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parricide, et l'on courut aux temples remercier les dieux. Ne te laisse pas éblouir par des respects. Si tu n'as des vertus, on te rendra des hommages, et l'on te haïra. Crois-moi, on n'abuse point les peuples. La justice outragée veille dans les cœurs. Maître du monde, tu peux m'ordonner de mourir, mais non de t'estimer. O fils de Marc-Aurèle! pardonne je te parle au nom des dieux, au nom de l'univers qui t'est confié ; je te parle pour le bonheur des hommes et pour le tien. Non, tu ne seras point insensible à une gloire si pure. Je touche au terme de ma vie ; bientôt j'irai rejoindre ton père. Si tu dois être juste, puissé-je vivre encore assez pour contempler tes vertus! Si tu

devais un jour..

Tout-à-coup Commode,1qui était en habit de guerrier, agita sa lance d'une manière terrible. Tous les Romains pâlirent. Apollonius fut frappé des malheurs qui menaçaient Rome. Il ne put achever. Ce vénérable

vieillard se voila le visage. La pompe funèbre, qui avait été suspendue, reprit sa marche. Le peuple suivit, consterné, et dans un profond silence: il venait d'apprendre que Marc-Aurèle était tout entier dans le tombeau.-THOMAS-Essai sur les Eloges.

' Commodus, empereur romain.

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Harangue Prononcée devant les Athéniens.

Je commence par demander aux dieux immortels, qu'ils vous inspirent à mon égard, ô Athéniens! les mêmes dispositions où j'ai toujours été pour vous et pour l'état qu'ils vous persuadent, ce qui est d'accord avec votre intérêt, votre équité, votre gloire, de ne pas prendre conseil de mon adversaire pour régler ma défense. Rien ne serait plus injuste et plus contraire au serment que vous avez prêté, d'entendre également les deux parties; ce qui ne signifie pas seulement que vous ne devez apporter ici ni préjugé ni faveur, mais que vous devez permettre à l'accusé d'établir à son gré ses moyens de justification.

Eschyne1 a déjà dans cette cause assez d'avantages sur moi; oui, Athéniens, et deux surtout bien grands. D'abord, nos risques ne sont pas égaux; s'il ne gagne pas sa cause, il ne perd rien; et moi, si je perds votre bienveillance . . . Mais non, il ne sortira pas de ma bouche une parole sinistre, au moment où je commence à vous parler. L'autre avantage qu'il a sur moi, c'est qu'il n'est que trop naturel d'écouter volontiers l'accusation et le blâme, et de n'entendre qu'avec peine ceux qui sont forcés à dire du bien d'eux-mêmes.

Ainsi donc, Eschyne a pour lui tout ce qui flatte la plupart des hommes; il m'a laissé ce qui leur déplaît et les blesse. Si, dans cette crainte, je me tais sur les

'Orateur grec, rival de Démosthène.

actions de ma vie publique, je paraîtrai me justifier mal; je ne serai plus celui que vous avez jugé digne de récompense. Si je m'étends sur ce que j'ai fait pour le service de l'état, je serai dans la nécessité de parler souvent de moi-même. Je le ferai du moins avec la réserve dont je suis capable, et ce que je serai obligé de dire, ô Athéniens, imputez-le à celui qui m'a réduit à me défendre.

La contagion était générale dans les villes de la Grèce ; ceux qui gouvernaient, se laissaient corrompre par des présents, et la multitude s'abandonnait à eux ou par aveuglement sur l'avenir, ou par cette faiblesse qui est la suite d'une longue indolence. Chacun croyait que le malheur n'irait pas jusqu'à lui, ou s'imaginait même, s'élever sur les ruines des autres ; et c'est ainsi que l'imprudente sécurité des peuples leur a fait perdre leur liberté, et que les magistrats qui croyaient livrer tout à Philippe, excepté eux-mêmes, se sont aperçus trop tard qu'ils s'étaient donnés aussi.

Ce ne sont plus aujourd'hui des amis et des hôtes, comme on les appelait dans le temps qu'il fallait les séduire les choses ont à présent leur vrai nom, et ce sont de vils flatteurs, détestés des hommes et des dieux. Car il ne faut pas s'y tromper; on ne donne pas d'argent pour enrichir un traître, et quand on a obtenu ce qu'on voulait, il n'est plus même consulté: sans cela les traîtres seraient trop heureux. Mais non, il n'en est pas ainsi ; et comment cela pourrait-il être ? Quand celui qui voulait régner est devenu le maître, il l'est de

ceux mêmes qui lui ont vendu les autres. leur perversité; il les hait et les méprise.

Il connaît

Rappelez-vous ce que vous avez vu et ce que vous voyez aujourd'hui. Lasthène1 a été l'ami de Philippe jusqu'au moment où il lui a vendu la ville d'Olynthe;2 Timolaüs, jusqu'à ce qu'il ait perdu les Thébains ;* Eudique et Simos de Larisse, jusqu'à ce qu'ils lui aient assujetti la Thessalie.7 Le monde entier est plein des mêmes exemples.

Que sont maintenant Aristotes à Sicyonne, Périlaüs 10 à Mégare? Tous sont dans l'abjection. Et sais-tu ce qui en résulte, Eschyne? C'est que tes pareils et toi, vous tous qui dans Athènes faites métier de la trahison, vous avez la plus grande obligation à ceux qui comme moi défendent de toutes leurs forces la république et la liberté. C'est là ce qui vous soutient, c'est là ce qui vous enrichit sans nous, il y a longtemps qu'on ne vous paierait plus: sans nous, il y a longtemps que vous auriez fait tout ce qu'il faut pour vous perdre ... Cet insensé n'a-t-il pas dit quelque part que je lui reprochais l'amitié d'Alexandre ?

1 Lasthène, gouverneur de la ville d'Olynthe. 2 Olynthus, ville de la Macédoine.

Timolaüs, gouverneur d'une ville de Thessalie. • Thebans, guerriers de Thèbes, ville de la Grèce. · Eudique et Simos, gouverneurs de Larisse.

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Larissa, ville de Thessalie.

Thessaly, pays au nord de la Grèce.

8 Aristotle, philosophe grec.

• Ville du Péloponnèse.

10 Périlaüs, gouverneur de la ville de Mégare.

Non, je ne me méprends pas ainsi. Je n'ai jamais dit que tu fusses l'hôte ni l'ami de Philippe, ni d'Alexandre. Toi! comment? A quel titre ? Les esclaves, les mercénaires s'appellent-ils les hôtes et les amis de leurs maîtres ? J'ai dit que tu avais été d'abord le mercénaire de Philippe, et que tu étais aujourd'hui celui d'Alexandre. Je l'ai dit, et tous les Athéniens le Veux-tu savoir ce qu'ils en pensent? Ose les interroger. Tu ne l'oses pas ! Eh bien! Je vais les interroger moi-même. Athéniens, que vous en semble? Eschyne est-il l'ami d'Alexandre, ou son mercénaire ? Entends-tu leur réponse ?-DEMOSTHÈNE1-Extrait de la Défense pour la Couronne.

disent.

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Harangue prononcée devant les Romains.

Et vous, pères conscripts, écoutez avec attention, et gravez dans votre mémoire la réponse que je crois devoir faire à des plaintes qui semblent, je l'avoue, avoir quelque justice. Je crois entendre la patrie, cette patrie qui m'est plus chère que ma vie, je crois l'entendre me dire: Cicéron, que fais-tu ? Quoi! celui que tu reconnais pour mon ennemi, celui qui va porter la guerre dans mon sein, qu'on attend dans un camp de rebelles, l'auteur du crime, le chef de la conjuration, le corrupteur

1 Célèbre orateur grec. 2 Célèbre conspirateur romain.

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