'avance un vrai paradis,

O mon pays, mon cher pays !—A. Vinet

LA LIBERTÉ.

Remplis seule aujourd'hui ma pensée et mes vers,
Toi qui naquis le jour où naquit l'univers,
Liberté ! premier don qu'un Dieu fit à la terre,
Qui marquas l'homme enfant d'un divin caractère,
Et qui fis reculer à son premier aspect,

Les animaux tremblants d'un sublime respect;
Don plus doux que le jour, plus brillant que la flamme,
Air pur, air éternel qui fait respirer l'âme !

Trop souvent les mortels, du ciel même jaloux,
Se ravissent entre eux ce bien commun à tous !
Plus durs que le destin, dans d'indignes entraves,
De ce que Dieu fit libre ils ont fait des esclaves!
Ils ont de ses saints droits dégradé la raison ;
Qu'ai-je dit ils ont fait un crime de ton nom!
Mais semblable à ce feu que le caillou recèle,
Dont l'acier fait jaillir la brûlante étincelle,
Dans les cœurs asservis tu dors: tu ne meurs pas !
Et, quand mille tyrans enchaîneraient tes bras,
Sous le choc de ces fers dont leurs mains t'ont chargée,
Tu jaillis tout à coup, et la terre est vengée !

A. De Lamartine.

LES ADIEUX DE MARIE STUART.

Adieu, charmant pays de France,
Que je dois tant chérir!

Berceau de mon heureuse enfance,
Adieu! te quitter, c'est mourir.

Toi, que j'adoptai pour patrie,
Et d'où je crois me voir bannir,
Entends les adieux de Marie,
France, et garde son souvenir !
Le vent souffle, on quitte la plage,
Et, peu touché de mes sanglots,
Dieu, pour me rendre à ton rivage,
Dieu n'a point soulevé les flots!

Lorsqu'aux yeux du peuple que j'aime
Je ceignis les lis éclatants,

Il applaudit au rang suprême

Moins qu'aux charmes de mon printemps. En vain la grandeur souveraine

M'attend chez le sombre Écossais,

Je n'ai désiré d'être reine

Que pour régner sur des Français !

L'amour, la gloire, le génie,

Ont trop enivré mes beaux jours;
Dans l'inculte Calédonie

De mon sort va changer le cours.

Hélas! un présage terrible

Va livrer mon cœur à l'effroi :
J'ai cru voir, dans un songe horrible,
Un échafaud dressé pour moi!

France, du milieu des alarmes,
La noble fille des Stuarts,

Comme en ce jour qui voit ses larmes,

Vers toi tournera ses regards,

Mais, Dieu! le vaisseau trop rapide
Déjà vogue sous d'autres cieux,
Et la nuit, dans son voile humide,
Dérobe tes bords à mes yeux !

Adieu, charmant pays de France,
Que je dois tant chérir!

Berceau de mon heureuse enfance,

Adieu! te quitter, c'est mourir.

Béranger.

Né en 1780, mort à Paris en 1858.

L'ART DE JOUIR.

Des biens que sur vos pas sème la Providence
Jouissez, mais surtout jouissez par le cœur ;
Le plus doux des plaisirs est la reconnaissance,
Et lui seul ne connaît ni remords, ni langueur.

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