Page images
PDF
EPUB

le mérite, en quelque sujet qu'il se rencontre, sans le haïr et sans le combattre; qui n'a ni foi ni sincérité ; toujours prêt, dans la concurrence, à trahir l'un, à supplanter l'autre, à décrier celui-ci, à perdre celui-là, pour peu qu'il espère d'en profiter; qui, de sa grandeur prétendue et de sa fortune, se fait une divinité à laquelle il n'y a ni amitié, ni reconnaissance, ni considération, ni devoir qu'il ne sacrifie, ne manquant pas de tours et de déguisements spécieux pour le faire même honnêtement selon le monde; en un mot, qui n'aime personne, et que personne ne peut aimer.

Si je vous le figurais de la sorte, ne diriez-vous pas que c'est un monstre dans la société, dont je vous aurais fait la peinture? Et cependant, pour peu que vous fassiez de réflexion sur ce qui se passe tous les jours au milieu de vous, n'avouerez-vous pas que ce sont là les véritables traits de l'ambition, tandis qu'elle est encore aspirante, et dans la poursuite d'une fin qu'elle se propose -BOURDALOue.

L'OUBLI ET L'ABANDON DES PAUVRES.

Combien de pauvres sont oubliés ! combien demeurent sans secours et sans assistance ! Oubli d'autant plus déplorable, que, de la part des riches, il est volontaire, et par conséquent criminel. Je m'explique combien de malheureux réduits aux dernières rigueurs de la pauvreté et que l'on ne soulage pas,

parce qu'on ne les connaît pas, et qu'on ne veut pas les connaître ! Si l'on savait l'extrémité de leurs besoins, on aurait pour eux, malgré soi, sinon de la charité, au moins de l'humanité.

A la vue de leur misère, on rougirait de ses excès, on aurait honte de ses délicatesses, on se reprocherait ses folles dépenses, et l'on s'en ferait avec raison des crimes. Mais parce qu'on ignore ce qu'ils souffrent, parce qu'on ne veut pas s'en instruire, parce qu'on craint d'en entendre parler, parce qu'on les éloigne de sa présence, on croit en être quitte en les oubliant ; et, quelque extrêmes que soient leurs maux, on y devient insensible.

Combien de véritables pauvres que l'on rebute comme s'ils ne l'étaient pas, sans qu'on se donne et qu'on veuille se donner la peine de discerner s'ils le sont en effet ! Combien de pauvres dont les gémissements sont trop faibles pour venir jusqu'à nous, et dont on ne veut pas s'approcher pour se mettre en devoir de les écouter! Combien de pauvres abandonnés! Combien de désolés dans les prisons! Combien de languissants dans les hôpitaux! Combien de honteux dans les familles particulières !

Parmi ceux qu'on connaît pour pauvres, et dont on ne peut ni ignorer ni même oublier le douloureux état, combien sont négligés! combien sont durement traités! combien manquent de tout, pendant que le riche est dans l'abondance, dans le luxe, dans les délices ! S'il n'y avait point de jugement dernier, voilà ce que l'on

pourrait appeler le scandale de la Providence, la patience des pauvres outragés par la dureté et par l'insensibilité des riches.-BOURDALOUE

L'EMPLOI DES RICHESSES.

Comme riches, la religion vous apprend à craindre et à respecter les richesses: elles sont en effet, ou les plus grands de tous les maux, ou les plus grands de tous les biens. Quand la cupidité cherche à se les procurer, il n'y a plus de sûreté parmi les hommes, l'amitié est indignement trahie, la droiture et la bonne foi disparaissent, le sang coule de toutes parts, les poisons se préparent, la nature devient féroce. Quand l'avarice les entasse et les resserre, l'industrie utile est découragée, les arts nécessaires languissent, les maisons de miséricorde tombent, les pauvres meurent.

Quand la volupté ou le luxe les dissipe, les mœurs ne sont plus, le mariage n'est que l'annonce du divorce, les différentes conditions se confondent, le superflu absorbe le nécessaire, une fausse magnificence couvre une misère générale, les grands se ruinent et cessent d'être grands, la nation baisse; on cherche en vain l'ancienne dignité et l'âme des aïeux, on ne trouve dans leurs descendants que leurs noms et leurs titres.

Mais quand la charité distribue les richesses, elles sont alors la toute-puissance de l'homme; elles créent, pour ainsi dire, un monde nouveau dans l'ordre phy.

sique; elles font circuler en tous lieux l'abondance et la vie, elles sont l'aiguillon et la récompense du travail, elles cherchent le mérite, elles préviennent l'indigence, elles essuient les larmes des malheureux, elles brisent les chaînes des captifs, elles peuplent les déserts, elles redonnent la fertilité aux campagnes abandonnées ; elles ne rappellent pas du tombeau les Lazares ensevelis depuis quatre jours, mais elles empêchent les Lazares mourants d'y descendre.

Ainsi le riche miséricordieux n'est pas simplement un homme, c'est la Providence elle-même rendue visible, et appliquée d'une manière sensible au bonheur du monde.L'ABBÉ POULLE.

LE PRÉSENT, L'AVENIR.

Les hommes passent comme les fleurs qui s'épanouissent le matin, et qui le soir sont flétries et foulées aux pieds. Les générations des hommes s'écoulent comme les ondes d'un fleuve rapide; rien ne peut arrêter le temps, qui entraîne après lui tout ce qui paraît le plus immobile.

Toi-même, ô mon fils, mon cher fils! toi-même qui jouis maintenant d'une jeunesse si vive et si féconde en plaisirs, souviens-toi que ce bel âge n'est qu'une fleur qui sera presque aussitôt séchée qu'éclose: tu te verras changer insensiblement; les grâces riantes, les doux plaisirs qui t'accompagnent, la force, la santé, la joie, s'évanouiront comme un beau songe; il ne t'en restera

qu'un triste souvenir; la vieillesse languissante et ennemie des plaisirs viendra rider ton visage, courber ton corps, affaiblir tes membres, faire tarir dans ton cœur la source de la joie, te dégoûter du présent, te faire craindre l'avenir, te rendre insensible à tout, excepté à la douleur.

Ce temps te paraît éloigné. Hélas! tu te trompes, mon fils; il se hâte, le voilà qui arrive : ce qui vient avec tant de rapidité n'est pas loin de toi, et le présent qui s'enfuit est déjà bien loin, puisqu'il s'anéantit dans le moment que nous parlons, et ne peut plus se rapprocher. Ne compte donc jamais, mon fils, sur le présent; mais soutiens-toi dans le sentier rude et âpre de la vertu, par la vue de l'avenir. Prépare-toi, par des mœurs pures et par l'amour de la justice, une place dans l'heureux séjour de la paix.-FENELON-Télémaque.

[blocks in formation]

Le soleil venait de se coucher; un bandeau rougeâtre marquait encore sa place à l'horizon lointain des monts de la Syrie 2 la pleine lune à l'orient s'élevait sur un fond bleuâtre, aux planes rives de l'Euphrate;3 le ciel était pur, l'air calme et serein; l'éclat mourant

1 Palmyra, the ancient capital of Palmyrene, east of Syria. 2 Syria, a country on the eastern shores of the Mediterranean Sea.

Euphrates, a river in Mesopotamia.

« PreviousContinue »