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BOURDALOUE (LOUIS,)

Né à Bourges (département du Cher) le 20 août 1632, est l'un de nos prédicateurs les plus illustres, et celui qui a le plus contribué à bannir le mauvais goût de la chaire chrétienne. A seize ans il entra dans l'ordre des jésuites. Il professa successivement les humanités, la rhétorique, la philosophie et la théologie; ensuite il prêcha en province, et fut appelé à Paris en 1669. C'était la plus brillante époque du siècle de Louis XIV. ; car les vingt années comprises entre 1660 et 1680 furent témoins de tout ce qui fit alors la gloire des lettres et des arts.

L'éloquence grave et vigoureuse du nouveau prédicateur produisit une impression profonde. L'habitude que Bourdaloue avait prise de parler les yeux fermés semblait ajouter une autorité mystérieuse à ses paroles. Louis XIV. le manda dix fois à la cour pour l'entendre prêcher l'Avent ou le Carême. C'était un succès inouï. Mme. de Sévigné écrivait à sa fille qu'elle n'avait jamais rien entendu de plus beau, de plus noble, de plus étonnant que les sermons de Bourdaloue.

Boileau, peu favorable aux jésuites, recherchait la société de cet orateur, qui savait approprier à tout les ressources de sa mâle éloquence. Entre ses discours, on remarque celui qu'il prononça sur la Passion, et on le regarde, surtout dans la première partie, comme un chef-d'œuvre de logique. On peut trouver des défauts dans les sermons de Bourdaloue; ils sont trop minu

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tieusement divisés et subdivisés, et l'argumentation y fait souvent tort à l'effet oratoire. Mais il faut admirer la variété de ses plans, l'heureux enchaînement de ses preuves, et le style fort et nerveux d'un homme de génie

convaincu.

La pureté de la vie et la douceur des mœurs relevaient dans Bourdaloue l'éclat du talent. Il sacrifia sa santé, et l'on pourrait dire sa vie, à l'accomplissement de ses devoirs évangéliques. Accablé par l'âge et par la maladie, il ne cessa de visiter les pauvres et de se rendre à son confessionnal, et mourut, pour ainsi dire, sur les marches de l'autel: ayant célébré la messe le jour de la Pentecôte, il expira le lendemain, 13 mai 1704, à l'âge de 72 ans.

QUESTIONNAIRE.

1. Où naquit Bourdaloue et à quelle époque ?-2. Quel jugement peut-on porter de lui ?-3. Dans quel ordre entra-t-il à seize ans ?-4. Que professa-t-il successivement ?-5. Où commença-t-il à se faire connaître comme prédicateur ?—6. A quelle époque fut-il appelé à Paris ?—7. De quoi les vingt années comprises entre 1660 et 1680 furent-elles témoins ?—8. Quel effet produisit l'éloquence du nouveau prédicateur ?-9. Quelle habitude Bourdaloue avait-il prise ?-10. Qu'en résultait-il ?-11. Ne prêcha-t-il pas aussi à la cour ?—12. Qu'est-ce que Madame de Sévigné écrivait à sa fille ? — 13. A qui Boileau n'était-il pas favorable ? — 14. Que recherchait-il ?—15. Que remarque-t-on parmi les ouvrages de Bourdaloue? — 16. Quels défauts peut-on trouver dans ses sermons ?-17. Mais que doit-on admirer?-18. Quel était le caractère de Bourdaloue ?-19. Où peut-on dire qu'il mourut ?— 20. En quelle année et à quel âge mourut-il?

PARALLÈLE DE BOSSUET ET DE BOURDALOUE.

Bossuet naquit avec beaucoup plus de génie que Bourdaloue: cependant les sermons de celui-ci sont mieux faits, mieux finis, plus méthodiques; et il ne faut pas en être surpris, puisqu'ils ont été l'unique objet de ses travaux littéraires. Si l'on compare sermon à sermon, Bourdaloue aura l'avantage; mais si l'on opposait trait à trait, il perdrait beaucoup à ce parallèle. Bossuet est plus lumineux, plus original, plus impétueux. Son style est élevé et ferme, sa familiarité est noble, les élans de son imagination sont sublimes, ses tableaux sont grandioses et imposants, ses transitions sont brusques, et cependant toujours naturelles : il révèle des vérités profondes qu'on ne découvre qu'en creusant profondément dans son propre cœur : la majesté de ses idées et la vigueur de ses expressions lui sont propres. Il épouvante le pécheur et le livre aux remords pour achever sa conversion.

QUESTIONNAIRE.

1. Quel était l'avantage de Bossuet sur Bourdaloue ?—2. Quel est l'avantage de Bourdaloue sur Bossuet ?-3. Pourquoi ne devons-nous pas en être surpris ?-4. Si l'on compare sermon à sermon qui des deux a l'avantage ?-5. Mais dans quelle comparaison Bossuet le surpasse-t-il ?-6. Qu'a-t-il montré de plus? -7. Que dit-on de son style? de sa familiarité ?-8. Que dit-on de ses élans? de ses tableaux ?-9. Que dit-on de ses transitions ?— 10. Que révèle-t-il ?-11. Que doit-on faire pour les découvrir ?— 12. Qu'est-ce qui lui est propre ?—13. Qui épouvante-t-il ?—14. A quoi le livre-t-il ?

BOSSUET ET CORNEILLE.

L'élévation est sans doute le caractère de l'un et de l'autre ; mais l'élévation de Corneille tient à la fierté républicaine, celle de Bossuet à l'enthousiasme religieux. Corneille brave la grandeur et la puissance, Bossuet la foule aux pieds, pour s'élancer jusqu'à la Divinité même. Le premier, en nous montrant l'homme dans toute sa dignité, nous agrandit à nos propres yeux; le second, en nous le faisant voir dans tout son néant, semble planer au-dessus de l'espèce humaine. Le sublime du pöete a plus de profondeur, plus de traits et de pensées; celui de l'orateur, plus de majesté, plus de véhémence et plus d'images: les négligences de Corneille viennent de lassitude et d'épuisement; celles de Bossuet, d'un excès de chaleur et d'abondance: dans Corneille, enfin, quand l'expression est familière, elle est presque toujours sans noblesse; dans Bossuet, quand l'idée est grande, la familiarité même de l'expression semble l'agrandir encore.—D'ALEMBERT.

QUESTIONNAIRE.

1. Ces deux grands hommes qu'ont-ils de commun ?—2. Mais qu'est-ce qui distingue l'élévation de Corneille de celle de Bossuet? -3. Qu'est-ce que Corneille brave ?—4. Mais où Bossuet la foulet-il ?-5. Dans quel but ?-6. Sous quel aspect le premier nous présente-t-il l'homme ?-7. Et Bossuet que fait-il de l'espèce humaine en planant au-dessus d'elle ?—8. Qu'est-ce qui distingue le sublime du poète de celui de l'orateur ?--9. D'où viennent les négligences du poète ?—10. Et celles de Bossuet ?—11. Enfin quelle différence remarque-t-on entre ces deux hommes, quand tous deux descendent jusqu'à la familiarité?

FLÉCHIER,

Né le 10 juin 1632 à Pernes (département de Vaucluse), a mérité l'un des premiers rangs parmi nos orateurs sacrés. Élevé par son oncle le Père Audifret, ecclésiastique instruit et vertueux, il apprit de bonne heure à rechercher le vrai, à étudier le beau. Ses dispositions pour l'éloquence de la chaire se manifestèrent bientôt.

Sa

A vingt-sept ans il professa la rhétorique à Narbonne, d'où il passa à Paris, pour y enseigner modestement le catéchisme aux enfants d'une paroisse. réputation commença par des œuvres toutes littéraires. Il avait un talent particulier pour les vers latins. Louis XIV. ayant donné en 1662 une de ces brillantes fêtes militaires qu'on nommait carrousels,1 Fléchier célébra dans une pièce latine cet éclatant spectacle.

Devenu instituteur de Caumartin,2 qui fut depuis intendant des finances, il acquit dans sa maison des amitiés précieuses, et surtout celle du duc de Montausier. 3 Son nouveau protecteur le fit nommer lecteur du Dauphin, dont lui-même était gouverneur.

'Les carrousels consistaient en une cavalcade de seigneurs richement parés, qui se rendaient sur une place publique avec le costume des anciens chevaliers et s'y livraient à des danses et à des joutes.

2 De Caumartin, né en 1653, mort à soixante-sept ans. C'était un homme fort instruit, et de qui Voltaire a dit:

Caumartin porte en son cerveau

De son temps l'histoire vivante.

Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier, homme d'une

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