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Tu l'envoies

des citoyens, tu le laisses sortir de Rome! prendre les armes contre la république ! Tu ne le fais pas charger de fers, traîner à la mort! Tu ne le livres pas au plus affreux supplice!

Qui t'arrête ?

Mais, souvent des

Est-ce la discipline de nos ancêtres ? particuliers même ont puni de mort des citoyens séditieux. Sont-ce les lois qui ont borné le châtiment des citoyens coupables? Mais ceux qui se sont déclarés contre la république, n'ont jamais joui des droits de citoyen. Crains-tu les reproches de la génération suivante ? Mais le peuple romain qui t'a conduit de si bonne heure par tous les degrés d'élévation jusqu'à la première de ses dignités, sans nulle recommandation de tes ancêtres, sans te connaître autrement que par toi-même, le peuple romain, obtient donc de toi bien peu de reconnaissance, s'il est quelque considération, quelque crainte, qui te fasse oublier le salut de ses citoyens.

A cette voix sainte de la république, à ces plaintes qu'elle peut m'adresser, voici quelle est ma réponse. Si j'avais cru que le meilleur parti à prendre, fût de faire périr Catilina, je ne l'aurais pas laissé vivre un moment. En effet, si les plus grands hommes de la république se sont honorés par la mort de Flaccus,1 de Saturninus,2 des deux Gracques, je ne devais pas craindre que la postérité me condamnât pour avoir fait mourir

1 Flaccus, consul romain du temps de Sylla.

2 Tribun romain.

Gracchi, patriotes romains, qui souffrirent une mort injuste

ce brigand, cent fois plus coupable, et ce meurtrier de ses concitoyens; ou s'il était possible qu'une action si juste excitât contre moi la haine, il est dans mes principes de regarder comme des titres de gloire les ennemis qu'on se fait par la vertu.

Mais il est dans cet ordre même, il est des hommes qui ne voient pas tous nos dangers et tous nos maux, ou qui ne veulent pas les voir. Ce sont eux qui en se montrant trop faibles, ont nourri les espérances de Catilina, ce sont eux qui ont fortifié la conjuration en refusant de la croire. Entraînés par leur autorité, beaucoup de citoyens aveuglés ou méchants, si j'avais sévi contre Catilina, m'auraient accusé de cruauté et de tyrannie. Aujourd'hui, s'il se rend, comme il l'a résolu, dans le camp de Manlius, il n'y aura personne d'assez insensé pour nier qu'il ait conspiré contre la patrie. Mais s'il emmène avec lui tout cet exécrable ramas d'assassins et d'incendiaires, alors, non seulement nous aurons détruit cette peste qui s'est accrue et nourrie au milieu de nous, mais même nous aurons anéanti jusqu'aux semences de la corruption.

Ce n'est pas d'aujourd'hui, que nous sommes environnés de pièges et d'embûches; mais il semble que tout cet orage de fureur et de crimes ne se soit grossi depuis longtemps que pour éclater sous mon consulat. Si parmi tant d'ennemis, nous ne frappions que Catilina seul, sa mort nous laisserait respirer, il est vrai, mais le péril subsisterait, et le venin serait renfermé dans le sein de la république. Ainsi donc, je le répète, que

les méchants se séparent des bons; que nos ennemis se rassemblent en une seule retraite ; qu'ils cessent d'assiéger le consul dans sa maison, les magistrats sur leur tribunal, les pères de Rome dans le sénat, d'amasser des flambeaux pour embraser nos demeures; enfin, qu'on puisse voir écrit sur le front de chaque citoyen ses sentiments pour la république. Je vous réponds, pères conscripts, qu'il y aura dans vos consuls assez de vigilance, dans cet ordre assez autorité, dans celui des chevaliers assez de courage, parmi tous les bons citoyens assez d'accord et d'union, pour qu'au départ de Catilina, tout ce que vous pouvez craindre de lui et de ses complices, soit à la fois découvert, étouffé et puni.

Tu

Va donc, avec ce présage de notre salut et de ta perte, avec tous les satellites que tes abominables complots ont réunis avec toi, va, dis-je, Catilina, donner le signal d'une guerre sacrilége. Et toi, Jupiter Stator, dont le temple a été élevé par Romulus, sous les mêmes auspices que Rome même! Toi, nommé dans tous les temps le soutien de l'empire romain ! préserveras de la rage de ce brigand tes autels, ces murs, et la vie de tous nos citoyens ; et tous ces ennemis de Rome, ces déprédateurs de l'Italie, ces scélérats liés entre eux par les mêmes forfaits, seront aussi, vivants et morts, réunis à jamais par les mêmes supplices. -CICERON1-Accusation contre Catilina.

1 Cicéron, illustre orateur romain, né à Arpinam 105 ans avant Jésus-Christ, mort à 63 ans.

PROCLAMATION DE BONAPARTE.1

Après la bataille de Mondovi, le 22 avril 1796.

Soldats, vous avez remporté, en quinze jours, six victoires, pris vingt et un drapeaux, cinquante-cinq pièces de canon, plusieurs places fortes, et conquis la partie la plus riche du Piémont. Vous avez fait quinze mille prisonniers, tué ou blessé plus de dix mille hommes. Vous vous étiez jusqu'ici battus pour des rochers stériles, illustrés par votre courage, mais inutiles à la patrie. Vous égalez aujourd'hui, par vos services, l'armée de Hollande et celle du Rhin.

Dénués de tout, vous avez suppléé à tout. Vous avez gagné des batailles sans canons, passé des rivières sans ponts, fait des marches forcées sans souliers, bivouaqué sans eau-de-vie, et souvent sans pain. Les phalanges républicaines, les soldats de la liberté étaient seuls capables de souffrir ce que vous avez souffert. Grâces vous en soient rendues, soldats! La patrie reconnaissante vous devra sa prospérité; et si, vainqueurs de Toulon, vous présagéâtes l'immortelle campagne de 1793, vos victoires actuelles en présagent une plus belle encore.

Les deux armées qui naguère vous attaquaient avec audace fuient épouvantées devant vous. Les hommes pervers qui riaient de votre misère et se réjouissaient dans leur pensée des triomphes de vos ennemis, sont

1

Napoléon Bonaparte, empereur des Français, né à Ajaccio en Corse le 15 août 1769, mort à Sainte-Hélène le samedi 5 mai 1821.

confondus et tremblants. Mais, soldats, il ne faut pas vous le dissimuler; vous n'avez rien fait, puisqu'il vous reste à faire; ni Turin, ni Milan ne sont à vous; les cendres des vainqueurs de Tarquin sont encore foulées par nos ennemis.

Vous étiez dénués de tout au commencement de la campagne; vous êtes aujourd'hui abondamment pourvus les magasins pris à vos ennemis sont nombreux, l'artillerie de siège et de campagne est arrivée. Soldats, la patrie a droit d'attendre de vous de grandes choses; justifierez-vous son attente ? Les plus grands obstacles sont franchis, sans doute; mais vous avez encore des combats à livrer, des villes à prendre, des rivières à passer.

En est-il d'entre vous dont le courage s'amollisse ! En est-il qui préféreraient de retourner sur les sommets de l'Apennin et des Alpes, essuyer patiemment les injures de cette soldatesque esclave? Non, il n'en est pas parmi les vainqueurs de Montenotte, de Millesimo, de Dego et de Mondovi: tous brûlent de porter au loir la gloire du peuple français; tous veulent humilier ces rois orgueilleux qui osaient méditer de vous donner des fers; tous veulent dicter une paix glorieuse, et qui indemnise la patrie des sacrifices immenses qu'elle a faits; tous veulent, en rentrant dans leurs villages, pouvoir dire avec fierté : J'étais de l'armée conquérante de l'Italie.

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